Des clics et des droits : le droit appliqué à l’image

par Yves Alix

Michèle Battisti

Paris, ADBS, 2009, 63 p., 24 cm
Coll. L’Essentiel sur…
ISBN 978-2-84365-103-8 : 15 €

Avec l’explosion du numérique et les facilités d’écriture et d’édition sur le web (blogs, wikis, sites institutionnels ou commerciaux, plateformes de dépôt et d’échanges, réseaux sociaux), l’usage de l’image par les professionnels de l’information comme par les particuliers se développe à une vitesse accélérée. Et cela, bien souvent, dans l’ignorance – ou le mépris – des règles de droit qui s’appliquent à l’image. Le bref ouvrage de Michèle Battisti, publié dans une collection à visée essentiellement pratique, vient apporter des éclaircissements particulièrement utiles sur ces questions.

Quand on rapproche les deux mots droit et image, comme les familiers de ces questions le savent, on évoque en fait deux sortes de droits très différents : d’une part, les droits de propriété intellectuelle appliqués à l’image, qualifiés ici de droit de l’image et, d’autre part, le droit à l’image, notion juridique plus récente, encore mal stabilisée et, de ce fait, d’un maniement très délicat.

Le droit de l’image

Le droit de l’image, c’est essentiellement le droit d’auteur du ou des créateurs de l’image fixe ou animée, les droits voisins des producteurs (de films, par exemple) et des interprètes, ainsi que le droit des producteurs de bases de données. On est ici dans le cadre classique des règles fixées dans le Code de la propriété intellectuelle, au sein desquelles l’image ne représente pas un cas particulier – les seules singularités notables étant le statut des œuvres audiovisuelles et, sur le versant jurisprudentiel, le périmètre de l’exception de citation, extrêmement restreint, voire nul. L’auteur fait un rappel des notions essentielles : quel droit d’auteur pour l’image ? Qui sont les titulaires des droits ? En quoi consistent-ils, tant du côté du droit moral que de celui des droits patrimoniaux ? Comment sont-ils gérés et par qui ? Combien de temps durent-ils ? De nombreux encadrés viennent répondre à des questions plus précises : usage de la mention droits réservés, importance de la légende, images dites libres de droits, œuvres exposées dans les lieux publics, reproduction aux fins de promotion, etc. La question de la reproduction est évidemment centrale ici, que la copie soit matérielle ou numérique. Pour autant, le droit moral, qui, en matière de photographie ou d’œuvre d’art tout particulièrement, protège très fortement les auteurs, n’est pas oublié.

Le droit à l’image

Quant au droit à l’image, Michèle Battisti le définit essentiellement comme le droit « qui permet à chacun d’autoriser ou d’interdire la reproduction et la diffusion de son image ». Construit essentiellement à partir du respect de la vie privée et de la dignité de la personne contenus dans le Code civil, il s’appuie aussi sur plusieurs articles du Code pénal, qui sanctionnent l’enregistrement et la diffusion sans autorisation de l’image d’une personne. Ce droit s’est par ailleurs patrimonialisé ces dernières années (avec cependant un coup d’arrêt, s’agissant de l’image des biens d’une personne visibles dans un lieu public, porté par la Cour de cassation en 2004) et suscite une jurisprudence abondante. L’auteur articule ici son exposé autour d’impératifs simples : ne pas porter atteinte à la vie privée, ne pas porter atteinte à la dignité d’une personne, ne pas reprendre une image hors de son contexte (impératifs qui sont, n’hésitons pas à le souligner, moraux autant que juridiques), avant d’examiner les cas particuliers et le régime des autorisations.

Au total, en à peine 60 pages, on fait un tour presque complet de questions épineuses que les documentalistes, les bibliothécaires, les webmestres, les concepteurs de sites, pour ne citer qu’eux, sont quasiment obligés de se reposer chaque fois qu’ils veulent utiliser une image dans un contexte qui n’est pas strictement privé. Bien entendu, dans un tel volume, on ne peut que rappeler – justement – l’essentiel, sans entrer dans le détail. Consciente de cette limite, Michèle Battisti a multiplié les ouvertures, en proposant des notes abondantes, des liens nombreux et une bibliographie de 75 entrées, ce qui, rapporté au nombre de pages de l’ouvrage, peut être considéré comme une sorte d’exploit. Un seul regret : il n’y a aucune image…