Accueillir les publics : comprendre et agir

par Géraldine Barron

Marielle de Miribel

Avec la collaboration de Benoît Lizée et Tony Faragasso
Paris, Cercle de la librairie, 2009, 512 p., 24 cm
ISBN 978-2-7654-0971-7 : 46 €

Si le sommaire nous invite immédiatement à pénétrer dans l’univers des préoccupations des bibliothécaires de tous horizons, la lecture de cet ouvrage peut, de prime abord, paraître déroutante, voire rebutante. Combien de triangles pour schématiser ce que d’aucuns considèrent comme la quadrature du cercle : l’accueil des publics en bibliothèque ! Et pourtant, un savoureux dosage de concepts et d’exemples universels fait que cet ouvrage devrait rencontrer un grand succès dans nos bibliothèques professionnelles.

En introduction, Marielle de Miribel a devancé notre réaction en lançant : « Comment ? Trente chapitres ! Pour apprendre à dire bonjour poliment et avec le sourire ? », tant il est vrai que l’accueil, c’est avant tout s’ouvrir aux autres, se mettre à leur disposition. Mais est-ce bien cela ? Lorsque l’on progresse dans la lecture et que l’on découvre les nécessaires compétences d’étalagiste, d’ergonome, et les connaissances non moins utiles en marketing, systémique, programmation neurolinguistique ou en analyse transactionnelle, la question serait plutôt : « Quoi ? Tout ce jargon pour faire du prêt-retour de documents et du renseignement bibliographique ? ». On ne ressort pas tout à fait indemne de cette lecture : suis-je vraiment compétent(e) pour assurer le cœur de mon métier ?

L’ouvrage se déploie de manière concentrique : après l’environnement institutionnel et la définition des notions d’accueil et d’information, c’est dans l’espace bibliothèque qu’est analysée la problématique de l’accueil. Une seconde partie se concentre sur l’humain : la relation bibliothécaire-lecteur et une gradation d’interactions plus ou moins heureuses entre les protagonistes. Quand le service public n’est pas un long fleuve tranquille…

Les enjeux de l’accueil

Dans un premier temps, il faut prendre du champ, se détacher de la position de contact avec le lecteur. Accueillir est une mission de la bibliothèque, qui elle-même se situe dans un contexte qu’il convient de définir : quelle tutelle, quelle politique, pour quels publics, avec quels moyens ? Chacun de ces éléments a une incidence sur la relation bibliothécaire-public car tout fait sens dans l’accueil : de la couleur du sol à la signalétique en passant par le terme adopté pour désigner ces personnes que l’on accueille (lecteurs, visiteurs, public, clients, usagers…). Autrement dit, travailler sur l’accueil, c’est en premier lieu clarifier ses choix en interne, les rendre cohérents, visibles, et veiller à ce que les personnes en situation d’accueil les aient intégrés. Dans ces conditions, le visiteur trouvera des repères qui lui permettront de se repérer, circuler dans les espaces, mais aussi savoir comment se comporter, quels sont ses droits et ses devoirs.

L’accueil virtuel, traité par Tony Faragasso, est sans doute la partie la moins convaincante de l’ouvrage, car, en ce domaine, les modes et les technologies évoluent trop rapidement pour que des principes de communication efficaces puissent être proposés. Il en va de même pour la signalétique, qui n’est vraisemblablement pas le point fort de l’auteur, bien que le sujet soit incontournable en matière d’accueil. Preuve encore que l’accueil est une fonction complexe, mettant en jeu une infinité de spécialités, de métiers et de composantes.

Le bibliothécaire en service public est une membrane qui, tel un tympan, doit transmettre des informations entre deux univers. Il est fréquent qu’il se sente au bord de la rupture et, pour beaucoup, se former à l’accueil c’est savoir comment gérer les « publics difficiles ». Or les exemples, ô combien familiers, employés par Marielle de Miribel nous démontrent qu’il n’y a pas de publics difficiles, mais seulement des situations qui demandent de savoir décoder les jeux de pouvoir et les modes d’expression qui s’instaurent dans la relation avec l’autre.

Nous sommes tous des personnages de BD

La galerie de portraits qui occupe le milieu de l’ouvrage est un vrai moment de détente : nous pouvons tous mettre un visage sur chacun de ces lecteurs-types et nous amuser, confortablement installés dans notre bureau ou au coin du feu, de ces situations auxquelles nous avons été confrontés. Toutefois, le sourire se fige au cours des chapitres suivants qui nous forcent à l’introspection et à l’étude quasi clinique de nos relations avec nos collègues comme de notre attitude envers le public. C’est là que devient criant notre manque de formation et de préparation à l’accueil. Car si, jusqu’à présent, et notamment grâce aux régulières incursions de Nasreddin Hodja  * dans le fil de la démonstration, on peut estimer qu’une bonne dose de bon sens résout bien des problèmes, les outils de la médiation ne sont pas ceux que l’on apprend dans les formations initiales aux métiers des bibliothèques. L’ouvrage de Marielle de Miribel, qui a le mérite de contextualiser quelques principes intemporels, comblera, au moins partiellement, ce manque.