Rédiger pour être publié ! Conseils pratiques pour les scientifiques

par Yves Desrichard

Eric Lichtfouse

Paris, Springer 2009, 105 p., 19 cm
ISBN 978-2-287-99395-4 : 25 €

« Publish or perish », qu’on peut avantageusement traduire en français par « Publier ou périr » pourrait être la devise de l’équipe du Bulletin des bibliothèques de France. C’est, à tout le moins, une antienne désormais bien connue pour qualifier la production documentaire issue de la recherche scientifique, où le chercheur se voit essentiellement jugé (c’est le bruit qui court), non sur la qualité de ses recherches, ni même sur la qualité des publications qui en sont issues, mais sur leur nombre et sur leur influence – en terme de citations dans d’autres revues notamment.

Petit mais costaud

Le petit, par la taille, mais costaud par le contenu, ouvrage d’Eric Lichtfouse, Rédiger pour être publié ! s’attaque ou s’attache, selon les humeurs, à améliorer la qualité des contributions, de manière à augmenter les chances, pour un auteur/chercheur, de voir les articles qu’il propose acceptés par les revues « qui comptent ».

Le ci-devant est docteur en géochimie organique, chercheur à l’Inra (Institut national de recherche agronomique) et surtout éditeur en chef des sans doute estimables (j’avoue que…) revues Agronomy for sustainable development et Environmental chemistry letters. À ce titre, et comme il le précise à de (très) nombreuses reprises dans son ouvrage, M. Lichtfouse a eu l’occasion de lire énormément d’articles scientifiques soumis à « ses » revues. Et d’en refuser un pourcentage des plus considérable, pour les raisons les plus diverses, toutes plus estimables les unes que les autres.

Aller droit au but

C’est pour lutter contre cette autre forme d’échec universitaire qu’il a décidé de rédiger ce vade-mecum précis, concis, qui goes straight to the point (il n’existe malheureusement aucun équivalent français pour cette notion, ce qui ne serait d’ailleurs d’aucune utilité, puisque la notion elle-même n’existe pas), bref, qui prend la forme et l’image d’un bon article scientifique, de celui qui a une chance d’être publié.

Disons tout de suite que les bons articles scientifiques, pour l’auteur, sont en anglais, et issus des sciences dures. Ajoutons immédiatement que, d’évidence, rien n’empêche de transposer en français (langue dans laquelle l’ouvrage est pour une majeure part écrit) nombre des préceptes ici rapportés, de la même manière que même les auteurs de sciences molles pourront trouver profit à nombre de recommandations. Tiens, au hasard : appliquer les instructions [du rédacteur en chef] avec la plus grande rigueur, ne pas utiliser d’abréviations, éviter les paragraphes déstructurés, l’absence de fil conducteur, etc.

10 commandements

Bâti en deux parties, « Conseils généraux » et « Conseils par section [d’un article type] », l’ouvrage propose en sus les « 10 commandements de la rédaction d’un article de recherche ». On en retiendra, en plus des conseils cités précédemment, au moins deux : « Tu introduiras une bonne dose d’éducation et de vulgarisation » et « Tu reliras ou feras relire ton manuscrit au moins cinq fois avant de le soumettre ». Si les croyants (ceux qui proposent des articles à des revues) étaient plus pratiquants, la vie de rédacteur en chef serait plus simple (mais je ne vise personne).

Notons au passage que l’auteur consacre trois pages, parfois un peu confuses, aux « références bibliographiques » : il n’y est question que de « l’impact d’internet », les normes (pourtant ISO ?)  * en la matière sont royalement ignorées, « le système CrossRef » est considéré comme l’unique moyen de créer des hyperliens vers les articles cités, le DOI (Digital Object Identifier) est privilégié, et il n’est pas une seule fois question de bibliothèque : hors de HAL (Hyper articles en ligne), point de salut. On est bien peu de choses.

Ne te méprends pas, lecteur, auteur, à l’ironie appuyée de ces quelques propos : Rédiger pour être publié ! est un opuscule indispensable, d’une part en ce qu’il aide à mieux comprendre comment on fabrique aujourd’hui la « littérature » scientifique, la bonne et la mauvaise, et d’autre part en ce qu’il permet d’appréhender l’articulation entre la recherche proprement dite et sa mise au jour, mélange subtil de compromis, de marketing et de rigueur scientifique, cocktail indispensable, sinon à l’avancée de la connaissance humaine, du moins à la publicisation bien comprise des chercheurs et de leurs travaux.

“Boring scientific literature”

On recommandera d’autant plus cet ouvrage qu’il se conclut sur un pur moment de délectation anglophone, avec l’article How to write consistently boring scientific literature, de Kaj Sand-Jensen, danois de naissance semble-t-il. Le titre parle de lui-même, cela est sûr, et, du coup, on ne sait trop s’il faut en recommander la lecture – ou la dissuader fortement – au contributeur potentiel de notre indispensable revue. Tout en sachant que, de toute façon, c’est la même chose.

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