Portes ouvertes
Yves Alix
Pour les bibliothèques, l’accessibilité permanente d’internet *, porte ouverte sur le monde et la connaissance disponible jour et nuit (le fameux 24/7, « twenty four/seven » anglo-saxon), a été une épreuve décisive. Non seulement elles doivent prouver qu’elles offrent un accès au savoir, à l’information et à la culture d’une qualité comparable à celle de la Toile, mais elles doivent aussi lutter avec elle sur le terrain de l’accès. Ce nouveau défi vient s’ajouter à d’autres enjeux essentiels (et tout aussi coûteux) : la conservation du patrimoine et sa transmission aux générations futures, le libre accès à l’information et aux œuvres dans un contexte juridique chaque jour plus tendu, la visibilité dans la ville, la diffusion culturelle, l’action sociale. Autant dire que les bibliothèques sont en première ligne dans la bataille pour l’espace public du savoir. Dans une conception volontairement globalisante, la notion « d’Universal Design » est celle qui exprime le mieux au plan international, la force de cette exigence.
Cette question de l’accès peut par ailleurs se décliner de plusieurs façons, dans les bibliothèques françaises d’aujourd’hui. Comme l’écrit Gilles Éboli dans l’article qui ouvre ce dossier, c’est d’abord sous l’angle de ce que nous appelons l’accessibilité qu’elle est le plus souvent appréhendée. Le premier chantier d’envergure est ici celui de la mise en œuvre réelle et complète de la loi de 2005 pour l’autonomie des personnes handicapées. Dans une société faite d’abord pour (et par) des personnes valides, le seul moyen d’assurer cette autonomie est de compenser intégralement la différence de capacité que le handicap impose dans tous les gestes de la vie courante. Cela vaut bien sûr pour toutes les formes de handicap, sensoriel, moteur ou psychique. Si les actions en direction des déficients visuels et des sourds se formalisent de plus en plus, les initiatives en direction des déficients intellectuels sont encore rares et méritent d’être mieux connues et encouragées.
D’autres chantiers sont en cours, qui requièrent notre attention et font débat. Ainsi de l’accueil et de l’offre des bibliothèques universitaires vers les étudiants de premier cycle, qui doivent être profondément repensés. Ou de l’accessibilité au sens géographique, car le principe républicain et constitutionnel de l’égalité de tous les citoyens impose que l’offre de bibliothèque soit équivalente, quel que soit le lieu d’habitation. Denis Llavori insiste avec raison sur cette obligation. Enfin, il y a la question toujours brûlante des horaires : amplitude insuffisante, inadaptation, illogisme… et fermeture du dimanche. Quand Trenet écrivait « Les enfants s’ennuient le dimanche », les bibliothèques étaient des lieux presque toujours clos et invisibles. Ouvrons-les largement, dimanche compris, pour faire mentir le poète : en bibliothèque, on ne s’ennuie jamais !