Le temps des cigales

Rencontres nationales des bibliothécaires musicaux

Denis Cordazzo

Pour son 20e anniversaire, l’Acim, Association pour la coopération des professionnels de l’information musicale, en coorganisation avec la ville de Paris, l’Association des bibliothécaires de France, la Cité de la musique et la Bibliothèque nationale de France, réunissait les bibliothécaires musicaux à Paris, du 23 au 25 mars, sur les sites de ces deux derniers partenaires  1.

Environ 320 personnes (un record !) ont participé à ces journées, intitulées « Le temps des cigales ». Arsène Ott, président de l’Acim, a usé dans son introduction de la symbolique animalière. La cigale, alternance du recueil et du don, manifeste les flux et reflux, signaux de l’échange : « L’abondance (le temps des cigales) se caractérise ici par le fait que, dans l’échange intellectuel, on ne perd rien à donner, prêter, échanger. »

C’est sur cette ligne de flottaison qu’ont été construites ces journées.

Questions d’actualité

La première matinée, consacrée aux questions d’actualité, a d’emblée présenté les problématiques majeures qui innervent aujourd’hui la profession.

Après la présentation des enjeux actuels pour la BnF (Jacqueline Sanson) et la ville de Paris (Francis Pilon) de la conservation et de la diffusion musicale, Fabien Plazannet (Direction du livre et de la lecture) et Catherine Dhérent (BnF) ont posé le cadre de la réflexion et les actions développées par les pouvoirs publics.

F. Plazannet a appelé à une remise en cause professionnelle, passant d’une logique de collection à une logique de publics et de services, et institutionnelle dans le cadre de la nouvelle architecture administrative du Ministère qui réunit sous une gouvernance commune des acteurs jusque-là éparpillés. Il a également rappelé les dispositifs existants (le concours particulier en faveur des bibliothèques publiques, le dépôt légal des fichiers numériques et de l’internet, le plan national de numérisation, les aides du Centre national du livre) et, dans le cadre du Conseil du livre, le développement du dialogue des acteurs publics et privés ainsi que le projet de schéma numérique des bibliothèques (remise prévue pour fin 2009) dont la réalisation a été confiée à Bruno Racine, président de la BnF, et dont Catherine Dhérent a signalé les pistes d’action en cours d’étude : la définition d’indicateurs communs ; une meilleure connaissance des centres de ressources ; la faisabilité de licences nationales pour les archives électroniques ; l’identification d’entrepôts numériques nationaux et une meilleure capacité à évaluer les actions.

La suite de ce parcours d’informations générales fut consacrée à une table ronde  2 très appréciée autour du cadre juridique contemporain de l’action des bibliothèques musicales, animée par Yves Alix (BBF) et introduite par une synthèse éclairante de Gilles Vercken, avocat au barreau de Paris, sur les développements de la loi dite Dadvsi, le projet de loi « Création et internet » et les exceptions auxquelles les bibliothèques peuvent prétendre. Les débats ont notamment conclu à la nécessité pour les bibliothèques de se regrouper pour devenir crédibles dans l’économie générale du marché de la diffusion musicale.

Patrimoine musical et actions de coopération

L’après-midi a été consacré aux actions de coopération en matière de patrimoine musical.

Dans un premier temps, les différents services de la BnF ont présenté les actions réalisées ou en cours autour du dépôt légal de l’internet.

Gildas Illien et Alain Carou ont notamment précisé que la collecte musicale recueillait les sites des critiques, blogs et autres pages personnelles d’amateurs, via Spar (Système de préservation et d’archivage réparti), la sélection s’opérant sur un modèle sélectif par représentativité et échantillonnage. Les contenus payants de musique ne sont pour l’instant pas collectés.

Françoise Leresche a rendu compte des nouvelles problématiques d’adaptation des catalogues à l’environnement numérique : complexité de la description documentaire ; multiplication des métadonnées ; nouvelles évolutions de la structuration de l’information et nouvelle approche de l’interopérabilité. Elle a également décrit les travaux en cours pour définir de nouveaux principes de catalogage (RDA : Ressource Description and Access).

Enfin, Pascal Cordereix a signalé que Gallica accueille aujourd’hui environ un millier de documents sonores, principalement des 78 tours. Les perspectives immédiates s’articulent autour de la poursuite de la mise en ligne des Archives de la Parole et des ressources du musée de la Parole et du Geste. Là encore, la question de l’information sonore sous droits reste pendante.

Le second temps de cette première journée a permis aux pôles associés de la BnF de présenter leurs travaux avec le portail de la Fédération des associations de musiques et de danses traditionnelles (FAMDT) et les opérations de numérisation ou d’inventaire de collections de 78 tours (Médiathèque musicale de la ville de Paris ; Afas, Association française des détenteurs de documents audiovisuels et sonores). Frédéric-David Martin (BnF) a rappelé que 154 établissements coopèrent avec l’institution dont 89 pôles associés documentaires.

Transmission et valorisation

Thibaud de Camas a accueilli les participants à la deuxième journée de ces rencontres professionnelles en rappelant combien l’activité de spectacle vivant de la Cité de la musique devait être articulée avec la mission de transmission incarnée par la médiathèque de la Cité. Transmission en interne à la communauté professionnelle par l’adhésion au réseau extranet pour les bibliothèques musicales, conservatoires et établissements culturels. Transmission en externe avec, pour exemple, la liaison du portail de la Cité avec les collèges (partenariat ministère de l’Éducation nationale). Mais une transmission qui se heurte pour l’établissement public au hiatus entre une offre privée de divertissement tous azimuts sur le Net et les difficultés que la Cité a à investir le réseau des réseaux en vertu du respect du droit d’auteur.

À travers la présentation des différents portails musicaux (médiathèque de la Cité de la musique ; portail des orchestres français ; portail des spectacles du monde ; portail de la musique contemporaine) qui soulignent tous la nécessaire interopérabilité des systèmes d’information et les difficultés rencontrées pour harmoniser les questions juridiques liées à la diffusion numérique, Marie-Hélène Serra, directrice de la pédagogie et de la médiathèque à la Cité de la musique, a pointé la nécessité du rassemblement et de la création d’un réseau institutionnel. Elle a rappelé à ce titre l’aide considérable de la Mission de la recherche et de la technologie du ministère de la Culture par les appels à projets annuels de numérisation. Gilles Vacchia a complété la présentation de l’offre de la Cité de la musique par les outils documentaires de la médiathèque mis à disposition (bases de données, fiches pratiques…).

La matinée s’est poursuivie sur cette thématique de la valorisation par l’exposition de lieux et centres de ressources spécialisés. Ainsi, l’Irma (Centre d’information et de ressources pour les musiques actuelles) ou RéseauDocs pour les musiques actuelles ont-ils pu présenter leurs plateformes de services et de contacts et la ville de Paris (Françoise Bérard) a-t-elle pu détailler les orientations des 35 discothèques de prêt.

Partager

L’après-midi, sous-titré « Partager », a donné lieu à un éclairage international apporté par Anne Le Lay (ville de Paris) qui a introduit un projet en cours porté dans le cadre de l’IAML (International Association of Music Libraries) et dénommé « Look-a-Like-Library-Locator », outil de comparabilité des bibliothèques musicales entre elles. Ce projet, qui a suscité quelques réactions de l’auditoire, reste à articuler avec les ressources ou les institutions existantes comme l’AIBM (Association internationale des bibliothèques, archives et centres de documentation musicaux).

Le dernier temps d’étude de ces journées a pris la forme d’une table ronde, animée par Sophie Cornière (BM de Rouen), sur les réseaux sociaux, les bibliothèques et les apports spécifiques des bibliothèques musicales dans ce domaine.

Le programme d’étude achevé, les participants ont été invités à écouter un concert d’orgue à la Cité de la musique et ont pu profiter, toute la matinée du lendemain, de plusieurs visites de bibliothèques.

On pourrait conclure le compte rendu de ces journées très appréciées par ce propos d’un bibliothécaire musical : « [Avant tout, il s’agit de] bien connaître son public car, quand je ne connais pas quelque chose, mais que je connais mon public, je sais que quelqu’un connaîtra la réponse. »

Vous avez dit société de la connaissance ?…

  1. (retour)↑   L’intégralité des enregistrements réalisés au cours des journées BnF et Cité de la musique est consultable sur le site de l’Acim, à l’adresse suivante : http://acim.asso.fr/spip.php?article274
  2. (retour)↑   Cette table ronde réunissait l’ADBS, la Sacem, l’Adami, le SNEP et le cabinet Pierrat.