Pourquoi les étudiants français ont tout intérêt à participer à Bobcatsss ?
Défis pour le nouveau professionnel de l’information
Catherine Barnier
La 17e édition de Bobcatsss 1 s’est tenue à Porto (Portugal) du 27 au 31 janvier 2009. Le congrès était organisé cette année par des étudiants des départements en sciences de l’information des universités de Porto et de Tampere (Finlande) sur le thème « Défis pour le nouveau professionnel de l’information ».
Le public du symposium était composé de 320 personnes (deux tiers d’étudiants) venues d’une trentaine de pays : la représentation allemande avec 57 participants (dont 43 étudiants) a battu tous les records, suivie des Portugais (38), des Néerlandais (29), des Finlandais (24), des Danois (15), des Slovènes (14), des Lettons (13), des Croates (12), des Américains (12), des Sierra-Léonais (9). La France s’est située bonne dernière (une seule représentante) avec l’Algérie, le Mali, le Pakistan, la Suède, la Belgique, les territoires palestiniens, le Maroc, le Bangladesh, Porto Rico, la Tanzanie et le Venezuela.
Une expérience formatrice
L’équipe organisatrice, composée de 11 étudiants et enseignants portugais et de 14 finlandais, considère que cette expérience unique leur avait permis de consolider ou de développer de nombreuses compétences. Tout d’abord en gestion de projet (planification, organisation, gestion budgétaire, travail en équipe, sélection des contributions, communication, marketing, édition, logistique…) ensuite en technologies de l’information et de la communication (création d’un site dédié au congrès incluant logiciel d’inscription en ligne, d’un blog ; travail sur la plateforme d’apprentissage en ligne Moodle ; échanges de mail ; vidéo-conférences ; conception d’un cédérom…). Les étudiants auront eu l’occasion de tester leurs capacités d’accueil, d’écoute et d’animation (mise en place d’événements…), leur aptitude à communiquer en anglais, à accompagner, orienter et identifier les besoins des congressistes.
Ce projet intégré dans la formation des étudiants finlandais (à hauteur de 12 ECTS) aura constitué une véritable école de « bibliothécaire 2.0 », un exercice appliqué en parfaite adéquation avec le thème du congrès.
Ces journées ont été rythmées par 38 conférences, 9 ateliers, 2 tables rondes, 28 présentations de posters et 4 visites de bibliothèques. Et c’est sans compter les nombreux échanges « off » entre participants, d’une séance à l’autre, tout aussi importants.
Les trois principaux thèmes évoqués sous différents angles lors de ce symposium ont été : les bibliothèques physiques et numériques, le travail collaboratif, la maîtrise de l’information. Voici quelques aperçus d’interventions suivies lors de ce congrès. Les résumés de l’ensemble des contributions sont en ligne sur le site de Bobcatsss 2.
Travailler « internationalement »
En introduction, une représentante de l’Ifla lance le congrès par un vif encouragement à travailler « internationalement » et de façon coopérative, source essentielle d’enrichissement.
Suit Tom Wilson, professeur émérite de l’université de Sheffield, récompensé cette année pour son investissement dans la création d’Euclid 3 et de Bobcatsss. Il rappelle la spécificité de ce congrès : il n’existe pas à sa connaissance d’autre congrès international organisé par des étudiants pour des étudiants. Tom Wilson souligne les incertitudes liées à l’évolution de notre profession et l’impérative nécessité de se former tout au long de la vie pour s’adapter au plus près aux besoins des sociétés à venir.
Le web 2.0 (et plus) a été au cœur des réflexions de nombreux intervenants. Kimmo Tuominen (Finlande) évoque la difficulté de reconstruire le contexte des documents électroniques édités de façon indépendante ou collaborative et la nécessité de développer un regard critique sur ce type de documents. Il suggère la création de filtres « socio-techniques » : automatiques, individuels et collectifs.
Tatjiana Aparac-Jelusic, présidente d’Euclid, rappelle les objectifs en cours : travailler sur la stratégie de l’association, le rapprochement des écoles européennes en sciences de l’information au travers d’une offre de formation estivale (universités d’été), la mise en œuvre de -projets de mémoire communs… Elle pose la question de l’usage et de la mise à jour du document édité par Euclid « Guidelines for curriculum development 4 » (lignes directrices pour le développement de programmes d’études en sciences de l’information).
« Bibliothécaire 2.0 »
Aneta Ostrowska (Pologne) anime un atelier sur le thème : « Qui est le bibliothécaire 2.0 ? » Parallèlement à l’acquisition de compétences techniques, il lui faudra développer des aptitudes au développement personnel, à la communication et à l’identification des besoins des personnes.
Lors d’une table ronde sur la formation en sciences de l’information, une ancienne élève de l’université de Porto rappelle qu’il est impossible de mettre un nom sur un métier aussi riche et complexe. Elle encourage les étudiants en recherche d’emploi à valoriser ce qu’ils savent faire plutôt que de décrire ce qu’ils croient être.
Anna-Maria Tamaro, présidente de la section « Education and training » de l’Ifla encourage les étudiants à participer aux travaux du groupe en soulignant l’importance des débats sur la reconnaissance des qualifications, les équivalences internationales de diplômes et l’élaboration des critères de qualité des enseignements.
Sarah Vogel (Allemagne) donne un exemple de plan de cours en maîtrise de l’information destiné à des collégiens en association avec les bibliothèques publiques, pour permettre aux élèves de développer dès le plus jeune âge, des aptitudes à repérer l’information pertinente dans un monde d’abondance.
Edwin-Michael Cortez et Monica -Colon-Aguirre (États-Unis) explorent les applications du project management et du knowledge management au domaine des sciences de l’information par l’organisation et la capitalisation des connaissances, notamment dans le cadre des services de réponses en ligne de type chat dans les universités américaines.
Des perspectives
Anne Goulding évoque la renaissance des bibliothèques britanniques. Le gouvernement vient d’allouer 80 millions de livres sterling pour soutenir le développement des bibliothèques dans le cadre du « Community Libraries Programme ». Il demande aux bibliothécaires de permettre aux populations locales de s’investir dans les projets en cours de reconstruction, modernisation ou construction de bibliothèques, par la mise en œuvre systématique de consultations citoyennes et de réunions de partage de décisions. À l’heure actuelle, la Grande-Bretagne soutient 274 projets, coupant court à toute rumeur de disparition du réseau de lecture publique outre-Manche.
Jack Andersen et Laura Skouvig relatent le débat national sur les bibliothèques publiques qui a agité le Danemark pendant plus d’un an. Il a opposé, sur tous les médias, partisans des bibliothèques traditionnelles, prescriptrices d’une culture classique, reconnue, définitivement recentrée sur le livre, et partisans des bibliothèques multimédias, multi-services.
Svanhild Aabø (Norvège) décrit sa méta-analyse des études effectuées à l’échelle mondiale sur le « retour sur investissement » dans les bibliothèques. Elles sont pour le moment peu répandues mais en constante augmentation, les pouvoirs publics (et privés) étant de plus en plus demandeurs de justification des coûts (et taxes demandées aux habitants pour le fonctionnement des services publics). Les critères d’évaluation ne sont pas ici exposés (dommage), seulement les ratios qui sont en moyenne autour de 5, ce qui représente une valeur élevée. Pour 1 dollar dépensé pour une bibliothèque, 5 sont gagnés (cela comprend l’investissement pour la formation des enfants et des adultes, les activités culturelles…). Étude plutôt encourageante…
Hannah Verheff et Anke Vellenga (Pays-Bas) présentent le risque de voir disparaître des fonctions de professionnels de l’information face au développement de l’enterprise search (moteurs de recherche destinés à faciliter l’accès à l’information à tous les collaborateurs d’une entreprise). Ce que les moteurs ne savent pas encore faire, c’est anticiper, gérer un service d’information et -mettre en œuvre des outils. Spécialistes de l’information et programmes de l’enterprise search sont complémentaires, ce qui laisse aux premiers de l’avenir.
La 18e édition de Bobcatsss se tiendra à Parme en janvier 2010, un rendez-vous à ne manquer sous aucun prétexte ! À vos contributions, étudiants français…