La typographie du livre français
Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 2008, 275 p., ill., 21 cm
Coll. Les cahiers du livre
ISBN 978-2-86781-499-0 : 20 €
Au rayon « littérature », quand on ouvre un livre dont le graphisme de la couverture nous a aguiché, il arrive souvent que l’intérieur déçoive. Comme le soulignent dans l’introduction de La typographie du livre français Olivier Bessard-Banquy et Christophe Kechroud-Gibassier, qui ont dirigé cette œuvre collégiale – à laquelle ont participé des enseignants et étudiants du Pôle des métiers du livre de l’IUT Michel-de-Montaigne –, « dès que [la] passion [de la typographie] est absente, le livre devient un objet plat, porté sur les fonts baptismaux par une armée de professionnels sans enthousiasme et sans attention pour la correction typographique ». Principalement visée donc : l’édition littéraire de maisons telles que Gallimard, Flammarion, Grasset, Fayard, Actes Sud, etc.
Si l’on remarque chez ces éditeurs des efforts notables dans la maquette intérieure d’albums illustrés ou livres d’art, il est vrai que le tout-venant des romans, essais, biographies, poches, etc., est moulé à la même louche : mise en page aléatoire, marges étriquées, utilisation de caractères galvaudés ou mal adaptés. Si, en plus, le papier est trop blanc et l’impression de l’encre noire faible ou irrégulière, nous avons la cerise (gâtée) sur le gâteau.
La typographie du livre français permet de faire le point sur la situation. Après une dense mais néanmoins judicieuse « esquisse d’une histoire des caractères » présentée par Christophe Kechroud-Gibassier, l’ouvrage détaille son propos à travers les participations de professionnels de la typographie, du graphisme, de l’édition (citons, entre autres, parmi les plus connus, Jean François Porchez, Massin, Gérard Berréby, Philippe Schuwer). Sous forme d’entretiens ou d’« études éditoriales », riches en histoires sur l’édition contemporaine et la typographie, (presque) tous les textes sont passionnants. On apprécie le jugement de ces diverses personnalités (« Il y a, je crois, une éducation qui reste à faire pour revenir aux vertus de la simplicité » – Franck Jalleau ; « Nous avons tous une certaine culture typographique, même sans être pleinement conscients de cette dimension de notre expérience lecturale » – Marc Arabyan), dont les points de vue finalement se rejoignent et alimentent le même constat : l’édition française, dans une grande majorité, se désintéresse de la qualité typographique et de la mise en page des livres qu’elle produit. À cet égard, la conclusion du livre, « Pour un typographisme de création », sonne comme un manifeste : « Il n’y a pas de fatalité à ce que le livre français soit moche. » Moche, La typographie du livre français ne l’est pas. Sa maquette sobre et élégante (avec des marges extérieures suffisamment larges pour y poser ses pouces), sa composition avec deux beaux caractères (puisque le livre ne l’indique pas, rendons hommage : le Sabon – caractère créé par Jan Tschichold et édité en 1967 – et l’Univers – Adrian Frutiger, 1957) rendent la lecture d’autant plus agréable. On aurait juste aimé un peu plus d’illustrations, celles ici choisies s’avérant toujours pertinentes.
Il serait bienvenu que les éditeurs (qui se sentent) concernés lisent cet ouvrage. En attendant, les amis du livre et de la typographie, qu’ils soient professionnels ou pas, y trouveront de quoi stimuler intelligemment leur réflexion.