Mutualisation du signalement des contenus de périodiques en sciences humaines et sociales

Christine André

Le 27 novembre 2008, à l’Institut d’études politiques (IEP) de Lyon, une centaine de participants a assisté à la journée organisée par les services de documentation des IEP de Lyon et de Grenoble et la bibliothèque de l’École normale supérieure Lettres et sciences humaines (ENS LSH), avec l’aide de la Région Rhône-Alpes, sur le thème de la mutualisation du signalement des contenus de périodiques en sciences humaines et sociales.

De nouveaux outils

Bernard Teissier (ENS LSH) introduisit la journée en partant d’un double constat : d’un côté, l’information sur les revues et leurs contenus abonde désormais sur internet mais elle reste hétérogène et mal exploitée par les usagers ; de l’autre, les services de documentation demeurent un maillon essentiel pour élaborer les produits documentaires les plus adaptés possible aux besoins spécifiques de leurs publics. Comment, dès lors, profiter des potentialités nouvelles offertes par les éditeurs ou les portails de revues, mieux connaître les réalisations documentaires existantes, développer les partenariats et susciter la participation des chercheurs, le tout sans perdre de vue le fait que l’accès à la référence doit se doubler de celui au document lui-même, que ce soit sous forme papier ou électronique ? Comment construire pour les lecteurs un parcours efficace de recherche ?

La première partie de la journée, modérée par Marc Sabin (IEP de Grenoble) fut ainsi consacrée à la présentation de différents produits ou projets mutualisés de signalement de contenus  1, dont chacun illustrait un aspect du travail mené dans ce domaine : base de données bibliographiques, revues de sommaires, base d’articles de périodiques, service de signalement et de diffusion de documents scientifiques et projet de service d’alerte des sommaires de revues.

L’après-midi, furent présentés la base Bimpe  2 (Base d’information mutualiste sur les périodiques électroniques), par Dominique Rouger (SCD de l’université de Saint-Étienne), et les objectifs du projet Mir@bel  3, qui vise à constituer une base de connaissances mutualisée sur les revues francophones, par Marc Sabin.

La variété des produits et projets traités a illustré concrètement les originalités et les réussites, mais aussi les difficultés rencontrées dans l’exploitation des périodiques : appel au bénévolat et à la bonne volonté, insuffisances et déficit de structuration des informations provenant des éditeurs, pérennisation problématique de certaines initiatives…

Quelle coopération ?

Comment remédier à ces problèmes, développer davantage encore la mutualisation entre professionnels de la documentation, et surtout établir une réelle coopération avec les éditeurs et les diffuseurs, et impliquer les grandes institutions scientifiques ? Tels étaient les sujets qui furent débattus au sein de la table ronde animée par Ghislaine Chartron (INTD/Cnam).

Les diffuseurs invités, Jean-Baptiste Devathaire (Cairn), Sylvie Grésillaud (Inist), Marin Dacos (Revues.org), Viviane Bouletreau (Persée) ont tous souligné l’enjeu que représentait pour eux la visibilité de leurs revues à travers les services de signalement ou les agences d’abonnement (Cairn), notamment l’importance que revêtaient pour les revues francophones le signalement par des services à l’étranger, ainsi que la nécessité d’être référencé par un grand ensemble de moteurs et de sites. Viviane Bouletreau souligna le souci d’interopérabilité qui fut celui de Persée dès l’origine, tout en montrant la difficulté que les données gratuites rencontrent pour être référencées, la priorité étant largement accordée au payant.

Les questions se firent ensuite plus techniques à propos des outils utilisés, des protocoles d’échanges, des schémas de métadonnées utilisés, de la nécessité de garantir la stabilité des liens et d’obtenir des identifiants pérennes.

La question de la coordination globale des initiatives est revenue se poser en force : face à l’ampleur du travail d’intégration des informations relatives aux périodiques, comment coordonner les initiatives locales et nationales, atteindre une nécessaire masse critique, ne pas refaire le travail chacun de son côté ?

Raymond Bérard a insisté sur ce qu’il estime être le « cœur de métier » de l’Abes, à savoir le référencement et la description documentaires. Cette orientation, plébiscitée par l’augmentation des taux de consultation du catalogue, doit se poursuivre grâce à l’ouverture à d’autres ressources et partenaires (à l’exemple de l’accord passé avec Google Scholar pour l’indexation du Sudoc) et à la prise en compte des besoins exprimés en matière de périodiques. Il est d’ores et déjà possible de charger des dépouillements de revue, et l’Abes vient de décider de le faire pour Persée. En matière de gestion automatisée de bouquets, il faut explorer les pistes possibles : exemple du catalogue collectif de périodiques allemand qui combine signalement mutualisé des bouquets et recours à un opérateur commercial, mise en place d’un ERM (Electronic Resource Management) hors Sudoc en vue d’une cartographie nationale des périodiques électroniques, base d’autorités du Sudoc proposée aux opérateurs, etc.

De son côté, Grégory Colcanap fit état pour Couperin de l’enquête lancée sur la mise en place d’un ERMS (Electronic Resource Management System) partagé capable de servir également au signalement des ressources, signalement qui pourrait s’opérer à plusieurs niveaux : celui des bouquets et celui (beaucoup plus complexe) des revues, car il s’agit d’agréger des sources variées d’information. Les bases de connaissance produites par différents opérateurs (Ebsco, ProQuest, Ex-Libris) sont intéressantes mais ne recouvrent pas tous les besoins d’un ERMS (besoin des données relatives à l’acquisition de la ressource, notamment). En outre, comme le souligna l’un des participants à cette journée, les bases de connaissance commerciales ne couvrent pas tout, et on peut estimer à 30 % le travail restant à accomplir, les ressources gratuites et les ressources francophones étant les moins bien couvertes.

À une question sur les liens possibles avec les projets locaux, G. Colcanap insista sur le fait que l’ERMS partagé pourrait alimenter des ERM locaux, s’articuler avec les catalogues et le Sudoc. De son côté, Raymond Bérard souligna l’importance de mettre en œuvre un dispositif de récupération du signalement des revues facile à utiliser pour les établissements, notamment pour les périodiques gratuits, les seuls pour lesquels le Sudoc puisse donner accès au texte intégral.

Différents niveaux des portails peuvent ainsi se combiner (national, local, thématique), l’essentiel étant de bien cibler son usager : ce sont les services associés qui, par exemple, peuvent faire la différence d’un portail à l’autre et un portail conçu au plus près des besoins de la communauté qu’il dessert a de plus grandes chances de réussite qu’un portail très généraliste. Les exemples présentés au cours de la journée en furent une bonne illustration. Le degré de proximité du service est un facteur essentiel à prendre en compte.

Au terme de cet ensemble de témoignages très riche d’initiatives et de réalisations encourageantes, une conclusion s’imposa quant à la nécessité, quels que soient les moyens adoptés, de trouver des solutions mutualisées pour compléter les bases de connaissance proposées, négocier et mettre en place des procédures de récupération de données à partir des sources existantes, développer des services diversifiés garants du succès des portails documentaires.