Histoire des livres pour les enfants

Du Petit Chaperon rouge à Harry Potter

par Viviane Ezratty

Nic Diament

Bayard jeunesse (Les petits guides J’aime Lire, no 5), 2008, 61 p., 17 cm
ISBN 978-2-7470-2749-6 : 5,90 €

Nic Diament a relevé un véritable défi en présentant près de quatre siècles d’histoire du livre pour enfants en à peine plus de pages qu’un « J’aime lire » !

Ce livre arrive à point, à un moment où la dimension historique du livre pour enfants fait l’objet d’une actualité importante. Une exposition de grande envergure « Babar, Harry Potter et compagnie : livres d’enfants d’hier et d’aujourd’hui » est en effet présentée, jusqu’en avril 2009, à la Bibliothèque nationale de France et a fait l’objet d’un catalogue sous la direction d’Olivier Piffault (La Joie par les livres/BnF). Viennent également de paraître d’autres histoires du livre pour la jeunesse : Des livres d’enfants à la littérature de jeunesse par Christian Poslaniec (Découvertes Gallimard), Le Livre des livres pour enfants de François Rivière (Chêne) ou encore De la jeunesse chez Gallimard : 90 ans de livres pour enfants par Jacques Desse et Alban Cerisier (Gallimard/Les libraires associés). Ces différentes publications se complètent et comblent une lacune certaine, car les ouvrages retraçant l’historique de ce genre sont encore trop peu nombreux et, pour beaucoup d’entre eux, déjà anciens ou épuisés (Marc Soriano, Denise Escarpit ou Isabelle Jan, à qui l’ouvrage est dédié).

L’intérêt de ce livre est de replacer de façon synthétique la littérature pour l’enfance et la jeunesse – un secteur toujours très dynamique avec plus de 6 000 nouveautés par an – dans sa dimension historique, et surtout de la mettre à la portée de tous sans en sacrifier la qualité scientifique. Proposé, en effet, dans la collection des « Petits guides J’aime lire : pour nous les parents », ce titre intéressera encore davantage l’ensemble des professionnels du livre et de l’enfance, qui se plaignaient jusqu’à présent de manquer d’outils de ce type.

Nic Diament resitue le genre dans un contexte social, pédagogique, culturel, l’incluant également dans une histoire plus générale de l’enfance. Les six chapitres, présentés chronologiquement, témoignent ainsi de l’évolution du regard que la société lui a porté à travers les siècles. Ils sont introduits par des citations pertinentes de Paul Hazard, Pierre-Jules Hetzel, Paul Faucher, etc. – ou impertinentes, comme celle de Roland Topor.

Pour marquer l’essentiel, certains mots ou phrases, en caractères rouges, attirent l’attention sur des événements, des choix éditoriaux, pédagogiques ou des prises de position importants. Quelques encadrés font le point sur certains sujets : les débats récurrents autour du conte, l’origine de la bande dessinée, les livres « venus d’ailleurs » et leur influence sur l’édition française depuis le xviiie siècle, etc. Des informations précises, comme l’évolution du taux d’analphabétisme, rythment un texte très plaisant à lire, grâce au style extrêmement vivant et personnel de l’auteur, qui a su échapper à l’écueil d’une énumération indigeste d’écrivains incontournables. Pour plus de repères, il est facile de se reporter à la chronologie en fin de volume qui va de 1658 – parution de l’Orbis sensualium pictus de Comenius – à 2002, date à laquelle la littérature pour la jeunesse est entrée dans les programmes scolaires à l’école élémentaire.

Nic Diament était bien placée pour relever le défi d’une telle publication. Une des grandes spécialistes françaises ayant une connaissance aussi large que précise de l’histoire du livre pour l’enfance et la jeunesse, elle est également l’auteur du Dictionnaire des écrivains français pour la jeunesse : 1914-1991 (École des loisirs), malheureusement épuisé. Elle a dirigé la bibliothèque l’Heure joyeuse et, jusqu’à tout récemment, la Joie par les livres/Centre national du livre pour enfants à un tournant important de son histoire. Cette institution historique a en effet intégré en 2008 la Bibliothèque nationale de France, un signe fort de reconnaissance du livre pour la jeunesse dans sa dimension contemporaine, tout autant que patrimoniale.

Un regret peut-être, celui de ne pas disposer d’un cahier illustré, ou que la mise en page soit un peu étriquée, mais il n’aurait alors pas été possible de le vendre à un prix aussi abordable. C’est d’ailleurs un pari intéressant de voir si ce titre proposé dans cette collection de vulgarisation permettra de toucher un public plus large. Aux libraires et aux bibliothécaires de promouvoir cet ouvrage auprès d’adultes de plus en plus nombreux à s’intéresser au livre pour la jeunesse, peut-être en complément au livre d’Alain Serres et Bruno Heitz, Comment apprendre à ses parents à aimer les livres pour enfants (Rue du monde, 2008). Laissons Nic Diament conclure, comme dans son avant-propos : « Confronter le plus récent – qui n’est pas forcément innocent – au plus ancien – qui n’est pas forcément désuet. Tout un programme… »