L’éducation à la culture informationnelle
Élisabeth Noël
Pierre Malié
L’éducation à l’information est un sujet vaste et complexe : transversal aux différents âges de l’enseignement, aux disciplines, aux professions, son périmètre reste encore flou, comme sa terminologie, non stabilisée. L’ERTé 1 « Culture informationnelle et curriculum documentaire » que dirige Annette Béguin 2, a organisé, sur le thème de « l’éducation à la culture informationnelle », un colloque international à Lille, du 16 au 18 octobre 2008.
Dès la conférence inaugurale de Dominique Wolton (Institut des sciences cognitives/CNRS), les enjeux étaient posés : l’éducation est bien le véritable enjeu d’internet, et les professionnels ne peuvent faire l’économie de débats sur les places respectives de la culture et des techniques. Et, de fait, les nombreux ateliers, les tables rondes et les conférences ont montré l’intérêt croissant mais aussi les divergences autour de cette notion de culture informationnelle.
Ainsi, Olivier Le Deuff 3 (professeur-documentaliste, doctorant au Cersic), à travers une analyse internationale des termes utilisés, a montré comment la manière de nommer le concept (culture, éducation, maîtrise, alphabétisation informationnelle…) influe sur l’approche et la définition même du domaine, voire la modifie. L’idée de translittéracie (information literacy, media literacy, digital literacy) est revenue dans plusieurs interventions. Éric Bruillard (IUFM de Créteil) a rappelé que, l’informatique n’étant qu’une technologie de l’écriture, la documentation ne peut se penser sans instruments.
Pour Alexandre Serres (Urfist de Rennes), si le « grand chaudron numérique » ne sépare plus les outils, la confusion est entretenue autour des traces, des pratiques, des outils. Avec le numérique, la définition du document, maintenant en recomposition permanente 4, a explosé et les pratiques informationnelles, à travers des outils hybrides multifonctionnels, en sont lissées. Cela crée un continuum de fait entre les trois éducations (aux médias, aux technologies de l’information et de la communication, à l’information) et nécessite des formations convergentes, la formation à l’évaluation de l’information restant un point commun fort.
Sheila Webber (université de Sheffield) a illustré comment la culture de l’information pouvait prétendre – par son importance internationale et ses enjeux politiques et institutionnels – être une discipline clé de la société de l’information. Son intervention vivifiante et intelligente 5 a brassé un large spectre de questions autour du sujet.
Pour Divina Frau-Meigs (université Paris-III), seules les organisations politiques peuvent avoir une véritable influence sur une politique nationale d’éducation aux médias. Les « 5 C » (Connaissance, Critique, Créativité, Communication, Citoyenneté) en sont, selon elle, le socle de base reconnu par les chercheurs, mais les « 3 S » (Search, computer Science, Services) leur fournissent des points de séparation. Convaincue, mobilisatrice, elle a souligné que les organisations non gouvernementales – et au premier rang l’Ifla –, les petites entreprises et les municipalités sont les leviers les plus efficaces pour influencer les politiques internationales.
D’autres interventions ont permis de rendre compte de la grande diversité des expériences, des plus traditionnelles, comme l’expérience pionnière de Paris-VIII ou la formation au Canada, à des approches nouvelles et riches comme l’utilisation des controverses scientifiques 6 proposée par Hervé Le Men (Urfist de Paris), et aisément adaptable à des étudiants encore non-spécialistes d’un sujet. Les échanges à la suite des ateliers ont mis en évidence le débat entre les tenants d’un enseignement de l’info-doc pour elle-même, et les tenants de son enseignement dans le cadre des disciplines. Enfin, et par-dessus tout, il a été rappelé encore et toujours l’importance de la maîtrise de la langue pour parvenir à une véritable culture informationnelle…
Au-delà de multiples discussions inévitables sur la terminologie, ce colloque a été véritablement placé sous le signe du « trans » : alliant une présence transculturelle des participants (Afrique, Canada, États-Unis, Belgique, Suisse…) à une approche transdisciplinaire, il a convoqué pour la première fois trois domaines qui se répondent (l’éducation à l’information, l’éducation aux médias, l’éducation aux Tice – technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement).
Pour poursuivre les réflexions, les communications du colloque seront disponibles sur ArchiveSIC 7, et l’ERTé publiera les actes du colloque aux Presses de l’Enssib 8, partenaire de l’événement.