Rencontres Henri-Jean Martin

Sabine de Lagarde

Les 2es Rencontres Henri-Jean Martin se sont tenues les 13 et 14 octobre 2008 à l’École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques, sous l’égide de l’association BiblioPat.

 

Particularité d’exemplaires

Le premier thème traité portait sur les particularités d’exemplaires, essentielles pour la bonne connaissance des éditions anciennes, et trop peu décrites dans les catalogues de bibliothèques en France. Il est, par exemple, intéressant, pour les chercheurs, de pouvoir photographier les différentes éditions d’une œuvre, pour comparer ainsi les détails de chacune (Andrew Brown, du Centre international d’étude du XVIIIe siècle).

La bibliothèque municipale de Lyon répertorie, quant à elle, les marques et les reliures couramment employées par un même possesseur et nourrit un fichier regroupant actuellement 900 notices d’autorité de possesseur, plus ou moins enrichies d’images indexées par des mots décrivant leur contenu utile (Monique Hulvey).

C’est une véritable enquête policière qu’a menée Isabelle de Conihout (bibliothèque Mazarine) pour retrouver le premier possesseur de volumes luxueusement reliés, en s’appuyant notamment sur des cotes manuscrites d’une forme particulière. D’où la nécessité de ne jamais faire disparaître les éléments singuliers d’un exemplaire et de toujours mentionner les cotes anciennes dans le SIGB (système intégré de gestion de bibliothèque).

Des participants ont déploré l’absence d’une base nationale de localisation : le CCFr (Catalogue Collectif de France) n’est pas un outil de description et de localisation d’exemplaires ; et les bases locales ne permettent pas, via leurs interfaces d’interrogation grand public, d’interroger les champs « notes » des notices, ou les champs spécialisés indexés dans la version « pro » de la base.

La révision de la norme Afnor pour le catalogage du livre ancien devrait aboutir à un résultat publiable dans deux ans environ.

Attentes des chercheurs

Le deuxième thème questionnait les attentes et demandes des chercheurs vis-à-vis des bibliothèques patrimoniales : comment les aider, et que leur offrir ?

À la bibliothèque municipale à vocation régionale de Reims, Matthieu Gerbault note une baisse de consultation des fonds patrimoniaux. La ville de Reims abrite pourtant une université forte de 20 000 étudiants. Mais les enseignants, qui viennent de Paris par TGV, sont axés sur les problématiques de recherche parisiennes. C’est donc à la BMVR de tenter de leur suggérer des pistes de recherche sur ses fonds. Les attentes des chercheurs sont les suivantes : rapidité et simplicité de communication des documents ; possibilité d’en consulter plusieurs à la fois ; existence d’une bonne base bibliographique locale ; possibilité de consulter des bases de données très spécialisées. Ils demandent aussi des ouvrages numérisés, pour pouvoir les étudier en dehors des heures d’ouverture de la bibliothèque.

Guillaume De Sauza, doctorant en littérature du XVIe siècle à l’université Lyon-II, déplore la fiabilité relative des catalogues de fonds anciens, et souhaiterait que, lors des rétroconversions, les bibliothèques indiquent si la notice a été copiée à partir d’une ancienne fiche papier, ou si elle a été faite (ou vérifiée) livre en main. Les informations recherchées prioritairement sont la date d’édition et les dimensions de l’ouvrage en centimètres.

Le chercheur en sciences humaines et sociales fréquente une bibliothèque publique quand sa propre bibliothèque devient insuffisante (Odile Grandet, médiathèque du musée du quai Branly). Ce dont il a besoin, c’est d’identifier des fonds thématiques. Les bibliothécaires doivent donc s’attacher à décrire les fonds peu valorisés, notamment les fonds anciens et les fonds de périodiques, ainsi que les collections thématiques, souvent issues de donations.

Expositions

La troisième thématique portait sur les expositions, pour lesquelles les bibliothèques disposent rarement des savoir-faire, des espaces et des budgets nécessaires.

Depuis 2004, Jean-François Delmas a organisé plusieurs expositions à la bibliothèque Inguimbertine de Carpentras à partir des ressources locales. Le fait que l’Inguimbertine juxtapose bibliothèque patrimoniale, bibliothèque de lecture publique, archives anciennes de la ville, et quatre collections de musée permet d’exposer des documents et objets de nature diverse et d’attirer différents publics. La médiation est une priorité, pour le grand public particulièrement.

Marie-Hélène Tesnière (Bibliothèque nationale de France) affirme qu’il est préférable de toujours cibler un large public. Deux soucis sont à garder en tête, celui de la lisibilité et celui de la richesse du matériel exposé (présenter le sujet sous de multiples facettes). Il faut éviter l’érudition, qui rend une exposition étouffante.

Il faut savoir choisir ce qui peut intéresser son public : la BU Santé du SCD Lyon-1, par exemple, privilégie, pour l’exposition annuelle organisée lors de la Fête de la science, un sujet pouvant concerner les étudiants en médecine (Raphaëlle Bats).

Les contraintes sont souvent nombreuses, qu’elles concernent les lieux d’exposition ou le matériel. À Toulouse, les expositions ont lieu dans les points de passage obligé des lecteurs, couloirs et hall, où il faut prévoir qu’elles puissent se visiter par plusieurs entrées. Les vitrines sont belles, mais fixes, l’éclairage y est non modulable, malgré la nécessité de préserver les documents fragiles (Jocelyne Deschaux, BM de Toulouse).

De nombreuses bibliothèques fonctionnent avec les moyens du bord et la seule aide des services techniques de leur établissement. Faute de budget pour le transport et les assurances, elles ne peuvent pas exposer des objets ou des documents venus d’ailleurs. Seule la BnF dispose d’une forte organisation, couplée à un budget conséquent pour la scénographie de l’exposition et l’édition d’un catalogue de qualité.

J.-F. Delmas insiste sur le fait que, avant de monter une exposition, il faut d’abord savoir ce que l’on veut démontrer, ensuite voir ce qu’on a dans ses fonds sur le sujet. C’est donc un projet scientifique et culturel qu’il faut développer. Il remarque que les actuels conservateurs de bibliothèque sont formés à la gestion (locaux, matériels, personnels et budgets), mais sont souvent incapables de présenter les particularités de leurs fonds. Alors que, dans les générations passées, il y avait des conservateurs érudits, bons connaisseurs de leurs fonds, publiant des ouvrages érudits. Et, souvent, mauvais gestionnaires…

Autre sujet de réflexion : comment évaluer la réussite d’une exposition ? Comment calculer le nombre de visiteurs quand les locaux de l’exposition n’ont souvent pas d’entrée distincte ?

En conclusion de ces Rencontres, Jean-François Chanal (Direction du livre et de la lecture), après avoir exposé le schéma général de la nouvelle organisation administrative du ministère de la Culture et de la Communication, a abordé les prochaines modifications concernant la mise à disposition de conservateurs d’État dans les bibliothèques municipales classées et les archives départementales, suite à la loi du 2 février 2007 sur la modernisation de la fonction publique. Enfin, Emmanuelle Minault-Richomme (bibliothèque Sainte-Geneviève) a résumé brièvement la journée d’études du 13 mai 2008, portant sur le signalement et la mise en valeur des fonds d’es-tampes  *

 Voir le compte rendu de cette journée par Laure Jestaz, BBF, 2008, no 5, p. 96-97.