Une histoire des musées de France : XVIIIe-XXe siècle

par Anne-Marie Bertrand

Dominique Poulot

Paris, La Découverte, 2008, 196 p., 19 cm
Coll. La Découverte Poche/Sciences humaines et sociales no 292
ISBN 978-2-7071-5642-6 : 9 €

La réédition en poche de cet essai initialement publié en 2005 (mais non recensé alors par le BBF) me donne l’occasion de dire tout le bien que j’en pense.

Une histoire des musées

Il appartenait à Dominique Poulot, l’auteur notamment du magnifique Musée, nation, patrimoine (Gallimard, 1997), d’écrire « une » histoire des musées français. Non pas l’histoire, supposée objective et indépassable, mais « une » histoire avec une grille d’analyse personnelle très convaincante : « une histoire politique des musées ». Il ne souhaite pas, explique-t-il, ajouter à l’abondante littérature une nouvelle histoire des collections, des corpus ou des établissements, mais aborder les musées « comme ensembles matériels et, indissolublement, comme savoirs, valeurs et régimes du sens ».

Politique, le musée ? Oui, car il est, par essence, public. Oui, car il est fondé par l’État (à la Révolution), puis par les collectivités locales. Oui, car il a un rôle dans la construction de l’identité nationale. Oui, car il a une fonction éducative et partie liée à l’école. Oui, car il se veut aujourd’hui démocratique – ou, du moins, démocratisé.

Dominique Poulot aborde chacun de ces thèmes avec talent et érudition. Après l’épisode révolutionnaire, il évoque, au XIXe siècle, la constitution d’une « culture républicaine du musée », qui marie visites pédagogiques et valorisation de la grandeur nationale. Le XXe siècle voit se développer le souci de l’ouverture et du partage (« communiser la beauté »), avec les étapes décisives qu’ont été le Front populaire et le discours malrucien – l’invention du public, les activités culturelles, et leurs dérives vers une logique commerciale (les célèbres boutiques de musée, les impressionnistes comme appeau et, en apothéose, la vente de la marque « Louvre »), en sont les manifestations les plus connues.

Musées et bibliothèques ?

Le parallèle avec la bibliothèque est à la fois tentant, nécessaire et illégitime.

Tentant car on attend toujours une histoire politique des bibliothèques.

Nécessaire car il y a, à l’évidence, une communauté de destins entre le musée et la bibliothèque – tous deux invention d’une société démocratique, tous deux chargés de patrimoine à constituer et transmettre, tous deux confrontés à l’exigence d’ouverture que porte une société scolarisée et urbanisée, tous deux pris entre les deux feux de la culture légitime et de la culture de masse, tous deux réinventés au sein des politiques culturelles locales, tous deux pris à contre-pied par l’esthétique de la nouveauté, de l’immédiat et de l’éphémère. « Cette relative tyrannie de l’exposition introduit une temporalité inédite dans la vie du musée, lui impose un rythme comparable à celui des autres institutions fondées sur l’éphémère et le renouvellement, bref l’intègre dans l’économie des médias. » «  L’histoire du musée, écrit encore Dominique Poulot, est clairement une histoire de sa démocratisation. » Comment mieux dire (pour les bibliothèques, bien entendu) ?

Mais le parallèle rencontre ses limites *. En termes de légitimité, de place dans l’espace public, de visibilité, d’usages, de parcours…

Quoi qu’il en soit, cet ouvrage ne peut qu’enrichir la réflexion et tous ses lecteurs s’en trouveront bien.

  1. (retour)↑   Sur cette analyse comparée, on peut se reporter à Le musée et la bibliothèque, vrais parents ou faux amis ?, Bibliothèque publique d’information/Centre Georges-Pompidou, 1996.