De la Ruche à la BMVR
Petites et grandes structures, quelles offres pour les publics enfants et jeunes ?
Sabine Naegelen
Organisée le 29 septembre 2008 par la BnF/Centre national de la littérature pour la jeunesse-La Joie par les Livres, la BMVR (bibliothèque municipale à vocation régionale) de Toulouse et le groupe régional Midi-Pyrénées de l’Association des bibliothécaires de France, cette journée a réuni professionnels des bibliothèques, sociologues et anthropologues autour du thème de l’offre pour le public jeune en bibliothèque.
Nic Diament a introduit le sujet par une synthèse des transformations du métier de bibliothécaire jeunesse au cours des trente dernières années, en fonction de l’évolution « idéologique » de la perception du public jeune et en lien avec les changements de conception des bâtiments. À l’époque de la création des secteurs enfants dans les années 1970, la pédagogie et l’accompagnement du lecteur ont été privilégiés, dans une optique militante, avec, entre autres, l’accueil massif de groupes. Le mouvement s’est tari dans les années 1990, avec un retour à l’accueil individuel. La posture du bibliothécaire jeunesse a donc évolué entre deux conceptions opposées. Pour Nic Diament, les missions des bibliothèques jeunesse sont à redéfinir selon deux axes : la promotion de la littérature jeunesse et le développement de la lecture chez les enfants.
Gilles Éboli, directeur de la BMVR de Marseille, a ensuite rappelé le contexte d’élaboration des programmes respectifs des ruches et des BMVR. Alors que les BMVR sont nées sans réelle unité de programmation, les ruches semblent avoir rattrapé ce « péché originel » en repensant le travail collaboratif à une plus petite échelle. Il s’agissait d’un projet novateur privilégiant la notion de proximité et la mise en exergue des nouveaux médias et de la vie culturelle. L’accent a été mis sur l’accueil des publics et sur la valorisation de la collectivité, avec des répercussions sur l’organisation des espaces : 42 % de ceux-ci doivent être dévolus à l’accueil et aux nouveaux médias.
Le projet des BMVR est diamétralement opposé en termes d’échelle, de chronologie et de programme. Il s’agit donc d’un dispositif plus technique que bibliothéconomique : la BMVR reste ancrée dans le modèle de la médiathèque, qui privilégie les collections à l’accueil du public. L’offre jeunesse en BMVR est donc le plus souvent traitée par la mise en place d’un réseau, que ce soit par la création d’un service éducatif ou par un partenariat avec un centre régional du livre autour de la conservation partagée.
La présentation du secteur jeunesse de deux BMVR a permis d’illustrer le propos de G. Éboli, avec l’exemple de la BMVR de Limoges, présenté par Arlette Calavia, et le cas de Toulouse, présenté par Anne Marinet. Dans l’exemple toulousain, on retrouve cette forte départementalisation des BMVR : l’espace jeunesse, en sous-sol de la médiathèque, est déjà une médiathèque en soi, avant d’accéder aux différents espaces adultes dans les étages. L’offre jeunesse est finalement plus développée dans le réseau de quartier. Ce propos est à nuancer par la présence à la BMVR de Toulouse de l’espace Intermezzo qui a été conçu comme un lieu de décloisonnement entre les étages adultes et jeunesse, et qui, depuis, a fait souche dans d’autres bibliothèques.
Jean-Noël Soumy, conseiller pour le livre et la lecture à la direction régionale des affaires culturelles, a présenté le programme des ruches en Midi-Pyrénées. Ces bibliothèques permettent un maillage dense du milieu rural malgré la diminution de sa population : la question de -l’offre pour le public jeune dans ce contexte est placée dans une nouvelle perspective. Les ruches sont-elles en avance dans la réflexion autour de -l’offre jeunesse ou la nécessité fait-elle loi et conduit donc à la mixité de l’offre et des publics ?
L’ancrage de l’usage d’internet et du multimédia chez les jeunes pose la question des nouveaux liens à créer entre la bibliothèque et son public, ainsi qu’a pu le souligner Thomas Chaimbault de l’Enssib. Le web 2.0 et la communication en ligne sont peut-être une des réponses à la déperdition du public jeune, notamment adolescent.
L’après-midi a été consacré à la présentation du point de vue de sociologues et d’anthropologues. Christophe Evans, Mariangela Roselli, puis Elsa Zotian ont offert aux professionnels une vision décentrée de leur métier, notamment de la perception par les jeunes des bibliothèques. Virginie Repaire a présenté les premiers résultats d’une enquête en cours pilotée par la Bibliothèque publique d’information, avec le concours de la Direction du livre et de lecture et menée par Tosca Consultants, sur la place que tient la bibliothèque municipale dans les représentations et dans les pratiques de loisir, de culture et d’information des jeunes de 11 à 18 ans.
La synthèse de cette journée a été confiée à Jean-Paul Oddos (médiathèque intercommunale à dimension régionale de Pau-Pyrénées). Au travers du prisme de cette thématique du public jeune, il est désormais évident que les bibliothèques ne peuvent plus être l’affaire uniquement des professionnels et des élus. Il faut trouver des moyens pour permettre au public de s’exprimer dans la conception, la programmation et la réalisation d’une bibliothèque. La mission de démocratisation des bibliothèques a progressé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’introduction des nouvelles technologies a fortement contribué à ce mouvement, mais à l’évidence n’est pas suffisante. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir comment, à travers les outils existants à restructurer ou à construire, les projets peuvent devenir plus collectifs pour répondre aux attentes du public, et notamment du public jeune.