Consortiums et dispositifs collaboratifs dans les bibliothèques universitaires et de recherche

Frédéric Blin

La section Bibliothèques universitaires et de recherche de l’Ifla a organisé le jeudi 7 août 2008, à l’université Laval à Québec, une conférence satellite au congrès de l’Ifla intitulée « Consortia and collaborative arrangements ».

Cette journée, qui s’est révélée d’un intérêt de tout premier ordre, n’a toutefois réuni qu’une petite vingtaine de personnes, venus d’une douzaine de pays : Australie, Canada, Chine, Colombie, Cuba, États-Unis, France, Ghana, Jamaïque, Lituanie, Québec et Royaume-Uni.

Les communications présentées étaient les suivantes :

  • Rima Kupryte, directeur exécutif de l’organisation eIFL (Electronic Information for Libraries) : « L’action d’eIFL en faveur de l’accès à l’information dans les pays en développement » ;
  • Helena Asamoah-Hassan, Carligh (Consortium of Academic and Research Libraries in Ghana) : « Le Consortium des bibliothèques universitaires et de recherche du Ghana » ;
  • Yao Xiaoxia, secrétaire générale adjointe du consortium Calis (Chine) : « Calis, China Academic Library & Information System » ;
  • Ann Okerson, université de Yale et coordinatrice du consortium NERL (États-Unis) : « NERL, NorthEast Research Libraries Consortium » ;
  • Cathie Jilovsky, Caval (Australie) : « Caval : Linking Leading Libraries » ;
  • David Swords, vice-président des ventes et du marketing de Blackwell Book Services : « Les consortiums et leur place, du point de vue d’un fournisseur ».

Le petit nombre de personnes présentes, ainsi que le temps alloué à la discussion, aux questions et échanges, ont constitué une part significative de la grande qualité générale de cette journée. Chacune des six interventions a permis de présenter des expériences remarquables ou des points de vue très intéressants sur l’établissement de consortiums de bibliothèques ou de réseaux collaboratifs, ainsi que sur les difficultés rencontrés.

Les points essentiels à retenir de cette journée sont :

  • L’action de l’organisation eIFL  1 en faveur de l’accès à l’information dans les pays en développement, sur les points suivants : la négociation au nom de plusieurs pays de l’accès aux ressources scientifiques électroniques  2, la promotion de l’accès libre à l’information scientifique (via l’organisation de conférences et formations, le soutien à la création de revues scientifiques en accès libre, et l’aide à l’élaboration de dépôts d’archives ouvertes et institutionnelles  3), l’implication dans les débats liés à la question de la propriété intellectuelle, la promotion des logiciels libres, la formation professionnelle et le partage des savoirs, l’aide à la constitution de consortiums de bibliothèques, comme par exemple le Carligh  4. eIFL touche actuellement 48 pays, représentant une population de 800 millions d’habitants, et plus de 4 000 institutions  5.
  • Le gigantisme du réseau chinois Calis (le plus vaste réseau de bibliothèques au monde, avec plus de 1 000 institutions membres ?), ainsi que la variété de ses missions : catalogue et portail collectifs (Cadlis – China Academic Digital Library and Library Information System  6), normalisation (avec par exemple le développement d’une chaîne de traitement normalisée pour les bibliothèques numériques), formation professionnelle continue, prêt entre bibliothèques, service de référence virtuel collaboratif…
  • L’intérêt du centre australien Caval, basé à l’université de Victoria, offrant des services d’ampleur nationale dans les domaines de la conservation partagée des collections (avec le centre Carm – Caval Archive and Research Material Centre), de la formation professionnelle continue, du catalogage (notamment en langues étrangères), de la numérisation des collections (premier centre de numérisation en Australie), du prêt, physique et numérique, entre bibliothèques, mais également pour la réalisation des statistiques nationales pour les bibliothèques universitaires (statistiques Caul  7 en Australie, projet « Asian Online Statistics  8 » avec Hong-Kong, la Malaisie, Singapour et la Thaïlande).
  • L’importance des implications personnelles et les limites des consortiums (parmi lesquelles la concurrence accrue entre les institutions d’enseignement supérieur et de recherche), visibles dans l’exemple de NERL, consortium des bibliothèques de recherche du Nord-Est des États-Unis  9.
  • Les inquiétudes des fournisseurs de contenus par rapport à l’action des consortiums de bibliothèques, et le plaidoyer pour un choix motivé non par le montant du rabais consenti, mais par la qualité du service fourni.

Passionnante à tous points de vue, cette conférence satellite mériterait de voir ses présentations diffusées en ligne, ce qui n’est pas le cas à l’heure où est écrit ce billet. Nous espérons donc que celles-ci serviront à accroître l’audience de cette conférence extrêmement enrichissante, au moins auprès du public français  10.

  1. (retour)↑  http://www.eifl.net
  2. (retour)↑   La négociation de licences multinationales pour certaines ressources électroniques permet aux pays concernés d’accéder à des ressources que leurs institutions ne pourraient individuellement pas acquérir (« multi-country fair licensing »). Le regroupement de plusieurs institutions, issues de plusieurs pays, permet d’obtenir des rabais intéressants, pouvant atteindre 95 %, et aux éditeurs de gagner de nouveaux marchés.
  3. (retour)↑   Depuis 2002, 92 de ces archives ont été créées grâce au soutien d’eIFL, et 32 sont actuellement en cours de constitution.
  4. (retour)↑  http://www.carligh.org.gh
  5. (retour)↑   L’action remarquable d’eIFL a été récompensée par l’octroi à Rima Kupryte de la médaille de l’Ifla, au cours du congrès de Québec.
  6. (retour)↑  http://www.cadlis.edu.cn
  7. (retour)↑  http://statistics.caul.edu.au
  8. (retour)↑  http://statsasia.caval.edu.au
  9. (retour)↑   Ce consortium réunit depuis 1996 les plus prestigieuses universités du Nord-Est des État-Unis, parmi lesquelles Yale (qui héberge le centre opérationnel et fiscal du consortium), Princeton, Columbia, MIT, etc., mais également, en dehors de la zone géographique initiale, Stanford et l’université de Miami. Aujourd’hui, le consortium regroupe 27 membres, auxquels s’ajoutent une cinquantaine de membres affiliés.
  10. (retour)↑   Un compte rendu plus détaillé de cette conférence est consultable aux côtés de ceux des congrès AIFBD et Ifla, dans mon rapport de mission diffusé sur le site de la Sous-direction des bibliothèques et de l’information scientifique : http://www.sup.adc.education.fr/bib/Info/Coop/crcongres.htm