Le puzzle, la coquille et le Lego : constructions patrimoniales
La constitution des fonds patrimoniaux, par les confiscations, dons, legs, etc., s’est longtemps faite indépendamment des choix des bibliothécaires. Quels critères doivent aujourd’hui guider ces choix, outre ceux d’« anciens, rares et précieux » ? Les seuls critères qualitatifs, bibliophiliques et géographiques (productions locales) risqueraient de reproduire l’élitisme et la sacralisation souvent reprochés aux fonds anciens et ne répondraient ni aux attentes du public, ni à celles des futurs chercheurs. Les projets de conservation partagée et l’accès à un statut « semi-patrimonial » permettraient-ils de prendre en compte la valeur de témoignage d’un document, quelle que soit sa qualité, voire de construire un patrimoine du banal ?
For many years, heritage collections were built up through revolutionary confiscation, donations, legacies, and so on, with little or no input from librarians. Apart from the obvious criteria of age, rarity, and value, what should librarians look for when building up a heritage collection today? Simply working from criteria of quality, collectability, and geography (collecting works of local interest) means running the risk of facing accusations of elitism and sacralisation, often levelled against collections of works of historic interest. Nor would this approach meet the needs of the public at large or researchers in the future. Might shared conservation projects and the creation of a “semi-heritage” status be a way to establish the value of a document regardless of its quality, or even to build up a heritage collection of documents whose main interest lies in their very ordinariness?
Lange Zeit ist der Altbestandsaufbau durch Konfiszierungen, Spenden, Vermächtnis, etc. unabhängig von der Auswahl der Bibliothekare geschehen. Von welchen Kriterien, neben denen wie „antiquarisch, rar und kostbar“ muss sich diese Auswahl heutzutage leiten lassen? Allein qualitative, bibliophile und geografische Kriterien (lokale Produktion) würden riskieren, den den Altbeständen häufig vorgeworfenen Elitismus und die Sakralisierung zu reproduzieren und weder den Erwartungen der Benutzer noch jenen der zukünftigen Forscher entsprechen. Würden die gemeinsamen Bestandserhaltungsprojekte und die Zulassung eines „halb-historischen“ Status es ermöglichen, den Wert der Aussage eines Dokuments zu berücksichtigen, ganz gleich wie seine Qualität sei, oder sogar ein Kulturerbe des Banalen aufzubauen?
La constitución de los fondos patrimoniales, mediante las confiscaciones, donaciones, legados, etc., se hizo durante mucho tiempo independientemente de las elecciones de los bibliotecarios. ¿Qué criterios hoy en día deben guiar estas elecciones, además de aquellas de “antiguos, raros y preciosos”? Los únicos criterios cualitativos, bibliofílicos y geográficos (producciones locales) correrían el riesgo de reproducir el elitismo y la sacralización a menudo reprochadas a los fondos antiguos y no responderían ni a las expectativas del público, ni a las de los futuros investigadores. ¿Los proyectos de conservación compartida y el acceso a un estuto “semi-patrimonial” permitirían tomar en cuenta el valor de testimonio de un documento, sea cual fuera su calidd, e incluso construir un patrimonio de lo trivial?
Sorti en France à l’été 2004, le film Le jour d’après 1 relatait les conséquences d’une catastrophe climatique sur la ville de New York : dans une mégalopole au décor polaire, quelques survivants trouvaient refuge (c’est une drôle d’idée) à la bibliothèque. Pour se réchauffer, ils décidaient de brûler les ouvrages, au grand dam du bibliothécaire, lequel tentait, au péril de sa vie, de sauver au moins « la » Bible de Gutenberg. Ce film fut l’occasion d’une discussion amicale entre collègues : qu’aurais-tu sauvé en pareil cas ? Les uns élisaient aussi la Bible de Gutenberg, les autres votaient pour la presse locale du XIXe siècle. À ce moment, une amie archiviste intervint dans le débat : « Ils font bien pire, dans ce film, que détruire la Bible de Gutenberg : ils commencent par brûler les registres fiscaux ! » Alors, à chacun son patrimoine ?
Un patrimoine passif
Longtemps, les fonds « anciens, rares ou précieux » ont été constitués indépendamment des choix des bibliothécaires, et plus encore de ceux du public : les fonds issus des deux grandes phases de confiscations sont la survivance, déformée par les conséquences du vandalisme et de la négligence, de collections constituées dans une perspective certes patrimoniale (dans le sens étymologique de biens transmis de génération en génération, et constitutifs d’une identité commune à travers le temps), mais qui ne reflétait que l’image de groupes sociaux minoritaires et privilégiés, et que le public n’a pas spontanément reconnu comme son bien commun. A-t-on assez fait remarquer que, par une malice de l’histoire, c’est à deux moments clés de l’élaboration de la laïcité « à la française » que la Nation s’est conféré à elle-même la lourde obligation, non seulement de conserver, mais de faire sien le patrimoine des communautés ecclésiastiques ?
La sédimentation progressive des dons et legs des XIXe et XXe siècles a enrichi les bibliothèques de documents rassemblés par les choix personnels de collectionneurs, savants et érudits. Ils leur ont apporté des trésors inattendus, et souvent même inespérés, mais, une fois encore, ni les choix des bibliothécaires, ni les centres d’intérêt des utilisateurs n’ont présidé à leur rassemblement. Les strates compartimentées de « fonds » éponymes qui composent les magasins de certains établissements rendent difficile la construction d’une « bibliothèque » conçue comme un tout homogène.
La conservation des documents issus du dépôt légal imprimeur et éditeur en région ressortit elle aussi à la catégorie d’un patrimoine « passif », pour ne pas dire « subi » dans certains cas. S’ils viennent renforcer la coloration régionale des fonds de leurs bibliothèques dépositaires, il est parfois bien difficile de percevoir le potentiel patrimonial de ces collections disparates, dont le rassemblement n’est justifié que par le hasard de l’implantation d’une imprimerie qui travaille à l’échelle du marché européen. Leur répartition, intellectuellement peu cohérente, sur le territoire national compliquera certainement, pour les utilisateurs de demain, le repérage et l’exploitation.
Le consensus à peu près général dans les esprits, sinon dans les faits, sur l’éligibilité des productions du XIXe siècle et de la première moitié du XXe à la catégorie du « patrimoine » n’a pas encore, loin de là, produit tous ses effets. Pour l’instant, ces fonds relèveraient presque du trou noir patrimonial : documents peu inventoriés, peu catalogués, papiers jaunis difficilement « montrables » et encore moins communicables, reflets d’acquisitions aux moyens modestes et de souscriptions d’État destinées à un public savant, collections dont on pressent la redondance faute de pouvoir toujours la mesurer, leur signalement collectif et leur préservation constitueront l’un des chantiers majeurs des décennies à venir.
Plus récemment, les réserves des bibliothèques se sont enrichies par une politique d’acquisition aux moyens inégalement répartis, orientée selon deux axes principaux : la collecte diachronique des productions locales et l’acquisition de documents contemporains à caractère bibliophilique : reliures d’art, livres d’artistes ou papiers d’écrivains. La prévalence, dans cette forme de construction patrimoniale, du « rare, ancien, précieux », auquel il faut donc maintenant ajouter le « local », relève de la figure du puzzle : chaque pièce est précieuse en soi parce que porteuse d’un dessin unique, complément indispensable de toutes les autres, et s’intègre harmonieusement dans un cadre aux bords bien délimités. La perfection de l’œuvre finale est inséparable de la présence de chaque pièce : toutes sont irremplaçables, chacune est porteuse d’une information nécessaire à l’harmonie du tout. Leur assemblage requiert une concentration qui tient du recueillement, une démarche à la fois collective et solitaire.
Un statut semi-patrimonial
Dans le domaine contemporain, les choix qui président à la constitution de ces fonds destinés (prédestinés ?) à la conservation ne vont pas sans susciter, chez ceux-là mêmes qui y président, une certaine perplexité : ce qui, dans la production écrite et graphique d’aujourd’hui, mérite que les bibliothèques en améliorent le potentiel de survie par des précautions renforcées, peut-il vraiment se limiter à une perspective régionaliste ou bibliophilique ? Ne serions-nous pas en train de reproduire les défauts que l’on a si souvent reprochés aux « fonds anciens », et qui continuent à plomber leur intégration dans la bibliothèque publique : élitisme, sacralisation, décalage avec les attentes du public ? Ne risquons-nous pas de limiter dangereusement les recherches des historiens de demain, en leur préparant des gisements documentaires artificiels et lacunaires, reposant sur les seuls critères de préciosité ou d’implantation géographique ?
Une partie, une partie seulement, de la réponse pourrait naître des projets émergents dans le domaine de la conservation partagée. Ces projets ne sont pas venus des spécialistes du patrimoine écrit. Ils ne sont pas issus d’une impulsion politique : ils sont nés des réflexions des bibliothécaires dits de lecture publique, et notamment de la conviction qu’une partie des produits du désherbage, acquis sans objectif initial de conservation, avait toutefois vocation à être sauvegardée, au moins pour un temps. Indices parmi d’autres d’une porosité plus grande entre les fonds de prêt et de conservation, ils ont été l’occasion, pour beaucoup de collègues, d’une entrée dans la démarche patrimoniale : comme l’escargot sa coquille, la bibliothèque se met à sécréter, avec la matière vivante de ses collections courantes, son propre patrimoine. À la différence des « fonds anciens », ce patrimoine est construit d’emblée dans la perspective d’un partage concerté des missions et d’une circulation plus fluide des documents. L’émergence de plans régionaux de conservation partagée des fonds jeunesse en est un exemple récent.
Cet accès de collections issues du prêt à un statut « semi-patrimonial » est à la fois prometteur, ambigu et biaisé. Prometteur, parce qu’il permet l’expérimentation de nouvelles formes de « conservation », plus souples, qui pourraient être transposées à d’autres contenus, parce qu’il constitue une expérience, enfin ! de patrimonialisation d’une production ni rare, ni ancienne, ni précieuse, porteuse d’autres utilisations, d’autres valorisations, d’autres champs de recherches. Ambigu, diront certains, parce que l’une de ses justifications repose sur la démarche d’un public nostalgique, reportant des souvenirs idéalisés sur des objets auxquels leur appartenance au monde magique de son enfance confère, pour une personne et pour elle seule, une forme affective de sacralisation.
Comment les réponses données à cette démarche intimiste, pour respectable qu’elle soit, peuvent-elles contribuer à la construction d’un patrimoine qui relèverait du collectif ? Biaisé aussi, peut-être, parce que, dans certains cas, les choix qui prévalent dans la mise en œuvre de ces plans nous semblent relever davantage de la construction d’un patrimoine de bibliothécaires, soucieux de transmettre une culture professionnelle à la génération suivante, ou de continuer à faire vivre, malgré la désaffection des lecteurs, un volet plus fragile de la production qu’ils ont aimé découvrir et défendre, que de la constitution de fonds réellement représentatifs des lectures et des goûts du public.
Patrimoine du banal et témoignage
Une politique patrimoniale, qu’elle soit constituée de manière traditionnelle ou issue des fonds courants, qui ne reposerait que sur la sélection de ce qui subsiste de meilleur dans des acquisitions déjà triées sur le volet, risque fort de passer à côté des attentes du public. Il serait bon que les bibliothécaires, responsables de la collecte des matières premières pour l’écriture de l’histoire et la diffusion de la mémoire collective, apprennent à discerner la valeur de témoignage d’un livre médiocre, à porter, sur les images criardes et vulgaires qui encombrent notre champ visuel, le même regard décalé, un peu attendri, un peu amusé, ou au contraire critique et scrutateur d’un indicible « air du temps », que nous portons spontanément sur les chromos des calendriers des postes ou les couvertures des vieux polars.
Un patrimoine uniquement conçu sur des critères qualitatifs ne répondrait pas aux besoins des chercheurs de demain, historiens ou sociologues, auxquels on transmettrait ainsi, sur la production de notre temps, sur les aspirations, les craintes, les questions, les pratiques quotidiennes dont l’édition la plus courante se fait un reflet moins déformé que les œuvres de qualité, une image très gravement lacunaire et déformée. Que l’on pense aux désherbages imprudents dont ont été victimes les bibliothèques populaires du XIXe siècle, les fonds féministes des années 1970, dont l’intérêt historique n’a pas été perçu à temps. Que l’on pense aussi aux productions collaborationnistes auxquelles on a conféré, en les détruisant pour des raisons éthico-politiques auxquelles on ne peut que souscrire, une rareté complètement artificielle, qui déforme gravement les traces d’une époque qu’il faudrait pourtant pouvoir étudier de plus près que les autres, et les fait accéder à une forme paradoxale, et peut-être dangereuse, de sacralisation du méprisable et de l’odieux.
Peut-être faudrait-il, pour clarifier la question, faire une distinction plus nette entre ce qu’on appelle aujourd’hui « le patrimoine » dans les bibliothèques, c’est-à-dire les « fonds anciens, rares ou précieux », et une autre forme de « patrimoine » qu’il reste à désigner, celui dont la transmission aux générations futures se justifierait moins par des critères d’excellence ou de prix que par sa valeur de témoignage. Au tournant de l’an 2000, certaines communes avaient offert à leurs administrés la possibilité de déposer, dans un entrepôt qui serait ensuite fermé pendant cent ans, un objet, ou un message, qu’ils souhaitaient transmettre à leurs descendants. Les objets le plus souvent déposés dans ces entrepôts furent, dit-on… les cigarettes. Ceux qui ont fait ce geste ont bien perçu, dans l’objet le plus courant qui soit, celui qui serait à la fois le plus représentatif de notre époque, et le plus susceptible d’avoir disparu dans cent ans. Un tel exemple peut beaucoup éclairer la réflexion sur la constitution d’un patrimoine du banal qui soit un véritable témoignage, sincère et complet, à charge et à décharge, sur la société qui l’a produit. La démarche patrimoniale relèverait alors du jeu de construction : toutes les pièces sont sans valeur et interchangeables, un morceau perdu peut être remplacé, l’important étant, non plus l’image à la perfection de laquelle participe chaque élément, mais l’objet tridimensionnel qui naît de leur rassemblement, construction collective qui demandera d’autant plus de collaborations que la forme en est complexe, mais dont la construction n’est pas incompatible avec un certain caractère ludique.
On a bien conscience des obstacles de toute nature qui se dressent devant la construction d’un tel patrimoine du banal en bibliothèque. Mais au moment où la réflexion sur l’imbrication réciproque du patrimoine et de la lecture publique s’enrichit par des expérimentations architecturales ou des actions de sensibilisation qui font école, où la « désacralisation » du patrimoine est couramment présentée comme un objectif à atteindre, où de multiples initiatives sont prises pour attirer vers le patrimoine les usagers de la lecture publique, une réflexion collégiale sur les moyens d’attirer les lectures du public dans le champ du patrimoine s’engagerait avec profit, que ce soit dans la construction en cours d’un patrimoine des livres pour les enfants, ou pour celle, qu’il faudra bien mener un jour, de la conservation concertée de la fiction pour les adultes. Dans ces chantiers, les bibliothèques de dépôt légal imprimeur joueront certes un rôle essentiel ; mais il ne faudrait pas qu’elles soient seules à garantir la présence en région de produits de la production courante. L’évolution récente de la loi sur le dépôt légal a divisé par deux le nombre d’exemplaires conservés : trois exemplaires pour toute la France, sera-ce vraiment suffisant pour travailler sur la production imprimée ? Quelle part sera faite, dans la transmission patrimoniale, aux ouvrages que les bibliothèques, faute de les avoir achetés, ne conserveront pas ? Ils ne sont pas, loin de là, les moins riches du point de vue de l’analyse sociologique. Quelles sont les « bibliothèques bleues » de demain, et où les trouvera-t-on dans les bibliothèques ?
La tentation du pilon
La prise de conscience du potentiel patrimonial de documents issus des lectures publiques (lecture publique et lectures du public), qui s’interdit d’emblée, avec sagesse, toute prétention à l’exhaustivité et raisonne plus sur la variété des titres que sur la conservation de tous les exemplaires, rejoint, d’une certaine façon, des débats récents dans le monde des « fonds anciens ».
À la fois figés par l’histoire et protégés par la règle de l’inaliénabilité, on n’imaginait pas du tout que le désherbage des livres anciens pourrait être seulement envisagé un seul instant par leurs responsables eux-mêmes. C’est pourquoi la surprise fut grande lorsque le premier vrai débat lancé sur la liste de discussion BiblioPat à l’été 2006 porta justement sur cette question. Confrontée à l’expérience dramatique d’une infestation non maîtrisée, une collègue posait la question : vous est-il déjà arrivé de devoir jeter des livres anciens ? De la discussion qui a suivi, et du débat sur le même thème organisé lors des premières rencontres Henri-Jean Martin à l’Enssib le 23 octobre 2007, ressortait une conclusion très inattendue : nombreux étaient ceux qui s’étaient déjà posé la question, ou du moins ne la considéraient pas forcément comme scandaleuse.
La discussion a vite dépassé l’hypothèse d’une situation de crise non maîtrisée obligeant à faire la part du feu. Confrontés quotidiennement au manque de place, à la modestie des moyens, au peu d’espoir d’obtenir de leurs tutelles un projet d’extension pour des livres soi-disant « poussiéreux » et « somnolents » dont les taux de consultation sont parfois très bas pour un encombrement maximal, et parfois à la coexistence d’une multiplicité d’objets uniques et néanmoins tous identiques 2, les gestionnaires des fonds anciens ont pris conscience, en préparant leur plan d’urgence, que sauver le cœur de leur collection impliquerait probablement de sacrifier tout le reste, et que d’ailleurs notre patrimoine livresque est lui-même le produit des outrages du temps, de la nature et des hommes.
Face à l’émergence des bibliothèques numériques fondées sur le livre ancien et accessibles gratuitement sur le web, et devant la perspective de devoir s’atteler à ces fonds du XIXe siècle où les attendent pêle-mêle pépites et tout-venant, beaucoup de collègues avaient donc déjà affronté la tentation du pilon. Toute réponse rapide sur cette question délicate serait irresponsable, et, en tout état de cause, nous déconseillons formellement de l’apporter seul, conformément au décret du 9 novembre 1988 sur le contrôle technique de l’État et à sa circulaire d’application, qui confient aux directions régionales des affaires culturelles (Drac) et au Conseil national scientifique du patrimoine des bibliothèques publiques l’instruction d’éventuelles demandes de déclassement. Mais si le thème du débat était en soi une surprise, l’attention du public, ses réactions plutôt favorables, en furent une autre : beaucoup avaient sans doute le sentiment qu’un tabou venait d’être levé ; le plus étonnant est qu’il l’ait été sereinement.
Un patrimoine désacralisé
Ceux qui ont lancé ce débat n’étaient pas moins attachés que d’autres aux collections dont ils ont la garde. Peut-être le sont-ils différemment : inconscients, cyniques, iconoclastes, ou simplement réalistes ? Ce sont les mêmes qui, actuellement, scrutent avec vigilance les nouvelles récentes en provenance de l’étranger : le conseil municipal de la ville de Cardiff a décidé, le 11 janvier 2007, la vente des livres anciens de sa bibliothèque, afin de financer le déficit du projet de modernisation, et notamment l’installation de puces RFID et la création de virtual libraries dans les quartiers sans bibliothèque 3. Les attendus de cette décision – qui porte le nom révélateur de « Disposal of surplus (sic) library stock » – ont quelque chose de stupéfiant : les ouvrages en question seraient « inutilisables pour quiconque à part les chercheurs et les spécialistes » ; ils sont mal conservés et en mauvais état, « le coût de leur relogement dans des conditions correctes, combiné aux réparations des reliures et autres mesures de conservation, atteindrait facilement la valeur commerciale des ouvrages » ; ils n’ont pas été catalogués et sont donc inutilisables ; ils comprennent des doublons ; l’investissement nécessaire à leur remise en état se monterait à deux à trois millions de livres pour des documents « qui ne seraient jamais utilisés que par un très petit groupe de personnes intéressées » : si cet investissement n’est pas consenti, « les collections seront sans valeur d’ici 50 ans » (sic). Les publications d’intérêt local seraient toutefois gardées : le Conseil aurait décidé de garder en particulier le Livre d’Aneirin, le plus ancien manuscrit en langue galloise conservé sur place… Une société londonienne de ventes aux enchères prépare la vente des 139 premiers volumes 4.
Voilà ce qui arrive quand la perte des codes de lecture, l’image d’un patrimoine incompréhensible réservé aux happy few, la négligence, l’absence de toute valorisation et le fantasme de la conservation maximaliste se rejoignent pour devenir les pires ennemis du patrimoine écrit. Une telle chose serait-elle possible en France ? L’idée semble dans l’air du temps : le ministère de la Culture n’a-t-il pas, pour répondre à la volonté du président de la République, chargé le conseiller d’État Jacques Rigaud d’un rapport sur « l’opportunité pour des opérateurs publics de vendre des œuvres de leur patrimoine 5 » ? Quelles pourraient être, dans ce contexte, les conséquences de la loi LRU ou du transfert des collections de l’État aux collectivités locales, prévu par la loi du 13 août 2004 ? Le BBF reviendra sur ces questions après la publication du rapport confié à l’Inspection générale des bibliothèques.
À l’heure où nous écrivons ces lignes, la seule chose qui paraisse certaine, c’est que, dans ce petit monde du patrimoine écrit, si policé et à peu près dépourvu de toute tradition revendicative, l’inquiétude, qu’elle soit justifiée ou fantasmatique, est aussi l’expression d’une crise de confiance profonde envers les tutelles, soupçonnées tantôt de vouloir utiliser les fonds anciens de leurs bibliothèques comme de simples pompes à « phynance », tantôt de ne pas être capables d’assurer au patrimoine public une protection adéquate contre de telles velléités.
À force de vouloir « désacraliser » le patrimoine, aurions-nous contribué à amoindrir le « pouvoir de l’écrit » (Henri-Jean Martin) qui semblait le mettre à l’abri de ce type de risques ? Aurions-nous « bâti sur le sable/des cathédrales périssables 6 » ? Nous pensons au contraire que c’est en faisant sortir le patrimoine de ses réserves pour le transmettre (avec ses codes d’accès) au public que nous éviterons qu’il soit perçu comme un impedimentum, un gouffre financier ou une vache à lait. La présence, à Cardiff, de 18 000 livres anciens dont l’intérêt dépasse le cadre gallois fait toute la différence entre une bibliothèque locale et une bibliothèque qui compte au niveau international 7. « À l’heure où dispositions européennes et projets nationaux donnent à la domanialité publique une nouvelle actualité, il importe que les différents points de vue puissent collaborer pour mieux comprendre un élément essentiel de la culture : l’existence du public 8. »
Aliénation des collections des musées : que dit vraiment le rapport Rigaud 1 ?
Le débat sur la possibilité de vendre des œuvres appartenant aux collections publiques a été lancé en France en 2006, de manière assez inattendue, par un rapport sur « l’économie de l’immatériel » qui fait la synthèse des travaux de la commission dite « Jouyet-Lévy », mandatée par le ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie pour étudier « les caractéristiques de l’émergence d’une économie fondée sur la croissance des actifs immatériels ». C’est au titre de la valeur « immatérielle », artistique et symbolique, du patrimoine muséal, partie intégrante de « la richesse nationale et (du) rayonnement international de la France », que les œuvres, pourtant bien matérielles, des collections publiques ont fait, dans ce rapport, l’objet d’une recommandation visant à leur conférer une « valorisation », au sens mercantile du terme, y compris par la vente. C’est dans ce contexte que le président de la République et le premier ministre, dans la lettre de mission adressée à la ministre de la Culture le 1er août 2007, ont demandé que soit engagée « une réflexion sur la possibilité pour les opérateurs publics d’aliéner des œuvres de leurs collections, sans compromettre naturellement le patrimoine de la Nation, mais au contraire dans le souci de le valoriser au mieux ». C’est l’objet du fameux « rapport Rigaud » commandé par Christine Albanel à Jacques Rigaud 2, trop souvent résumé à une seule phrase, certes capitale, de sa conclusion : « Je ne peux soutenir en l’état la proposition sur laquelle il m’était demandé de réfléchir. »
La mission confiée par la ministre au rapporteur concernait, selon les termes mêmes de la lettre de mission, la « respiration » des collections publiques, « la possibilité pour l’État et les autres collectivités propriétaires de renouveler certaines pièces de leurs collections afin d’en augmenter la richesse d’ensemble ». À aucun moment, précise Jacques Rigaud, il n’a été envisagé, ni dans l’esprit des commanditaires du rapport, ni dans celui du rédacteur, de comprendre cette « respiration » (ou, pour parler clairement, cette possibilité de vendre certaines œuvres) comme une manière de boucler les budgets de fonctionnement des musées ou des collectivités publiques dont ils dépendent, mais uniquement comme la possibilité de financer, par la vente de pièces mineures, redondantes ou non pertinentes, l’achat de pièces majeures et/ou venant compléter de manière cohérente la collection d’un musée : le bénéfice de la vente étant, dans tous les cas, reversé au budget d’acquisition du musée concerné et, dans l’idéal, la pièce à acquérir étant déjà identifiée au moment de la vente 3.
Le sujet, reconnaît Jacques Rigaud, ne laisse personne indifférent. Les positions des uns et des autres peuvent être résumées comme une opposition frontale entre, d’une part, « ceux pour qui l’inaliénabilité est consubstantielle au concept même de collection publique, c’est-à-dire de service public des musées » et, d’autre part, « ceux qui assimilent plus ou moins les réserves des musées à des “stocks”, par nature encombrants, inertes et coûteux, que les exigences d’une bonne gestion -devraient conduire à alléger de manière significative 4 ». Pourtant, reconnaît l’auteur, même les conservateurs de musée les plus attachés à l’inaliénabilité des collections publiques reconnaissent en confidence que, dans les collections qui leur sont confiées, existent des pièces dont le retrait, la vente, et même la destruction, n’apporteraient aucun préjudice au patrimoine national. Entre les trésors et les rebuts, « les œuvres que l’on pourrait vendre à la rigueur [mais qui] sont sans réelle valeur marchande et [celles qui], si elles en ont une, sont justement celles dont un musée ne saurait se défaire sans se renier 5 », le rapport Rigaud a tenté une approche objective et dépas-sionnée.
Valorisation des réserves des musées de France
Dans sa première partie, que l’on sent enrichie par les discussions menées avec les gestionnaires scientifiques du patrimoine, Jacques Rigaud tord le cou à une idée reçue : non, les réserves des musées ne dorment pas ! Ce ne sont ni des cavernes d’Ali Baba remplies de trésors inexploités, ni des remises poussiéreuses pleines d’objets de rebut. La politique d’exposition, de prêt et de circulation des œuvres, la numérisation, les créations récentes de nouveaux musées nationaux, les projets de délocalisation, les réflexions en cours sur des réserves mutualisées et ouvertes au public, montrent combien on est loin de la notion de « stocks » évoquée par le rapport Jouyet-Lévy : « Ce qu’il est convenu d’appeler la “respiration” des collections, est maintenant devenu une réalité […] Loin d’être asthmatiques, les musées sont plutôt menacés d’autres genres d’essoufflement par les transformations dont, depuis une trentaine d’années, ils sont l’objet 6 ». Le rapport se clôt d’ailleurs par un plaidoyer en faveur d’une politique nationale de gestion et de valorisation des réserves des musées de France.
Il existe donc des formes de « valorisation » des réserves indépendamment de leur potentiel commercial. Aussi les œuvres d’art ne doivent pas être regardées d’un point de vue purement mercantiliste. Sur ce plan, l’analyse des conclusions de la commission Jouyet-Lévy et de la proposition Mancel est sévère : « Assimiler les réserves des musées à des stocks traduit une totale incompréhension de leur rôle et plus généralement de la notion de service public des musées eux-mêmes 7. » Si les chiffres annoncés peuvent laisser croire à une pléthore d’œuvres inexploitées/inexploitables dormant dans les réserves des musées, celles-ci ont bel et bien une utilité scientifique, intellectuelle, patrimoniale et muséographique 8. S’il y eut véritablement des erreurs d’acquisition, la présence d’ensembles cohérents, souvent issus de legs ou de donations, a valeur de témoignage et permet une mise en contexte des œuvres exposées : « La valeur de la collection prise en tant qu’ensemble, et, à ce titre, expression d’un choix, d’une volonté, d’un goût, est supérieure à la somme arithmétique des valeurs de chacune des pièces qui la composent 9. »
Une commission scientifique nationale
La deuxième partie du rapport s’attache à des considérations d’ordre historique et juridique. Jacques Rigaud rappelle d’abord que la notion de « service public des musées » et l’inaliénabilité qui en est la conséquence directe sont depuis toujours une spécificité française (les rois de France, dans les temps de crise, fondaient leur vaisselle et vendaient leur mobilier, mais jamais leurs tableaux).
Peu de pays, même parmi ceux où la tradition de « service public des musées » est moins prégnante, ont autorisé la vente d’œuvres appartenant à leurs musées. On connaît le cas des États-Unis, où, si un certain nombre de bévues célèbres apportent de l’eau au moulin des adversaires 10, la plupart des ventes se déroulent avec prudence et dans la sérénité. L’Angleterre et les Pays-Bas ont admis le principe : remarquons que, dans les deux cas, la proposition émanait, non du législateur, mais de la communauté des conservateurs, et qu’elle est encadrée, non par la loi, mais par les codes de déontologie.
Dans le cas français, la possibilité d’aliéner les collections des musées de France est d’ores et déjà prévue par la loi du 4 janvier 2002, dont Jacques Rigaud retrace la genèse très éclairante. C’est en effet une navette d’amendements parlementaires qui a introduit dans ce texte la possibilité d’un déclassement des œuvres d’art, rigoureusement encadré par un décret du Conseil d’État du 25 avril 2002 : tout en inscrivant dans la loi le caractère inaliénable des collections des musées de France, elle prévoit qu’une commission scientifique nationale, composée de 35 membres désignés parmi les plus éminents représentants du monde des musées 11, soit chargée de statuer sur les questions d’acquisitions et de restauration, mais aussi en matière de déclassement. Dans ce cas, la commission ne peut délibérer qu’en session plénière, et à la majorité, tout à fait inhabituelle, des trois quarts de ses membres. La loi prévoit un certain nombre de précautions qui permettent d’encadrer très précisément l’instruction des dossiers de déclassement :
- Les collections des musées de France sont par principe inaliénables.
- Les déclassements éventuels seront décidés au cas par cas, et non pas, comme le suggérait le rapport Jouyet-Lévy, par un classement général et définitif des œuvres.
- L’initiative de la proposition de déclassement ne peut venir que des responsables scientifiques de la collection en cause.
- Seule la commission scientifique nationale, à l’exclusion des commissions régionales, est compétente pour émettre un avis, même s’il s’agit d’œuvres de collections publiques ne relevant pas de l’État.
- Les biens incorporés dans les collections publiques par dons et legs ne peuvent être déclassés ; pour les collections ne relevant pas de l’État, la même interdiction vaut pour les biens acquis avec l’aide de l’État.
- Les biens des musées de France appartenant à des personnes morales de droit privé, qui ont été acquis par dons et legs ou avec l’aide de l’État ou d’une collectivité territoriale, ne peuvent être cédés (à titre gratuit ou onéreux) que si l’affectation à un musée de France est maintenue.
- Toute cession effectuée en violation de ces dispositions est nulle.
- Ni la loi ni le décret d’application ne retiennent la valeur vénale d’une œuvre comme critère déterminant ou même principal des œuvres à déclasser 12.
Une procédure non mise à l’épreuve
Or, cette commission, dûment installée, et saisie régulièrement pour des projets d’acquisition ou de restauration, n’a jamais encore été saisie d’un dossier de déclassement. Le rapporteur dénonce avec beaucoup de force cet état de fait, se plaçant d’un point de vue d’éthique professionnelle et de respect de la volonté du législateur : « Il faut donc en conclure, ou bien que [la possibilité prévue par la loi] était sans objet et donc parfaitement inutile, ou bien que […] l’ensemble de la communauté scientifique des musées [a] considéré qu’elle était inapplicable, voire dangereuse. Il aurait été plus digne que cette communauté prenne ses risques et le dise ouvertement 13. » « Il eût été décent que la commission scientifique nationale se saisisse de la question 14. »
La possibilité offerte par la loi n’ayant jamais été mise en œuvre, la commission n’a pas eu, ou ne s’est pas donné, l’occasion de réfléchir sur l’élaboration de critères objectifs permettant d’autoriser l’aliénation de biens culturels appartenant aux collections publiques. Faute d’application réelle de la loi, il n’est donc pas possible d’en évaluer l’efficacité. Ainsi, s’il ne lui paraît pas souhaitable de mettre en place une nouvelle procédure, le rapporteur n’en insiste pas moins pour que la procédure prévue par la loi puisse être mise à l’épreuve : « Avant d’imaginer, si cela apparaissait nécessaire, une procédure plus souple d’aliénation, il paraît évident que soit tentée, fût-ce à titre expérimental, la mise en œuvre de la procédure de déclassement prévue par la loi de 2002, soit que la commission scientifique nationale parvienne à établir des critères objectifs et généraux […] soit qu’à défaut, et en procédant au cas par cas, elle réussisse à élaborer progressivement et d’une manière très empirique une jurisprudence ou qu’enfin elle ait le courage de dire que cette procédure est inappropriée, impraticable ou dangereuse. Tout valait mieux que ce silence général de toute l’institution muséale 15. »
Une aliénation inutile, voire néfaste
L’auteur insiste ensuite sur le fait que l’aliénation d’œuvres issues du patrimoine muséal serait, non seulement inutile, mais néfaste : inutile, parce que les crédits d’acquisition des musées ont été augmentés de manière significative, et complétés par le mécénat, sans parler des bénéfices attendus de l’opération « Louvre » d’Abou Dhabi. Dans ce contexte, présenter au grand public, aux donateurs et aux mécènes potentiels l’image de musées réduits à quia et contraints à vider leurs greniers aurait un impact désastreux sur le prestige de ces institutions, et par ricochet, sur les opportunités d’acquisitions : « L’engagement des musées de France dans une politique ouvertement fondée sur l’aliénation des œuvres pour permettre un enrichissement des collections risquerait de compromettre dans la durée la poursuite d’un effort de diversification de leurs ressources pour les acquisitions et maintenant […] pour de grandes opérations d’investissement. […] Ce système original et multiple de cofinancement a créé un esprit de partenariat durable entre le monde des musées et celui des entreprises, précisément parce que leurs logiques respectives sont différentes, non concurrentes mais complémentaires. Il serait dommage qu’un musée apparaisse à l’avenir comme une entreprise en difficulté qui doit vendre ses stocks pour survivre. Le milieu des entreprises mécènes ne le comprendrait pas et risquerait […] de se démobiliser 16. »
Le rapport se termine par l’évocation de trois cas où une éventuelle aliénation serait, selon l’auteur, susceptible d’autoriser des procédures moins encadrées : les « fonds d’étude », collections de vestiges archéologiques ou de machines 17, mais aussi les collections du Fonds national d’art contemporain 18 et des fonds régionaux d’art contemporain : dans ce dernier cas, Jacques Rigaud propose de profiter du statut particulier des Frac (associations loi 1901 dotées d’une mission de service public) pour expérimenter un système d’aliénation plus souple, par exemple quelques années après l’achat des pièces, système jugé « moins désobligeant » pour les artistes qu’une vente plus tardive qui pourrait être assimilée à la mise au rebut d’œuvres passées de mode 19.
Enfin, pour mettre fin à une rumeur tenace : non, le rapport Rigaud ne préconise nullement l’aliénation de doubles ou de multiples. La question n’est évoquée qu’au détour d’une phrase, comme un exemple parmi d’autres, dont l’auteur souligne simplement la complexité en se gardant de trancher 20
Ah oui, au fait : le mot « bibliothèques » figure bien dans le rapport Rigaud… dans la partie historique 21.
N.B.
- (retour)↑ Réflexion sur la possibilité pour les opérateurs -publics d’aliéner des œuvres de leurs collections : rapport remis à Christine Albanel, ministre de la Culture et de la Communication, par Jacques Rigaud, avec le concours de Claire Landais. Consultable en ligne sur http://www.culture.gouv.fr/culture/actualités/index/htm
- (retour)↑ Jacques Rigaud, ancien membre du Conseil d’État, a notamment été directeur des cabinets de deux ministres des Affaires culturelles. Il a dirigé l’établissement public chargé de la mise en place du musée d’Orsay et été chargé, en 1996, d’une mission sur la « refondation de la politique culturelle française ». Il a présidé le Fonds régional d’art contemporain d’Aquitaine. Il est responsable, depuis sa création en 1980, de l’association Admical, dont l’objet est de promouvoir le mécénat d’entreprise.
- (retour)↑ « Il paraît important de le préciser d’emblée : il ne s’agirait en aucun cas de faire de la vente d’œuvres des collections publiques une “variable d’ajustement” des budgets de fonctionnement des musées, mais une ressource supplémentaire pour leurs acquisitions », rapport Rigaud, p. 1.
- (retour)↑ C’est le sens de la proposition de loi déposée par un parlementaire, Jean-François Mancel, en octobre 2007 : les collections publiques auraient été classées en deux catégories, les « trésors nationaux », qui ne pourraient quitter le territoire national et seraient inaliénables, et les « œuvres libres d’utilisation », aliénables, qui pourraient être louées ou vendues suite à l’accord d’une commission du patrimoine prévue à cet effet. Ibid., p. 2.
- (retour)↑ Ibid., p. 2.
- (retour)↑ Ibid., p. 6-7.
- (retour)↑ Ibid., p. 9.
- (retour)↑ « La gestion même d’un musée vivant implique en outre la disponibilité d’un volant d’œuvres de qualité et d’artistes renommés, voire illustres, qui peuvent remplacer sans délai sur les cimaises des tableaux prêtés pour une exposition ou que l’on doit soustraire à la vue du public pour une restauration ou une analyse scientifique […] On ne saurait oublier que les plus hautes œuvres ne peuvent être vraiment comprises que replacées dans le contexte d’une époque donnée et dans le parcours singulier de chacun des artistes qui les a produites », Ibid., p. 11.
- (retour)↑ Ibid., p. 12.
- (retour)↑ Ibid., p. 25.
- (retour)↑ Dans le discours qu’elle a tenu lors de la remise du rapport Rigaud, Christine Albanel, ministre de la Culture, a souhaité que cette commission soit élargie aux élus et « autres personnalités qualifiées, parlementaires, maires de grandes villes, historiens, critiques d’art, donateurs et collectionneurs », et qu’elle s’inspire « des standards internationaux, issus notamment du code de déontologie de l’International Council of Museums (ICOM), qui n’exclut pas entièrement l’aliénation, mais [pose] des critères ».
- (retour)↑ Rapport Rigaud, p. 19 et p. 35.
- (retour)↑ Ibid., p. 22.
- (retour)↑ Ibid., p. 34.
- (retour)↑ Ibid., p. 34-35.
- (retour)↑ Ibid., p. 32.
- (retour)↑ « On peut toutefois le regretter en ce qui concerne certaines catégories d’œuvres que l’on peut, dans certains cas, hésiter à placer dans les collections au sens précis du terme, qui implique la permanence et donc l’inaliénabilité ; ainsi, dans le domaine de l’archéologie ou dans celui des industries et techniques dont s’occupe notamment le Cnam […], il arrive que l’on entre en possession de séries d’objets ou de machines dont l’étude poussée peut être riche d’enseignements sur le plan historique et scientifique, mais dont la conservation indéfinie ne s’impose pas. » Ibid., p. 13. Christine Albanel a demandé à ses services un rapport sur cette question.
- (retour)↑ Réponse de la ministre : « Il serait dangereux de faire une distinction entre l’art du passé et l’art du présent, c’est-à-dire entre les collections des musées et celles du Fnac et des Frac… Il faut affirmer le principe d’une non-différence entre les œuvres du passé et celles du présent. » Le discours de Christine Albanel est consultable en ligne : http://www.culture.gouv.fr/actualites/conferen/albanel/disraprigaud08.htm
- (retour)↑ La ministre a souhaité soumettre la question des Frac aux conseils régionaux, « afin d’ouvrir une réflexion commune sur le statut de ces collections ».
- (retour)↑ « D’autre part, dans de nombreuses collections se pose le délicat problème des « doublons », des œuvres dites « redondantes », des copies multiples, sans parler […] de l’acceptation sans limites de dons et legs qui a conduit des musées, comme aux Invalides, à recevoir des masses d’uniformes et de décorations de généraux ou, ailleurs, la totalité de l’œuvre et des archives d’un artiste défunt », rapport Rigaud, p. 34.
- (retour)↑ Ibid., p. 15.