« Où sont les romans qui racontent des problèmes ? » : classer autrement les romans pour les jeunes
Pourquoi ne pas classer les romans pour les jeunes par thème plutôt que par ordre alphabétique ? À travers trois exemples actuels de bibliothèques ayant adopté ce classement qui semble largement correspondre aux besoins des jeunes lecteurs, l’auteur montre ses avantages – accès plus direct et facile au livre, augmentation des prêts, etc. –, en particulier dans le cas d’un double classement (par auteurs et par thèmes). Certes, il requiert du temps, de la souplesse et de l’évolutivité de la part des bibliothécaires, mais de nombreuses pistes sont à explorer pour aller encore plus loin, pour rendre le choix plus inventif et ludique.
Why not classify young adult novels by theme rather than in alphabetical order? The article takes the example of three libraries that have taken up this new classification, which seems to meet the needs of young adult readers. The author demonstrates the advantages of the system, which provides easier and more direct access to books, an increase in borrowing, and so on, particularly if the books are classified both by author and by theme. The new classification takes time to set up and requires adaptability on the part of librarians, who need to be able to keep pace with the system as it evolves. However, there are many ways to take the new system further and make the offer of problem novels more inventive and enticing for young adult readers.
Warum die Jugendromane nicht eher nach Thema als nach alphabetischer Reihenfolge ordnen? Anhand von drei aktuellen Beispielen von Bibliotheken, die diese Ordnung, welche weitgehend den Erwartungen der jungen Leser zu entsprechen scheint, angewandt haben, zeigt der Autor ihre Vorteile auf: direkterer und einfacherer Zugang zum Buch, Zunahme der Ausleihen, etc., besonders im Fall einer doppelten Klassifizierung (nach Autoren und nach Themen). Sicher verlangt sie Zeit, Flexibilität und Entwicklungsfähigkeit von den Bibliothekaren, doch gibt es viele Wege zu erkunden, um noch weiter zu kommen, um die Auswahl einfallsreicher und spielerischer zu gestalten.
« En matière de culture, la manière d’offrir est indissociable de l’objet offert. »
Jean-Claude Passeron
Un jour, une adolescente m’a posé une question, dans la bibliothèque où je travaillais. Après avoir passé un long moment dans les rayonnages des romans, elle est venue vers le bureau d’accueil et m’a demandé en chuchotant : « Où sont les romans qui racontent des problèmes ? » Je lui ai conseillé quelques titres alléchants sur la drogue, l’anorexie et autres sujets dont on raffole à cet âge. Elle m’a remercié poliment et a ajouté : « Vous savez… ce serait bien si tous les problèmes étaient au même endroit. »
Cela m’a fait sourire bien sûr mais cela m’a aussi fait réfléchir. Je me suis rendu compte, en caricaturant un peu, que lorsqu’on me demandait : « Je voudrais un roman DE » (Jack London, Agatha Christie, Italo Calvino, Alexandre Dumas, etc.), la phrase suivante était très souvent : « C’est pour l’école » ou « C’est le prof qui m’a dit de le lire ». Mais quand on me disait : « Je voudrais un roman SUR » (les chiens, le Moyen Âge, les dragons, le premier amour, les batailles dans l’espace, les détectives privés, etc.), j’entendais presque toujours ensuite : « C’est pour moi. »
Gravé dans le marbre
J’étais alors en train de préparer l’ouverture d’une nouvelle bibliothèque et me suis donc demandé : pourquoi ne pas y classer les romans par thèmes ou sujets correspondant aux demandes des jeunes : animaux, histoire, fantasy, amour, problèmes… plutôt que par ordre alphabétique ? En France, les documentaires sont classés selon la classification Dewey ou par centres d’intérêt, mais les romans sont presque toujours classés par ordre alphabétique, avec souvent des séparations par tranches d’âge ou niveau de lecture.
Il faut dire qu’on a depuis toujours inculqué aux bibliothécaires une règle immuable, gravée dans le marbre de la bibliothéconomie : « Tu rangeras les romans par ordre alphabétique d’auteur. »
Arrêtons-nous sur ces deux termes. Tout d’abord, l’auteur. La notion d’auteur, dans notre pays en tout cas, est extrêmement sacralisée. La preuve en est que, dans les sections Adultes, les seuls romans qu’on accepte – à contrecœur – de mettre à part sont ceux considérés comme des « mauvais genres » ou des « sous-genres » (policiers, science-fiction, romans sentimentaux), où l’écrivain n’est guère considéré comme important.
Puis l’ordre alphabétique. Ah, l’ordre alphabétique… Pour les bibliothécaires, classer par ordre alphabétique est aussi naturel que respirer… Margaret Mahy, dans son immortel ouvrage L’enlèvement de la bibliothécaire 1, l’a très bien dit : « Ranger par ordre alphabétique est l’habitude des bibliothécaires. » Alberto Manguel raconte aussi dans Une histoire de la lecture 2 cette jolie anecdote du grand vizir de Perse, Abdul Kassem Isma’il, qui, au xe siècle, pour ne pas se séparer, lors de ses voyages, de sa collection de 117 000 volumes, faisait transporter ceux-ci par une caravane de 400 chameaux dressés à marcher par ordre alphabétique.
Mais ce classement alphabétique, s’il semble convenir aux bibliothécaires et aux chameaux, n’est pas du tout une évidence pour beaucoup de lecteurs. D’ailleurs, qu’est-ce qui est évident et simple pour les usagers dans une bibliothèque ? Pas grand-chose et en tout cas pas le classement… La preuve ?
En 1999, une enquête était menée auprès des jeunes lecteurs de la bibliothèque municipale des Eaux-Vives à Genève 3.
De tels résultats amènent plusieurs réflexions :
- La logique de recherche du lecteur en bibliothèque est avant tout spatiale alors que la logique de classement de la bibliothèque est avant tout intellectuelle. Certaines études ont déterminé que deux tiers des lecteurs ne demandaient jamais l’aide des bibliothécaires et que 7 % seulement des adolescents consultaient le catalogue. Pour la majorité des usagers, le rayon constitue le seul véritable mode d’accès au document.
- Il est évident que plus les modes d’accès sont complexes, plus ils excluent. David Parmentier 4 le dit très bien : « On va d’autant plus chercher directement en rayon, sans recourir aux bibliothécaires ou aux fichiers, qu’on est mal classé socialement et scolairement. Une politique de rayon est nécessaire si on veut élargir la base sociale des utilisateurs de la bibliothèque. »
- Le fonctionnement des bibliothèques repose sur des catégorisations liées à des « compétences littéraires » – identifier un ouvrage par son titre, son auteur, relier un livre à son auteur, maîtriser le classement alphabétique, etc. – qui sont souvent apprises à l’école et qui donc excluent ceux qui ne les ont pas ou peu acquises.
- Le libre accès, s’il a bien des vertus, est aussi très angoissant : trop de livres peut être pire que pas assez de livres, surtout – on en revient toujours là – pour ceux qui n’ont pas les cadres culturels nécessaires pour y opérer des choix.
- Or, la bibliothèque doit être d’abord faite pour ceux pour qui elle est la plus difficile d’accès.
Les romans ont-ils des sujets ?
Donc, pour résumer, il faudrait trouver pour les romans un classement : qui facilite l’accès au livre en rendant moins intimidante et plus facile d’accès la masse des documents ; qui s’inscrive clairement dans l’espace ; et surtout qui se bâtisse autour de l’usager et non autour du document : il faut mettre le livre là où le lecteur s’attend à le trouver.
Mais pour cela, il faut être très à l’écoute de l’usager et connaître ses besoins et ses attentes… particulièrement en ce qui concerne la lecture romanesque.
Il y aurait beaucoup à dire là-dessus et on peut se reporter aux nombreuses études sur le sujet 5. On peut toutefois regretter qu’elles portent en grande majorité sur les adolescents. La tranche d’âge des 9-11 ans est un peu laissée de côté, mais on peut penser que les conclusions des -enquêtes sur les plus âgés peuvent en grande partie s’appliquer aux plus jeunes.
En hommage au pays qui a accueilli en 2008 le congrès de l’Ifla, j’évoquerai d’abord une enquête menée de 1999 à 2003 auprès de 2 700 élèves de 13 à 16 ans dans deux régions du Québec : la Mauricie et la région de Montréal 6. Un des points de cette enquête porte sur ce qui influence les adolescents dans le choix de leurs lectures. Ce qui vient en premier est… le thème (63,1 %), suivi par la page de couverture (40,9 %) et le résumé (38,9 %). Ce qui les influence le moins : les auteurs (12 %), les critiques des journaux (10,5 %) et, j’ai le regret de vous l’annoncer, les bibliothécaires (6,8 %).
L’enquête aux Eaux-Vives donne à peu près les mêmes résultats : la couverture, le titre, le résumé et les mots-clés sont les principaux critères de choix. Les bibliothécaires en sont arrivées aux mêmes conclusions que moi et ont donc posé LA question… et la réponse a été claire :
Donc, le classement par sujets semble répondre aux besoins des jeunes lecteurs de Genève, qui ne doivent pas être bien différents des jeunes lecteurs du reste du monde…
Mais qu’est-ce exactement qu’un classement thématique ?
On peut le définir ainsi : classer l’ensemble ou une partie de la collection de romans selon des thèmes familiers aux utilisateurs et définis par rapport à leurs besoins et à leur manière de chercher.
Le classement thématique correspond pour la fiction à ce que sont les « centres d’intérêt » pour les documentaires 7. Pour la fiction, la première expérience semble avoir été faite à Detroit en 1941. Ce type de classement a été aussi assez largement utilisé par les bibliothèques anglaises dans le début des années 1980. Il semble cependant que certaines bibliothèques anglo-saxonnes soient revenues à un classement plutôt par tranches d’âge, en s’appuyant sur les catalogues en ligne pour proposer des thèmes. Il serait intéressant de connaître les raisons de ce choix.
Pour être plus concret, je vais vous présenter rapidement trois expériences actuelles et trois conceptions différentes de ce classement.
Bibliothèque des Eaux-Vives-Jeunes, Genève, Suisse
C’est la section Jeunesse d’une bibliothèque de quartier de taille moyenne qui fait partie des 18 établissements du réseau municipal genevoix. Trois personnes y travaillent. Elle est la seule du réseau à avoir adopté ce classement, ce qui l’isole un peu.
Le classement thématique n’est utilisé que pour les romans pour adolescents (2 500 livres). Les romans pour les 9-11 ans sont classés à part par ordre alphabétique. Ce classement a été mis en place en 1991 par une stagiaire 8.
Les romans sont présentés généralement de face, dans des boîtes posées sur les étagères. Certains thèmes (Histoire, Animaux, etc.) sont rangés avec les documentaires sur le même sujet.
Les thèmes sont indiqués sur les étagères ou boîtes mais par sur les livres. Par contre, sur la couverture de chaque livre, sont indiqués un ou plusieurs mots-clés précisant le thème. Par exemple, pour le thème « Vécu », les mots-clés seront Adoption, Anorexie, Enfant abandonné, Surdoué, etc.
Médiathèque Jean-Jacques-Rousseau, Chambéry, France
C’est la principale bibliothèque municipale de Chambéry ; la seule annexe (bibliothèque Georges-Brassens) utilise le même classement avec quelques adaptations. La section Jeunesse, où travaillent huit personnes, occupe le 3e étage d’un grand bâtiment moderne de 6 150 m2 et propose 20 000 documents. Le classement est utilisé pour tous les romans (3 000 environ) : les romans pour les 9-11 ans et les « premières lectures » dans la section Jeunesse, les romans à partir de 12 ans dans la section Adultes (les romans pour adultes restant classés alphabétiquement.) Les romans sont présentés sur des étagères, le logo est apposé au dos de chaque livre et sur le côté de chaque travée.
Ce classement a été mis en place lors de la création de la médiathèque Jean-Jacques-Rousseau en 1992 pour éviter que les usagers ne se sentent trop perdus dans un grand bâtiment contenant d’importantes collections.
Bibliothèque Chaptal, Ville de Paris, France
La bibliothèque Chaptal est une des 58 bibliothèques de prêt du réseau municipal parisien. Elle a ouvert ses portes en janvier 2008 dans un ancien hôtel particulier de 1 000 m2 complètement rénové. C’est une bibliothèque « pour la famille » avec 24 000 documents pour la jeunesse et 6 000 pour adultes. Dix-huit personnes y travaillent.
Le classement thématique concerne une partie seulement des romans pour enfants et adolescents. Les bibliothécaires ont choisi dix thèmes que semblaient privilégier les jeunes ; les romans ne correspondant à aucun de ces thèmes sont classés par ordre alphabétique d’auteur. 2 300 romans sont classés par thèmes, 1 200 par auteurs. Pour les auteurs les plus importants, les livres sont achetés en double et mis en « thème » et en « auteur », ce qui permet au lecteur qui a aimé un livre découvert par l’intermédiaire d’un thème de trouver facilement l’œuvre complète de l’auteur.
Les logos, qui portent également le nom du thème, se retrouvent sur le livre et au-dessus des étagères. Les mêmes logos se retrouvent sur les romans pour adultes (mais ceux-ci sont classés alphabétiquement) afin d’établir un lien entre les deux collections et faciliter le passage des adolescents vers la littérature adulte. Dans le même esprit, le thème « Vécu » (appelé ici « Récit de vie ») est situé à l’étage des adultes.
Les thèmes retenus sont très proches d’un établissement à l’autre, seuls les termes diffèrent.
Au-delà du classement
On peut tirer de ces trois exemples quelques règles de bases et un bilan des avantages et des inconvénients de ce type de classement.
D’abord quelques règles :
- Il est très souhaitable que chaque thème soit autonome dans son espace, donc qu’il corresponde à un espace précis (travée, étagères, boîte) et clairement délimité. Dans l’idéal, la totalité des étagères d’un thème doit tenir dans le champ de vision d’une personne placée en son milieu. Ainsi le lecteur peut maîtriser d’un seul coup d’œil tout ce qui l’intéresse.
- La signalétique est importante et doit être extrêmement claire. Les termes choisis pour les thèmes doivent être aisément compréhensibles sans céder au « parler jeune » qui se démode vite.
- Il faut éviter toutes les barrières inutiles, donc pas de codes supplémentaires style « point rouge » ou « carré bleu », l’idéal étant des logos où le mot choisi pour le thème est symbolisé par un dessin et indiqué par écrit.
- La signalétique doit être la même sur l’étagère, sur le livre et dans le catalogue en ligne.
- Le résumé étant un important critère de choix, il peut être très utile d’en mettre un au dos du livre s’il n’y en a pas ou s’il est, comme c’est souvent le cas, peu clair ou trop elliptique.
- Il faut essayer au maximum de présenter les livres à plat, de multiplier les livres en présentation, les tables à thème, etc.
Si l’on veut maintenant tirer un bilan, on peut en préambule redire une évidence : les usagers ont des habitudes de lecture différentes, et donc il n’y a pas de classification qui convienne à tous.
Être souple et évolutif
Le classement thématique rend l’accès direct au livre plus facile, mais la recherche précise d’un titre plus difficile. Il favorise la lecture « butineuse » et facilite le conseil.
Dans l’ensemble, il est très apprécié des usagers, les fait lire davantage et amène à la bibliothèque un nouveau public, souvent faible lecteur. La bibliothèque des Eaux-Vives a constaté une nette augmentation des prêts après la mise en place de ce classement. À Chaptal, le même titre classé aux deux endroits sort deux à trois fois plus en « thème » qu’en « auteur ».
Il prend plus de place qu’un classement traditionnel et peut coûter plus cher si l’on décide d’avoir plusieurs exemplaires des bons titres pour les classer à plusieurs endroits. Il prend aussi plus de temps : il faut avoir lu (ou du moins parcouru) les livres pour en déterminer le thème. Mais n’est-ce pas un des plaisirs de notre métier ?
Ce classement doit être souple et évolutif, il faut être prêt à supprimer un thème qui n’attire plus (aux Eaux-Vives, ils envisagent de supprimer le thème « Loisirs ») ou à en ajouter un.
Se pose aussi le problème de la subjectivité. Elle est impossible à éliminer complètement : par exemple pour le thème « Rire » la notion de « livre drôle » n’est pas la même selon les sensibilités. Mais on peut transformer la subjectivité individuelle en subjectivité collective en s’appuyant sur un travail en groupe, des enquêtes, l’observation de ce qui se fait ailleurs, etc., la question que l’on doit avant tout se poser étant : où le lecteur ira-t-il chercher le livre ?
Il est parfois difficile de déterminer un thème, et tout classer selon ces thèmes peut être contraignant. Les bibliothécaires de Chambéry trouvent que cette obligation crée des déséquilibres : la catégorie « Vécu » par exemple devient une catégorie un peu fourre-tout où l’on met ce qui ne peut aller ailleurs.
Personnellement, il me semble que le double classement (une partie en auteurs, une partie en thèmes) est plus souple et plus pratique. De plus, ce classement met en valeur l’écrivain puisque le thème renvoie facilement à l’auteur.
La prison des genres
Cela répond aussi en partie à la principale critique faite par beaucoup de collègues : selon eux, ce type de classement enferme le lecteur dans un genre. Mais les études montrent que le contact avec la diversité des fonds ne conduit pas nécessairement à une diversification des pratiques de lecture. Et d’ailleurs, si un enfant ne s’intéresse qu’au fantastique, est-ce vraiment un problème en soi, du moment qu’il trouve du plaisir à lire ?
À l’adolescence, on lit souvent d’abord pour soi et sur soi, pour se rassurer sur soi-même et conforter l’image qu’on a de soi. Les jeunes ont sans doute besoin de passer par cette étape. Brigitte Richter dit très bien que « s’ils choisissent un livre, ils choisissent peut-être surtout en fonction de l’image qu’ils ont d’eux-mêmes en tant que lecteur. Choisir un livre “autre ” signifie qu’on peut être un autre 9. »
Les bibliothécaires peuvent être ces passeurs qui les encouragent à aller plus loin, au-delà des marques familières. Encore faut-il que ces marques familières soient présentes…
Aller plus loin
Il faut aussi savoir aller plus loin. Les bibliothécaires, non contents d’être des passeurs, peuvent être aussi des explorateurs et des inventeurs. Les catalogues en ligne (Opac) peuvent être d’excellents compagnons du classement thématique. Un Opac classique est utilisé par 7 à 8 % des usagers, un Opac thématique par 25 %.
Mais cela devrait être un complément plus qu’une alternative, car ces Opac ont le gros inconvénient d’ajouter des barrières et des codes entre lecteur et document. Il est illusoire de penser qu’avoir grandi avec internet et Microsoft rend capable d’utiliser aisément un catalogue de bibliothèque…
Mais ils peuvent aussi permettre de désacraliser le livre et la lecture, de rendre le choix plus ludique : la Mid-Continent Public Library d’Independence (Missouri, États-Unis) offre sur son site une base « Juvenile Series and Sequels 10 » riche de 23 500 livres qui permettent aux amateurs de découvrir des séries consacrées aux Mormons, aux anges, à la Patagonie, aux porcs-épics, aux naufrages ou aux zombies…
L’ICDL (International Children’s Digital Library 11) propose de choisir le livre que l’on veut lire en fonction (entre autres) de… la couleur de la couverture (cette demande avait été expressément formulée par les enfants).
On pourrait surtout adapter pour les jeunes ce merveilleux site Whichbook.net 12 qui propose de choisir un livre à partir de ses envies personnelles : plus ou moins triste/drôle/dérangeant/pessimiste/violent/avec ou sans sexe, etc. On peut moduler l’intensité du choix avec un curseur…
Ce ne sont que quelques exemples et il y a beaucoup à faire dans ce domaine.
Je voudrais terminer avec une parole de lecteur, même si elle n’a pas un rapport direct avec le sujet. Matoub a 24 ans. Il est Algérien, agent de sécurité la nuit et étudiant en lettres la journée. Il vient d’une famille où on ne lisait pas et a découvert le livre et la littérature à la bibliothèque de son quartier. Il est interrogé par Michèle Petit 13 qui a mené des entretiens avec des jeunes immigrés de quartiers « sensibles » dont le parcours personnel ou professionnel a été changé par les bibliothèques.
Il dit : « Je lis non pas pour m’évader, car on ne peut pas s’évader. Je vais faire une parole d’auteur : je lis pour apprendre ma liberté. »
Je ne connais pas Matoub, mais je lui dédie cet article.
* Ce texte est l’adaptation par l’auteur d’une communication faite au congrès de l’Ifla 2008 à Québec.
Septembre 2008