L’action culturelle en bibliothèque

par Albane Lejeune
Sous la direction de Bernard Huchet et Emmanuèle Payen
Paris, Éditions du Cercle de la librairie, 2008, 319 p., 24 cm
Coll. Bibliothèques
ISBN 978-2-7654-0958-8 : 37 €

En 1998 paraissait, aux éditions du Cercle de la librairie, la première édition de cet ouvrage sur l’action culturelle. Entre l’ancien et le nouvel opus, la donne a changé. L’édition de 2008 a gagné une centaine de pages et elle voit ses contributeurs plus nombreux et renouvelés, venant d’horizons divers, tels que la BPI, la BnF ou les bibliothèques municipales. Le sommaire a été également refondu pour dresser un panorama plus large du domaine. À une grande introduction qui cerne ses enjeux succèdent trois parties : « Expériences et facettes », « Manuel pratique » et « Conclusion ». Ces modifications, tant de fond que de forme, résonnent comme des révélateurs des évolutions qu’a connues l’action culturelle en bibliothèque depuis dix ans, si ce n’est vers une systématisation, du moins vers une diversification des pratiques et approches.

L’action culturelle à l’heure de sa légitimité ?

B. Huchet et E. Payen, par le choix du sommaire, coupent court à la question de la recherche de légitimité qui se posait au sujet de l’action culturelle depuis ses prémices, dans les années 1960. Cela témoigne du fait que son utilité est désormais considérée comme acquise par l’ensemble de la profession, même si les réalités restent très diverses d’un établissement à un autre (cf. la place de l’action culturelle dans les projets d’établissement) et d’un fonctionnement à un autre (services dédiés ou non, budgets confortables ou non…). L’action culturelle est devenue, selon Michel Melot, le symbole de la « bibliothèque en action ». Dès lors, sa définition, en termes de contenus, s’ouvre et intègre des pratiques diversifiées, nourries par des influences autres que strictement livresques. Sa fonction, culturelle mais aussi sociale, repose sur l’idée de médiation et c’est le rôle d’une vraie politique d’action culturelle que d’en déterminer les modalités dans l’optique d’un lien à établir entre publics, d’un côté, et collections, de l’autre. Le bibliothécaire, ici, est à la fois celui qui programme les événements, celui qui les organise intellectuellement et matériellement, celui qui les délègue à des tiers spécialisés le cas échéant et celui qui coordonne, anime et rend visibles et lisibles la diversité des actions menées.

La preuve par l’expérience

La grande qualité de cet ouvrage réside incontestablement dans sa dimension pratique, déjà avancée dans les chapitres introductifs par l’état des lieux chiffré – le premier du genre – que propose l’enquête de Delphine Côme réalisée en 2005 à l’Enssib sur les pratiques d’action culturelle de 70 bibliothèques françaises. Suit une vivante typologie des actions possibles, vivante car constituée de récits d’expériences de différentes structures, doublés d’une réflexion critique. Pourquoi, comment, avec quels résultats, contre quels écueils, en vue de quelles améliorations : telles sont les questions que devrait se poser tout organisateur. Cette typologie ne fait pas catalogue et c’est en ce sens qu’elle est riche, cherchant à couvrir tous les champs d’intervention possibles sans le souci de l’exhaustivité. La diversité des actions y est présentée en fonction des lieux (maisons d’écrivains, bibliothèque, internet), des supports (images, fonds patrimoniaux, musique…), des domaines (science, littérature…) et/ou des publics (enfants, adolescents, publics empêchés ou éloignés). Bien sûr, le fait que les articles se répondent n’est pas un hasard. L’action culturelle n’est-elle pas passerelle entre tous ces éléments ? Les expositions sur la littérature en bibliothèque font écho à l’expérience du groupe Inventaire/Invention qui se concentre sur la diffusion de la littérature de création via internet ou des ateliers de lecture interactive. En parallèle, les notions de réseau ou de stratégie de publics sont aussi évoquées, tout comme, en conclusion (l’endroit est-il opportun pour des questions si centrales ?), celles de la formation et de l’évaluation de l’action culturelle.

Un livre à mettre entre toutes les mains

Qu’y a-t-il de plus souhaitable pour qui veut se lancer dans l’organisation d’événements culturels qu’un guide clé en main avec des fiches outils pour les budgets ou des rétroplannings types ? Le manuel pratique est une mine d’or. Questions administratives, juridiques, logistiques, communicationnelles, mémorielles (cf. la « politique de traces » de B. Huchet) : tout y est. Ouvrage de référence, il s’adresse à tous les bibliothécaires, quelle que soit la tutelle dont ils dépendent. Il peut même intéresser d’autres secteurs, tels ceux de la librairie ou des musées, qui mettent en place des actions culturelles.

L’action culturelle en bibliothèque est un livre pratique mais pas un livre de recettes. Il ne fait pas oublier qu’à chaque lieu correspond une recette particulière qu’il faut apprendre à trouver en prenant en compte ce qui se fait ailleurs et en s’inspirant des succès et des échecs des autres. La structure efficace de l’ouvrage et la pertinence de ses contenus, rappelant que l’action culturelle est surtout une question de conviction(s), devraient y aider.