Livres d’art
Acquisition et médiation en bibliothèques
Sonja Graimprey
Dans le cadre du Mai du livre d’art, le 20 mai au Centre Pompidou, a eu lieu une journée d’étude organisée par la Bibliothèque publique d’information, l’Association des bibliothécaires de France, la BnF/Centre national de la littérature pour la jeunesse-La Joie par les livres, les bibliothèques de la ville de Paris, avec le soutien du Centre national du livre. Accueilli par le directeur de la BPI, Thierry Grognet, le colloque intitulé « Livres d’art : acquisition et médiation en bibliothèque » a réuni éditeurs, bibliothécaires, universitaires et médiateurs du livre. Les interventions de ces différents acteurs et les échanges avec la salle ont permis de faire le point sur la place du livre d’art aujourd’hui.
Pourquoi acheter des livres d’art et pour quel public ?
Mijo Thomas, présidente du groupe art du Syndicat national de l’édition, a rappelé que la conception de livres d’art était très onéreuse, leur édition étant plus risquée que celle des œuvres littéraires. La coédition nationale, impliquant généralement un éditeur privé et un éditeur public, permet de réduire les coûts de publication de 33 à 45 %. Alors que les tirages annuels sont en baisse constante depuis 1990 et que la part des livres d’art dans l’édition globale s’élève seulement à 3 % (contre 12 % pour le livre jeunesse ou 25 % pour la littérature), le livre d’art français bénéficie de bons indicateurs de vente à l’étranger.
Les rotations de livres d’art en librairies étant très rapides, Mijo Thomas a souligné que les bibliothèques assuraient la pérennité de ces ouvrages, jouant ainsi leur rôle pédagogique de « passeurs vers l’art ».
Bertrand Legendre et Corinne Abensour, de l’université de Paris-XIII, ont présenté les premiers résultats de l’étude sur le lectorat du livre d’art, dans l’attente de la publication de son bilan en octobre 2008. Diffusée sous forme de questionnaire aux lecteurs de vingt bibliothèques participantes, elle a été réalisée à l’occasion du 20e anniversaire de l’opération Mai du livre d’art avec le soutien de la BPI et de l’ABF.
Le lectorat des livres d’art est principalement féminin (70 %), parisien (63 %), âgé de 20 à 29 ans (89 %), avec un niveau d’étude se situant entre bac et bac + 4 (60 %). Les critères de choix pour apprécier un livre d’art sont clairement définis, pas toujours dans le même ordre (images, texte, aspect physique, légende, auteur). Les 20-29 ans se montrent particulièrement exigeants. Peu de cas est fait de l’éditeur. L’offre de livres d’art pour enfant est peu connue. Seuls les 40-49 ans semblent suivre cette édition.
Plus de 75 % des emprunteurs de livres d’art sont également acheteurs. Avant d’acquérir un document dont le prix moyen acceptable s’établit entre 30 et 40 euros, 40 % des lecteurs s’informent en bibliothèque sur les nouveautés éditoriales. Encore une fois, la complémentarité entre la librairie et la bibliothèque est mise en évidence.
La table ronde sur les politiques d’acquisition en bibliothèque, animée par Jean-Paul Oddos, directeur du réseau de lecture publique de l’agglomération Pau-Pyrénées, a clôturé la première partie de la journée d’étude. Nicole Denquin de la bibliothèque André-Malraux de Paris a expliqué la procédure d’acquisition centralisée pratiquée au sein du réseau des bibliothèques municipales parisiennes, en rappelant qu’en 2007, les livres d’art avaient constitué 16,6 % des achats (la moyenne nationale relevée par Livres Hebdo était de 15,5 %). La stratégie de médiation dépendait du quartier, les besoins des lecteurs différant d’un arrondissement à l’autre. À la bibliothèque des arts de Strasbourg (SICD), dirigée par Anne Costa, la politique d’acquisition est étroitement liée à l’enseignement dispensé à l’université. La consultation de livres d’histoire de l’art par les étudiants, assez faible en général, a néanmoins augmenté grâce à l’introduction dans leur cursus de travaux bibliographiques obligatoires. La bibliothèque professionnelle de la Direction des publics du musée du Louvre, dirigée par Djamella Berri, acquiert ses livres en fonction des besoins internes (par exemple la documentation pour les conférenciers) et sur proposition directe des intéressés.
Tous les titres de la sélection du Mai du livre d’art 2008 étaient exposés dans la galerie Rambuteau sur les stands des éditeurs de livres d’art.
À quoi servent les livres d’art ?
L’après-midi a été consacré à la présentation de deux types de bibliographies de livres d’art.
Nathalie Beau du Centre national de la littérature pour la jeunesse-La Joie par les livres a voulu décloisonner les différentes catégories d’ouvrages, en établissant un pont entre les albums et les livres d’art. Ainsi, un album des années 1920 dans le style du Bauhaus et un livre documentaire récent sur l’Art nouveau se complétaient et donnaient une vision d’ensemble sur un courant artistique.
Jeanne Lambert-Cabrejo, responsable de la médiathèque de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, a regretté que le paysage éditorial offre une très faible visibilité aux livres d’art contemporain, dont les trois principales qualités seraient la capacité à construire les repères artistiques, la mise en relation des œuvres entre elles et la compréhension de l’époque contemporaine.
Au cours de la seconde table ronde de la journée, Nicole Picot, conservateur de bibliothèque honoraire, a rappelé le contexte dans lequel s’était constitué le fonds Art de la BPI (avec un soutien conséquent des pouvoirs publics). Jean-Pierre Brèthes, président de l’association D’un livre l’autre, a transmis avec beaucoup d’émotion son expérience d’intervenant en milieu carcéral. Anne Pichereau-Mercouroff, responsable du service culturel de Paris bibliothèques, a raconté l’opération de promotion du livre d’art Jeunesse en 2007, « Un ticket pour l’art », qui avait eu pour partenaires la RATP et le Mai du livre d’art. Enfin, Pascale Rome, chargée des acquisitions de livres d’art à la Bibliothèque francophone multimédia de Limoges, a décrit l’action de médiation qu’elle conduit avec son équipe pour répondre aux événements culturels locaux et nationaux.
Les expériences des uns et des autres ont montré que les éditeurs et les bibliothécaires continuaient à faire preuve d’inventivité et de complémentarité. Le lectorat habituel, autonome et exigeant, cherche la nouveauté. Le lecteur potentiel, novice et inexpérimenté, aime découvrir le livre d’art accompagné.