Quels projets pour les fonds d’estampes ?
Laure Jestaz
Le 13 mai 2008 s’est tenue au département de la Réserve de la bibliothèque Sainte-Geneviève à Paris une journée nationale d’études sur le signalement des estampes. Attendue depuis longtemps, organisée par Emmanuelle Minault-Richomme, conservateur en charge des documents graphiques de la BSG, sous les auspices de BiblioPat 1 et en partenariat avec l’Enssib, elle a réuni près de soixante personnes dont une petite moitié venait de province.
Après une allocution d’Yves Peyré, directeur de la bibliothèque Sainte-Geneviève, rappelant non seulement le caractère ambivalent de l’estampe, à la fois épreuve unique et reproduction d’œuvre d’art, mais aussi l’importance du traitement et du signalement de ces fonds iconographiques dans nos catalogues actuels, Bernard Huchet, conservateur des fonds patrimoniaux de la bibliothèque de Caen, a évoqué les grands enjeux de cette réunion et ses principaux axes de réflexion.
Les premières interrogations, telles qu’elles sont apparues sur la liste de discussion de BiblioPat, portent actuellement sur les formats d’indexation et de catalogage dans les bibliothèques, préliminaires obligés à toute question scientifique, sans négliger leurs corollaires immédiats (problèmes d’identification, de restauration et de conservation, et les difficultés liées à leur accessibilité). Mais au-delà même du traitement bibliographique, d’autres questions surviennent : un signalement stricto sensu n’aurait qu’un intérêt limité s’il n’était ensuite mis en valeur par la confrontation avec d’autres exemplaires, conservés dans d’autres institutions (musées, archives, centres de documentation spécialisée…). Il est certain qu’à terme, seul un catalogue collectif des estampes conservées en France permettrait ce véritable travail scientifique, réservoir auquel pourrait s’adjoindre un portail des bibliothèques numériques d’estampes. Qu’elle soit régionale ou thématique, cette fédération de réalisations diverses servirait non seulement aux chercheurs mais aussi aux bibliothécaires en mal d’harmonisation 2.
Le département des Estampes et de la photographie de la Bibliothèque nationale de France, représenté par Corinne Le Bitouzé, adjointe de la directrice du département, et par Marie-Claude Thompson, conservateur en charge du catalogage, est ensuite intervenu pour parler de manière très instructive des choix de ce département. Après avoir dressé un rapide état des lieux des documents informatisés (plus de 500 000 notices de documents iconographiques dans BN-Opale Plus 3, soit 5 % du catalogue général 4) furent abordés l’historique des pratiques de catalogage, le traitement, actuel en format Intermarc et le choix d’indexation en Rameau 5. Pour pallier les lacunes de ce vocabulaire (subdivisions insuffisantes, domaines mal couverts…), ont été établis deux grands référentiels : Techniques de l’image et Typologie de l’image, eux-mêmes subdivisés en quatre catégories iconographiques 6.
Plusieurs interventions se sont alors succédé, témoignant de pratiques différentes quoique toutes également fondées sur la norme Afnor Z 44-077. Présentée par Claudio Galleri, la base Estampes de la bibliothèque municipale de Lyon, créée davantage pour des raisons de communication et de diffusion que pour le signalement stricto sensu des pièces, compte environ 5 500 documents, indexés avec le thésaurus Garnier. Cette base, sans lien avec le catalogue général de la bibliothèque, offre trois modes de recherche, avec un lien vers les images numérisées 7.
Marie-Laure Ingelaere a ensuite rappelé la genèse de la pictothèque Images d’Alsace, catalogue en Unimarc des images numérisées de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg (BNUS), fruit de la transformation d’un ancien vidéodisque en base de données spécifiques ; constitué de 34 000 images environ, numérisées à partir de diapositives et indexées selon un vocabulaire développé en interne, cet ensemble est intégré au catalogue commun de la BNUS, mais une interface spécifique a été développée pour la base Images 8.
La bibliothèque Sainte-Geneviève a exposé quant à elle son protocole de catalogage des estampes dans le Sudoc, en format Unimarc, le traitement se faisant à la pièce, à partir de corpus préalablement définis. Chaque notice offre une indexation en Rameau, ainsi qu’un lien vers une ou des images numériques.
La journée s’est achevée par l’exemple original de la médiathèque de Dole, représentée par Sylviane Sauge : sur un fonds totalisant quelque 4 000 estampes, les deux tiers ont déjà été catalogués en Dublin Core sous XML, permettant ainsi une structure en arborescence si besoin. Le catalogue général de la bibliothèque propose une recherche fédérée sur l’ensemble des bases, qui toutes sont moissonnables via le protocole OAI. L’indexation est réalisée en Rameau, avec l’aide d’un vocabulaire contrôlé développé en interne. Un développement avec une DTD EAD en 2009 permettra de lier ce catalogue des « images fixes » avec celui des archives et des manuscrits.
Cette intéressante journée aura permis de bien mettre en relief les différentes questions afférentes à ce type de document, sans préjuger de l’importance du fonds qui les rassemble. De la petite bibliothèque conservant quelques centaines d’épreuves à la grande institution nationale aux millions de gravures, les interrogations restent bien souvent les mêmes et témoignent toutes de la difficulté à décrire des documents iconographiques, quels qu’ils soient (estampe, photographie, affiche, carte postale…). Cette journée en appelle d’autres, à plus d’un titre : la discussion reste en effet à ouvrir sur la prévalence d’un catalogage en Marc ou en XML EAD pour ces documents si spécifiques ; de même, des ajustements dans la norme seraient judicieux, ainsi que l’harmonisation des pratiques dans le format Unimarc ; le choix de l’indexation (Rameau, Garnier, vocabulaire développé en interne) reste difficile, aucune ne donnant aujourd’hui à elle seule pleine satisfaction.