Les enjeux d’un double partenariat bibliothèque municipale et départementale pour le futur centre de détention de Roanne
En 2001, une nouvelle équipe municipale arrivait à la tête de la ville de Roanne. Dès l’annonce par Dominique Perben, en 2002, d’un programme de construction d’établissements pénitentiaires, le maire se positionna. Le projet fut présenté dans un premier temps comme une opération économique importante pour la ville, en termes de création d’emplois (250 emplois directs et 100 emplois indirects annoncés) et de maintien, voire de renforcement, des services publics locaux (tribunal, police…). En effet, la ville, marquée par un recul important, depuis plusieurs décennies, de son activité économique (textile, armement…) avait le souci de s’inscrire dans une logique de reconversion. Roanne avait déjà eu une prison, édifiée en 1829, et fermée en 1991 dans le cadre des travaux de réhabilitation du palais de justice.
Le centre de détention de Roanne accueillera ses premiers détenus en janvier 2009. D’une surface de 30 800 m2, il s’étend sur un terrain de 14,5 hectares. Établissement de 600 places, il comportera trois quartiers de détention, dont deux quartiers de 250 places chacun pour les hommes et un de 100 places pour les femmes. Outre les équipements habituels prévus dans ce type d’établissement, il disposera également de trois unités de vie familiale.
Le fonctionnement envisagé, très cloisonné, par quartiers à l’intérieur desquels la circulation des détenus est facilitée, a une incidence certaine sur l’option choisie pour l’implantation des bibliothèques. En effet, une bibliothèque de 25 à 32 m2 est prévue par quartier, ainsi qu’un local technique complémentaire de 39 m2, situé dans les bâtiments centraux. Des détenus classés devraient être affectés à la gestion de ces bibliothèques largement ouvertes et en accès libre pour les détenus. Cette dissémination en petites unités n’est pas sans conséquence sur l’organisation préconisée par les bibliothécaires, à savoir un réseau informatique, un catalogue unique pour les trois bibliothèques et une circulation des documents de l’une à l’autre.
L’apport des structures de lecture publique
La médiathèque départementale bénéficie d’une compétence certaine dans la gestion de petites unités, tels les nombreux relais de son réseau.
Du point de vue de la lecture publique, le nord du département de la Loire est constitué de petites communes éloignées des bourgs-centres et s’avère relativement pauvre en équipements.
Roanne dispose d’une médiathèque ouverte en 1997, équipement de référence sur le nord du département, fréquenté par une population importante de toute l’agglomération.
La médiathèque de Roanne s’est engagée dans une logique d’action en direction de publics spécifiques et des publics empêchés. Depuis 2006, une collaboration a été mise en place avec le centre hospitalier et, en toute logique, l’ouverture du centre de détention intéressait la bibliothèque. Une collaboration et une réflexion sur la lecture publique avaient été également engagées depuis 2005 avec la médiathèque départementale, dans le cadre de la mise en œuvre d’un plan départemental de la lecture publique et le souhait de cette dernière de s’appuyer sur des équipements structurants sur ce territoire. Cette collaboration s’était déjà traduite par l’organisation de formations professionnelles communes en direction de salariés et bénévoles des bibliothèques, dans différents domaines, par une réflexion conjointe sur un équipement de quartier assurant un service de proximité pour la ville et une mission de tête de réseau pour les relais proches de Roanne. Bref, une approche partagée de la lecture publique et une vision territoriale appuyées sur des objectifs précis et des missions clairement imparties, initiées à la base par des professionnels qui avaient le désir de travailler ensemble.
Une action volontariste
Une pratique de collaboration inscrite sur le pays roannais était déjà en place et tout naturellement la question de la bibliothèque du nouveau centre de détention semblait un terrain intéressant pour développer cette logique de complémentarité. De plus, on se trouvait dans une situation peu courante de création complète de bibliothèques de prison, sans antécédent. Sous l’impulsion et avec le soutien actif de la chargée de mission développement culturel en milieu pénitentiaire de l’Arald, la collaboration entre les services pénitentiaires et les bibliothèques a pu démarrer très en amont.
Les bibliothécaires ont commencé à élaborer un dispositif pour leur intervention : la médiathèque départementale interviendra pour le prêt d’une collection de base, la formation des détenus-bibliothécaires, le portage des dossiers de subvention auprès du Centre national du livre. La médiathèque de Roanne sera plus dans une logique de proximité en assurant une aide à l’élaboration du marché d’acquisitions, des prêts à la demande, un suivi et une présence régulière (la médiathèque intervient sur un modèle similaire depuis deux ans à l’hôpital avec une équipe de volontaires qui a reçu une formation par rapport au public desservi – formation commune qui réunit le personnel de santé et celui de la médiathèque).
Les deux médiathèques travaillent conjointement sur des listes d’acquisitions, l’informatisation de la bibliothèque du centre de détention avec un logiciel libre, la formation à mettre en place pour les détenus-bibliothécaires. Elles apportent conseil et assistance sur le fonctionnement ultérieur de l’équipement.
Ces interventions feront l’objet de la signature d’une convention de partenariat quadripartite entre le centre de détention, le service pénitentiaire d’insertion et de probation de la Loire, le conseil général de la Loire et la ville de Roanne.
Malgré des moyens limités pour les bibliothèques de prison, l’action menée en direction du centre de détention renforce la collaboration entre la bibliothèque structurante d’une ville moyenne et la bibliothèque départementale, dans une logique de territoire évidente. Elle se construit autour de rencontres riches, de milieux professionnels différents, de l’administration pénitentiaire et de la lecture publique, avec un évident volontarisme.
Juillet 2008