Des bibliothèques comme les autres
Yves Alix
À côté des institutions patrimoniales, des bibliothèques de l’Enseignement supérieur, de la lecture publique territoriale, d’autres bibliothèques proposent à des publics particuliers une offre de lecture significative, encore mal connue de beaucoup de professionnels. En France comme ailleurs, la tentation est forte de marginaliser ces réseaux difficiles à inscrire dans les schémas institutionnels, ou d’en limiter la portée au seul champ de l’action sociale. Pourtant, ces bibliothèques ne jouent pas seulement un rôle d’intégration de plus en plus important, elles constituent aussi un des moyens privilégiés d’assurer la continuité du service public de la lecture.
D’un côté, la bibliothèque dans l’entreprise, pour laquelle le cadre français dessiné juste après la Seconde Guerre mondiale, qui donne la maîtrise de l’offre sociale et culturelle aux représentants élus du personnel, montre aujourd’hui ses limites. L’expansion des bibliothèques municipales et le maillage du territoire ont changé l’offre, tandis que les mutations sociales – réduction du temps de travail, consumérisme, montée des loisirs – ont bouleversé la demande. Pourtant, ces bibliothèques de grande proximité peuvent contribuer au lien social, aider les salariés à mieux vivre le temps passé au sein de l’entreprise, et participer à leur émancipation. Elles sont donc plus que jamais indispensables.
Le salarié est libre d’utiliser la bibliothèque d’entreprise ou la bibliothèque municipale de son domicile. Pour le temps de leur « empêchement », le malade hospitalisé et le prisonnier ne peuvent quant à eux recourir qu’à l’offre proposée sur place, dans des conditions souvent difficiles, avec des moyens limités. L’impulsion donnée par les pouvoirs publics (livret Faire vivre la lecture à l’hôpital, recommandations et bonnes pratiques, partenariat Culture/Justice pour les bibliothèques de prison) est relayée sur place par l’action militante et le volontariat. Seule la professionnalisation, qui suppose des moyens budgétaires mais aussi l’engagement individuel et collectif et la solidarité professionnelle, peut consolider durablement les efforts déployés localement. Au-delà de la France, les exemples étrangers, et singulièrement celui des États-Unis, prouvent que le combat pour le droit de tous à la lecture ne peut se gagner que si tous les professionnels, mais aussi les tutelles et les politiques, s’attachent à faire de ces bibliothèques des bibliothèques comme les autres.