Livres électroniques accessibles
Une chance pour les personnes handicapées
Ramatoulaye Fofana-Sevestre
« Le deuxième Forum européen de l’accessibilité numérique se propose de démontrer que les différents acteurs intervenant dans la chaîne éditoriale – auteurs, éditeurs, producteurs de livres adaptés – ont un intérêt convergent à développer et promouvoir des solutions fiables et durables permettant de rendre toutes sortes de contenus accessibles dans différents formats et sur différentes plateformes. » Cet ambitieux programme, proposé par l’association Braillenet le 28 janvier 2008 à la Cité des sciences et de l’industrie sous le titre « Livres électroniques accessibles : une chance pour les personnes handicapées » a-t-il tenu ses promesses ?
Pourquoi des livres numériques accessibles ?
Tout au long de la journée, les facilités offertes par le support numérique pour l’accès des personnes handicapées à la lecture ont été rappelées à travers des témoignages, des démonstrations et des récits d’expériences françaises et européennes.
Ainsi, un livre électronique conforme aux recommandations d’accessibilité offre la possibilité à un lecteur déficient visuel de personnaliser son mode de lecture (par exemple en utilisant un logiciel de revue d’écran avec une sortie sonore ou braille), d’adapter à sa vision les paramètres d’affichage des données (taille de la police, contrastes...) ou de naviguer plus facilement dans le texte, notamment si le document est structuré au format Daisy 1.
Une personne présentant un handicap moteur et qui n’est pas en mesure de manipuler un volume ou de tourner les pages d’un livre, peut également apprécier l’option de défilement automatique du texte à l’écran ou celle de lecture audio du texte. Avec le développement des livres numériques, les délais de mise à disposition de documents adaptés peuvent enfin être réduits, et Sylvie Duchateau (Braillenet) peut espérer lire Harry Potter sans avoir à « stocker » les quelque 35 volumes en braille que représente cet ouvrage... On comprend alors l’enthousiasme du comédien Melchior Derouet lorsqu’il définit le livre électronique comme un « outil incontournable de l’accès à la connaissance », le seul à même de garantir l’égalité d’accès à la lecture pour les personnes handicapées !
Vers une normalisation de l’accessibilité numérique ?
En outre, le public concerné est loin d’être négligeable et dépasse largement celui constitué par les personnes handicapées : une étude réalisée par Microsoft, et dont Markus Gylling, du consortium Daisy, a rendu compte, révélait que 60 % de la population active tireraient profit de l’usage des technologies accessibles. D’un point de vue technique, des solutions simples pour rendre effective l’accessibilité des documents numériques sont aujourd’hui développées par de grands groupes tels que Microsoft ou Adobe. Il suffit par exemple d’enrichir des documents PDF grâce à Acrobat 8 Professionnel (ajout de tags, de textes alternatifs pour les images, définition ou modification de l’ordre de lecture des objets, outils de vérification de l’accessibilité). De même, il devrait bientôt être possible de réaliser un document accessible avec MS-Word : en effet, un projet de collaboration fondé sur Open XML est ouvert sur SourceForge.net et donnera naissance à un plug-in gratuit pour Microsoft Office Word. Il traduira les documents Open XML en Daisy XML, le standard mondial pour la publication de contenus multimédia et documentaires à destination des aveugles et des personnes handicapées visuelles.
Se dessine alors la possibilité d’une réelle « convergence entre les besoins de l’accessibilité numérique et les exigences industrielles du livre numérique » qui passe par l’intégration de standards d’accessibilité dans la chaîne éditoriale « classique ». C’est dans ce but qu’œuvrent des organismes tels que le consortium Daisy et IDPF 2.
Mais, à travers des exemples italiens, anglais, allemands ou français, cette journée a surtout prouvé que, à défaut de cadres législatifs toujours favorables 3, il est nécessaire de sensibiliser le monde de l’édition et d’apprendre à communiquer avec lui en l’associant étroitement à tout projet visant au développement de l’industrie du livre numérique accessible, en soulignant la valeur significative de ce marché, la possibilité de mettre en place des mesures techniques fiables pour garantir la protection des droits, ainsi que les avantages d’un rapprochement entre le monde de l’édition adaptée et le circuit commercial du livre.
Révolutionner la production et la diffusion
Il s’agit donc bien de « révolutionner la production et la diffusion de livres accessibles » pour reprendre le titre de l’exposé de Mandy White, du Royal National Institute of Blind People (Londres). Au nom d’un droit à la lecture pour tous difficile à contester, l’idéal à poursuivre devrait être celui-ci : fournir aux lecteurs handicapés des livres au même prix, en même temps, au même endroit et au bon format. Dans de nombreux pays, des organisations spécialisées, des associations y travaillent déjà.
Mais comme l’a parfaitement rappelé Catherine Desbuquois (Braillenet)pour réaliser cet objectif, il est toujours indispensable que la puissance publique facilite les échanges entre le secteur commercial de l’édition et le secteur non lucratif, éducatif ou associatif, ainsi qu’une utilisation optimale des compétences et des savoir-faire. Elle doit « créer le cadre légal, soutenir les expériences pilotes et procéder à leur évaluation, et accepter de prendre sa part dans la mise en place des synergies nécessaires à la réalisation de solutions durables pour une meilleure offre de lecture aux publics empêchés de lire ».