Dictionnaire des littératures policières
Nouvelle édition revue, mise à jour et augmentée
Paris, Éd. Joseph K., 2007
2 vol., 1054 et 1086 p., ill., 25 cm
ISBN 978-2-91-068644-4 et 978-2-91-068645-1 : 50 € chaque volume
Parue en 2003 et épuisée en quelques semaines, la première version de ce dictionnaire n’avait pas été signalée dans le BBF. Réparons cette injustice à l’occasion de la nouvelle édition, mise à jour et sensiblement augmentée (plus de cinq cents entrées supplémentaires), du déjà classique Mesplède, ainsi que l’avait baptisé François Guérif dans la préface d’origine (reprise ici, précédée d’une nouvelle préface signée Daniel Pennac ; à la dix-septième édition, aurons-nous dix-sept préfaces ?).
Certes, toutes les bibliothèques auront à cœur de posséder l’ouvrage et le recenser dans une rubrique bibliographique est parfaitement superflu. C’est pourquoi nous le faisons quand même. Car c’est beaucoup plus beau quand c’est inutile.
Pourquoi tant de dictionnaires spécialisés (de cinéma, de musique, de littérature, d’art, de bande dessinée…) déçoivent-ils et se périment-ils si vite ? Parce qu’ils sont faits par des gens de goût, qui veulent avec leurs petites mains édifier le panthéon définitif du genre ou du domaine choisi. Rien qui dépasse, rien qui dépare, chers collaborateurs, de grâce, ne retenez que le meilleur. Le mauvais ne sera même pas mentionné, et le seulement moyen pesé au trébuchet. Et c’est ainsi que le lecteur amateur, pauvre innocent, se retrouve avec des tas de volumes inutiles, où précisément il ne trouve pas ce qu’il cherche, à savoir le rare, le médiocre, l’oublié, le commun, l’inconnu, le méprisé, le bizarre, bref le tout. Les auteurs du Mesplède, à commencer par M. Claude lui-même, s’il m’autorise à le nommer ainsi, sont peut-être gens de goût, c’est leur affaire, mais ils sont surtout gens de passion. Une passion méticuleuse, ordonnatrice, accumulative et jamais assouvie. Ils veulent tout savoir, tout classer, tout identifier. Ils étaient donc faits pour rédiger ce dictionnaire.
Même si le langage courant l’a retenue parmi tant d’autres, l’expression « littératures policières » reste ambiguë, à la fois trop large et trop restrictive. Certes, la police est partout, mais la littérature consacrée au crime peut aussi s’écrire sans elle, l’énigme se résoudre sans détective, etc. Et il y a l’espionnage, l’horreur, le suspense, l’aventure, c’est un monde sans fin qu’il faut borner pourtant. Admettons toutefois qu’il n’y ait pas de vocable complètement satisfaisant et acceptons, par commodité, l’usage de « littératures policières ». Ce sera nous placer prudemment du côté de la morale et du droit, alors que « littératures criminelles » nous eût exposé sans doute au soupçon des honnêtes gens, « je frémis en y pensant ». La Bilipo, Bibliothèque des littératures policières, singulière institution dont la ville de Paris peut légitimement s’enorgueillir, a d’ailleurs, et sans doute pour longtemps, fixé ainsi l’usage. Je cite à dessein la Bilipo, car elle a mis une bonne part de ses forces vives dans l’aventure, et s’il y avait, pour un bibliothécaire, une raison supplémentaire de saluer l’ouvrage, ce serait la place que ses collègues y tiennent. Si elle n’est pas tout à fait « unique au monde », comme l’écrit fièrement Michèle Witta dans sa notice, elle n’en est pas moins remarquable par son ambition, sa richesse et la qualité du travail documentaire qui s’y produit (par exemple, la sélection critique Les crimes de l’année publiée chaque printemps par Paris Bibliothèques). Née en 1983 de l’initiative conjointe de 813, association des amis de la littérature policière, fondée en 1980, de la bibliothèque de l’Arsenal et de bibliothécaires parisiens passionnés de roman policier et de roman noir, elle s’est installée dans ses propres locaux en 1995. À tous égards, sa réussite témoigne de l’évolution du regard des professionnels des bibliothèques sur un pan de l’édition qu’on rangeait encore, il n’y a pas si longtemps, dans les « paralittératures », comme on met les voyantes et les charlatans dans le salon Parapsy, le plus à la mode de tout Paris cette année… Si l’on peut parfois, devant le succès toujours croissant des collections spécialisées, être pris de vertige (Les gens ne lisent-ils plus que du policier ? Le succès améliore la familiarité avec le genre, améliore-t-il le jugement ?...), soyons heureux du moins que ce qui était méprisé naguère ait conquis sa juste place – parfois au plus haut de la littérature tout court, n’en déplaise à Charles Dantzig – et ne trouvons surtout pas la mariée trop belle, fût-elle en noir !
Les auteurs forment bien sûr le plus gros des entrées (biographies et bibliographies le plus complètes et le plus à jour possible), mais on y trouve aussi associations, collections et séries, genres, personnages, éditeurs, historiens et critiques, illustrateurs, thèmes, revues et fanzines, prix et festivals. Une soixantaine de titres classiques ou emblématiques font en outre l’objet d’une notice particulière. Le cinéma, la bande dessinée, la création radiophonique, le livre jeunesse, ne sont pas oubliés. Un index des entrées par catégories figure à la fin de chaque volume, ce qui permet d’avoir une sorte de vue synthétique de la structure (un regret à ce sujet : n’eût-il pas été préférable de ne faire qu’un seul index, plutôt que deux moitiés alphabétiques ?). L’iconographie est abondante et fait la part belle aux couvertures.
Bref, chacun y trouvera son compte. Il ne faut donc plus hésiter, si par hasard on l’avait fait. D’autant plus que ce n’est même pas puni par la loi ! Enfin, il faudrait vérifier…