Les bibliothèques publiques aux Pays-Bas
Les bibliothèques publiques des Pays-Bas travaillent en étroite collaboration, grâce à un fonctionnement en réseau s’appuyant fortement sur le VOB (Vereniging van Openbare Bibliotheken), l’association des bibliothèques publiques. Intégrées dans les programmes d’urbanisme, modernes et ouvertes sur l’extérieur, elles privilégient les services et le multimédia et constituent des lieux de vie qui jouent un rôle prépondérant dans le paysage démocratique néerlandais, comme le montre bien la nouvelle bibliothèque centrale d’Amsterdam, ouverte en juillet 2007.
Public libraries in the Netherlands work in close collaboration, thanks to networking, largely via the VOB (Vereniging van Openbare Bibliotheken), the association of public libraries. Integrated in urban development programmes, modern, and open to the outside world, public libraries focus on services and multimedia, and constitute living spaces that play a major role in the Dutch democratic environment, as illustrated by the new central library of Amsterdam, open in July 2007.
Die öffentlichen Bibliotheken der Niederlande arbeiten dank eines Funktionierens im Netz, das sich stark auf die VOB (Vereniging van Openbare Bibliotheken), die Vereinigung der Öffentlichen Bibliotheken stützt, eng miteinander zusammen. Modern und offen nach außen sind sie in Urbanistikprogramme integriert, privilegieren Benutzerdienste und Multimedia und schaffen Lebensräume, die eine Rolle in der niederländischen demokratischen Landschaft spielen, wie die im Juli 2007 eröffnete neue Zentralbibliothek Amsterdams deutlich zeigt.
Las bibliotecas públicas de los Países Bajos trabajan en estrecha colaboración, gracias a un funcionamiento en red que se apoya fuertemente en el VOB (Vereniging van Openbare Bibliotheken), la asociación de las bibliotecas públicas. Integradas en los programas de urbanismo, modernos y abiertos al exterior, éstas privilegian los servicios y el multimedia y constituyen lugares de vida que juegan un papel preponderante en el paisaje democrático neerlandés, como lo muestra bien la nueva biblioteca central de Amsterdam, abierta en julio del 2007.
La montée en puissance d’internet, son utilisation par un public de plus en plus nombreux ainsi que la modification des usages des bibliothèques remettent en cause les modèles connus jusqu’alors. Ces phénomènes ne sont pas propres à un territoire national, mais s’inscrivent dans les bouleversements dus à la mondialisation des échanges, à la révolution du web 2.0 et aux transformations profondes qui touchent tous les secteurs, de l’économie à la culture, et modifient les rapports de consommation.
Ainsi en est-il des Pays-Bas, qui, après avoir constaté une certaine érosion dans la fréquentation des bibliothèques ces dernières années, ont mis en place les outils d’analyse nécessaires pour comprendre ce phénomène. En s’appuyant largement sur les services développés par le Vereniging van Openbare Bibliotheken (VOB) 1, ils ont procédé à la réorganisation des structures existantes, relancé les programmes de construction de nouveaux bâtiments, et ainsi poursuivi l’effort de développement de la lecture publique.
L’intégration des bibliothèques dans les programmes d’urbanisme, l’organisation des bibliothèques en réseau et les nombreuses missions qu’elles assument prouvent le rôle prépondérant qu’elles jouent au sein de la société démocratique néerlandaise. La nouvelle bibliothèque centrale d’Amsterdam en est un exemple révélateur.
Le Vereniging van Openbare Bibliotheken in Nederland
Plus connu sous le sigle VOB, le Vereniging van Openbare Bibliotheken est l’association des bibliothèques publiques des Pays-Bas. C’est une structure capitale dont la mission principale est d’assurer la cohérence des services dispensés par les bibliothèques publiques, de favoriser l’éducation, un haut niveau d’information des citoyens et la promotion de la société démocratique. Le VOB soutient les bibliothèques locales (quelle que soit leur taille) dans leurs missions sociales et défend leurs intérêts ainsi que ceux de leurs utilisateurs.
Les bibliothèques des Pays-Bas aujourd’hui
Apparues à la fin du xixe siècle, les bibliothèques publiques des Pays-Bas 2 couvrent à l’heure actuelle l’ensemble du territoire. Longtemps régie par des lois qui n’ont cessé d’être modifiées depuis 1975, leur organisation s’est aujourd’hui stabilisée. Le découpage actuel fait suite aux recommandations d’avril 2000 du comité Meier 3 :
- la bibliothèque de base dessert une population de 30 000 à 35 000 habitants. Elle est subventionnée par la commune (ou par la communauté de communes) ;
- les bibliothèques départementales doivent se regrouper en bibliothèques centrales provinciales (Provinciale Bibliotheekcentrale ou PBc), et devenir des points d’appui pour les autres bibliothèques ;
- le VOB apporte son aide aux bibliothèques de base, membres de l’association, en proposant services, produits, formations professionnelles et défense des intérêts collectifs. Il a également pour mission d’améliorer l’efficacité, la cohérence, la qualité et le pluralisme du réseau des bibliothèques publiques.
Ces recommandations ont abouti à une organisation répartie en trois niveaux principaux : communal, provincial et national. Elle est le fruit d’un subtil équilibre entre autonomie et centralisation. En effet, si la plupart des structures sont des fondations de droit privé 4, toutes travaillent en étroite collaboration à l’échelle du territoire. Si presque toutes se fournissent auprès du NBD-Biblion, centrale d’achats et d’équipement des collections, pour leurs acquisitions (voir encadré), toutes ont la possibilité de mettre en place des partenariats locaux susceptibles d’améliorer la qualité des services 5.
NBD-Biblion
Résultat d’une fusion entre Biblion (à l’origine une division du VOB) et le Nederlandse Bibliotheken Dienst (NBD), Service néerlandais des bibliothèques, NBD-Biblion est une fondation regroupant des éditeurs (20 %), des libraires (20 %) et des bibliothécaires (60 %).
Sa mission est de faciliter le travail des bibliothèques néerlandaises, en mutualisant des services pour un coût le plus réduit possible. NDB-Biblion est également chargé d’anticiper l’avenir en matière de bibliothèques (ex. : RFID).
Une grande partie de son activité est concentrée sur la centrale d’achat et d’équipement des ouvrages, travaillant pour presque toutes les bibliothèques néerlandaises.
Chaque nouveauté est réceptionnée, puis cataloguée par les services internes de NBD-Biblion. La notice est ensuite envoyée aux bibliothèques pour le choix de leurs acquisitions.
Dans la partie usine, les couvertures sont arrachées. Les livres sont alors reliés, plastifiés avec apposition de code-barres, de puce RFID, de la cote et des vignettes de genre (roman policier, etc.).
Un ouvrage est donc indexé au niveau national (cote unique pour tout le pays) en SISO (équivalent de la Dewey). Il reçoit également une vignette de genre issue d’un système national. Cela n’empêche pas quelques ajouts locaux : indications de niveau de lecture (bibliothèques d’Amstel-veen et d’Amsterdam), indications de thèmes (bibliothèque de Doorn). Cela simplifie énormément la mise en réseau des fonds et l’élaboration des catalogues collectifs et laisse plus de temps à l’accueil du public.
Services communs, services spécifiques
Le réseau s’appuie sur une riche collaboration interprofessionnelle alimentée notamment par le VOB et NBD-Biblion. Si chaque bibliothèque possède son propre site internet, toutes fonctionnent en réseau, au moyen de services tels que MuziekWeb, AquaBrowser et Al@din (voir encadrés ci-dessous), qui permettent à chaque structure de fournir un service de qualité égal.
MuziekWeb
Site de la discothèque centrale de Rotterdam, MuziekWeb * est un des services des bibliothèques publiques des Pays-Bas les plus connus (si ce n’est le plus populaire).
Il est alimenté par le personnel de la discothèque de Rotterdam et sert à l’ensemble du territoire. Chaque bibliothèque du pays a la possibilité de réserver, pour l’un de ses usagers, un CD de la discothèque de Rotterdam. Elle le fait ensuite acheminer pour un coût relativement modique.
MuziekWeb offre 300 000 CD à emprunter, et la discothèque centrale de Rotterdam possède l’une des plus importantes collections de musique enregistrée d’Europe.
Muziekweb développe actuellement une offre de nouveaux services tels que le téléchargement de CD gratuits (7 000 références).
- (retour)↑ Pour en savoir plus :www.muziekweb.nl
AquaBrowser
AquaBrowser Library est un catalogue collectif, regroupant 13 bibliothèques universitaires ainsi que des bibliothèques spécialisées (institutions). Il fonctionne par association d’idées. À Amsterdam, par exemple, à la saisie d’un titre, il propose le livre, le DVD de l’adaptation cinématographique, la bande originale du film en CD, la pièce de théâtre qui en a été tirée et qui se joue à Amsterdam au même moment, ainsi que l’achat de billets en ligne pour cette même pièce. Ceci, grâce à la collaboration entre différents services, mais à l’initiative de la bibliothèque.
Al@din
Service de questions/réponses, comme on en connaît déjà en France (BiblioSés@me, pour n’en citer qu’un), mais qui va plus loin, puisqu’il permet le chat en direct avec les bibliothécaires.
Un système de répartition au niveau national permet à plus de 1 000 bibliothécaires d’y collaborer. Les questions étant souvent les mêmes, les réponses sont intégrées dans une base de données.
Chacune développe des services spécifiques au regard des missions nationales. Dans le cadre de la loi d’intégration 6, par exemple, l’objectif est d’intégrer les ressortissants étrangers par l’apprentissage de la langue et de la culture néerlandaises. Largement relayées au sein des bibliothèques, des formations sont assurées soit par des personnels spécialement dédiés (Dordrecht), soit par des intervenants extérieurs : écoles privées, associations de réfugiés, de migrants 7… Certaines, comme la bibliothèque de Dordrecht, mettent en place des procédés particulièrement originaux, mêlant culture et social 8. Presque toutes les bibliothèques offrent un grand choix de journaux en langues étrangères.
Les bibliothèques mettent également au point des programmes efficaces d’incitation à la lecture parents-enfants et de lutte contre l’illettrisme. Nombreuses à avoir intégré De Voorleesvogel 9 (L’oiseau de lecture), elles conservent cependant toute latitude pour élaborer leur propre programme 10.
Architecture, atmosphère, mobilier
L’ensemble de ces services s’élabore bien souvent dans des lieux accueillants et ouverts, à la pointe de la modernité, inscrits dans leur environnement social, faciles d’accès et pratiques d’utilisation. C’est la raison pour laquelle l’architecture est un des éléments constitutifs de l’identité des bibliothèques publiques néerlandaises. La densité de la population pousse les autorités du pays à concevoir des programmes de construction intégrant logements, écoles, crèches, salles de spectacles et bibliothèques.
Il n’y a pas à proprement parler de grande ligne architecturale dans les bibliothèques néerlandaises. Mais l’importance des ouvertures sur l’extérieur et de la lumière naturelle est une constante. C’est un jeu permanent entre le dedans et le dehors (cf. encadré sur la bibliothèque centrale d’Amsterdam à la fin de l’article). Le plus souvent, ce sont de larges panoramiques qui s’offrent aux regards des visiteurs. Le jeu intérieur/extérieur trouve son apogée à La Haye où les usagers sont invités à lire dans des chauffeuses au rez-de-chaussée. Ces « lecteurs en vitrine » profitent de la vue et montrent ainsi aux passants que la bibliothèque est un lieu de vie.
Cinq éléments sont toujours présents : la création d’atmosphère, la flexibilité et la polyvalence du mobilier, l’omniprésence de l’art, la discrétion de la signalétique et le café. Chaque structure offre une atmosphère mêlant détente, convivialité et espace de travail. Comme l’indique Gérard Reussink, directeur de la bibliothèque de Rotterdam, « la bibliothèque est un second chez soi ». Ainsi, en fonction de leur taille, les bibliothèques adoptent des « décors » temporaires incitant les visiteurs à s’attarder et à revenir 11. Espace vivant, la bibliothèque évolue au fil des saisons.
De plus, les collections sont souvent présentées selon le concept de retail. C’est un agencement proche de celui des librairies, mettant en œuvre les principes du marketing. L’accent est mis sur les ouvrages à rotation rapide (cuisine, bricolage, etc.), grâce à une présentation plus aérée, proposant de préférence la couverture du livre plutôt que son dos. Les ouvrages à rotation lente sont classés dans des travées classiques.
Le mobilier est contemporain et pratique. Ce qui signifie que la plupart des meubles sont mobiles, montés sur roulettes ou facilement déplaçables. Ainsi, la modification des espaces ne pose pas problème et facilite les animations, pour lesquelles il n’est pas besoin de salle propre : celles-ci se déroulent dans les espaces des collections que l’on déplace 12. À la bibliothèque de Nieuw Vennep (réseau d’Haarlemmermeer) par exemple, une scène de théâtre à deux niveaux faisant face à la salle se transforme en gradins lorsque le spectacle est dans la salle.
Ici, le luxe (fauteuil de lecture très confortable) côtoie le bizarre (fauteuil en forme de livre) et l’high-tech (fauteuil-œuf d’Amsterdam).
L’art occupe une place importante dans les bibliothèques néerlandaises. Présent grâce à des expositions temporaires ou permanentes, mais aussi sous forme de sculptures au détour des rayonnages, ou d’autres initiatives innovantes 13.
À cette conception à la fois pratique, ludique et séduisante de la bibliothèque s’ajoute une dimension de services. Chaque structure met à la disposition du public des locaux et du matériel. En effet, toutes les bibliothèques possèdent au moins une salle de réunion à disposition des institutions, associations, particuliers ou entreprises, dont le coût varie en fonction du statut du demandeur. C’est ainsi que la bibliothèque, lieu que l’on peut investir en fonction de ses besoins, demeure au cœur de la vie de la cité.
Sujet délicat et soumis à controverses avec les architectes, la signalétique est dans l’ensemble peu présente. Ainsi, tout ajout de signalétique dans la centrale d’Amsterdam n’est possible qu’avec l’accord de l’architecte 14. De même, la bibliothèque de La Haye a dû batailler dix ans pour obtenir le droit d’en mettre une au point. Celle de Rotterdam a, quant à elle, une signalétique largement élaborée et intégrée au lieu.
En revanche, il n’est pas envisageable d’ouvrir une bibliothèque sans un espace café ou, pour le moins, sans machine à café 15. En général à proximité ou dans l’espace périodiques, ce lieu tout à la fois de détente, de rencontre et porteur de recettes financières, contribue à faire de la bibliothèque un espace de convivialité.
Collections
Si certaines bibliothèques entretiennent un rapport au livre qui semble assez proche du nôtre, le vide de certains rayonnages n’a d’égal que la profusion des services offerts. Toutefois, dans l’ensemble, à l’exception notable de La Haye et Rotterdam, les fonds de bandes dessinées sont sous-développés voire quasi inexistants. On peut même se demander s’il existe une politique d’acquisition pour ce support 16. Sans parler des mangas, qui sont rares également. Les Pays-Bas ne semblent pas posséder une culture de la bande dessinée. Outre la pauvreté de la production locale, il n’existe pas d’efforts particuliers quant à la traduction d’œuvres étrangères. Ainsi, les fonds des bibliothèques françaises en la matière apparaissent, par contraste, comme un modèle à suivre.
En revanche, le prêt de jeux vidéos 17, quasiment inexistant en France, paraît incontournable aux Pays-Bas 18. Chaque bibliothèque possède son rayon, généralement situé à proximité du hall d’accueil. Sans doute est-ce un produit d’appel. Mais la pérennité de ce type de support semble toutefois aléatoire.
Dans la mesure où les archives sont centralisées au niveau national, les documents susceptibles de constituer un fonds local sont moins nombreux qu’en France et la conservation au niveau local n’existe pas. La petite taille du pays et l’origine associative des bibliothèques y jouent également un rôle.
En définitive, le contenu des rayons correspond plutôt aux besoins et aux attentes du public. C’est ainsi qu’une politique d’acquisition s’établit en associant étroitement grand public (marketing des bibliothèques) et publics spécifiques (communautés ethniques, religieuses, sociales…). Les grandes structures offrent des collections encyclopédiques ainsi que des collections spécifiques, tandis que les annexes des quartiers, ou biblio-thèques de petites villes, répondent plus aux besoins de leurs communautés 19.
De nombreux modèles
Quelle que soit la taille de la structure, la bibliothèque publique est, aux Pays-Bas, un élément constitutif du paysage démocratique. Assumant des tâches variées, elle est un marqueur essentiel du paysage culturel et social. Rattachée au réseau qui couvre l’ensemble du territoire, elle répond aux missions de proximité qui lui sont assignées, dans le même temps qu’elle garantit une ouverture sur le monde.
Issue d’une longue tradition, elle peut suivre les changements rapides de la société par son adaptation permanente au contexte dans lequel elle évolue. L’exemple des Pays-Bas n’est cependant qu’un parmi les nombreux modèles qui coexistent en Europe, comme le soulignait déjà en 2000 le BBF : « La question [des pratiques professionnelles en Europe] n’est pas futile, car le bibliothécaire européen de demain ne sera pas, dans sa carrière, le décalque du bibliothécaire français d’aujourd’hui, mais sans doute un professionnel dont le(s) recrutement(s), la (les) formation(s), le(s) parcours, les responsabilités sociales et culturelles, seront un mélange des modèles des différents pays de l’Union européenne 20 »
C’est en cherchant à connaître et à comprendre les pratiques, tant traditionnelles qu’innovantes, de nos confrères étrangers, que nous serons à même de créer les modèles des bibliothèques de demain. Car la mutualisation des réflexions professionnelles au niveau européen est nécessaire aujourd’hui pour anticiper l’avenir, comme le souhaitent nos collectivités. En combinant de la sorte échanges professionnels avec nos voisins, nouveaux usages des bibliothèques, et innovations technologiques, nous serons beaucoup plus à même de satisfaire les attentes des publics.
Remerciements à tous nos hôtes néerlandais.
Novembre 2007
La bibliothèque d’Amsterdam, un projet ambitieux
L’Openbare Bibliotheek van Amsterdam (OBA) se compose d’un réseau de 28 bibliothèques (1 centrale et 27 annexes) réparties sur l’ensemble du territoire amstellodamois. Cette structure, qui emploie 330 personnes, est également l’institution culturelle la plus visitée d’Amsterdam (4,1 millions de visiteurs en 2005) avant même l’ouverture de la nouvelle centrale.
Ses missions principales sont résumées en une phrase : « [Offrir] le libre accès à l’information, à la connaissance et à la culture pour tous, par la fourniture de services de bibliothèque de haute qualité favorisant l’éducation, la participation, la découverte et l’apprentissage de la culture », en référence directe au manifeste de l’Unesco.
Référent national en matière de bibliothèque publique, l’OBA ne disposait pourtant pas, jusqu’à récemment, d’une bibliothèque centrale digne de ce nom. C’est chose faite, depuis le 7 juillet 2007 (07-07-07).
Inaugurée alors même que les travaux n’étaient pas encore terminés, la nouvelle bibliothèque centrale est plus qu’une simple bibliothèque puisqu’elle est le premier élément architectural d’un nouveau quartier : Oosterdokseiland 1. À l’échelle de la ville, la bibliothèque est un marqueur essentiel du renouvellement urbain ; à l’échelon national, elle est un élément essentiel du paysage des bibliothèques publiques, car elle est déjà un modèle.
Oosterdokseiland
Proche de la gare centrale et du terminus du métro, facilement accessible à pied, à vélo (2 000 places de parking à proximité), en voiture (1 200 places de parking), en tramway et en autobus, la nouvelle bibliothèque centrale d’Amsterdam se situe sur l’Oosterdokskade, près du Musée maritime, du centre Némo 2 et d’un gigantesque bateau-restaurant asiatique.
Outre sa facilité d’accès, la bibliothèque d’Amsterdam est le premier élément architectural d’un projet à l’échelle de la ville et du monde 3. Oosterdokseiland, l’île d’Oosterdok, symbolisée par son acronyme ODE, est un projet urbain d’une ampleur gigantesque. Il s’agit de « faire émerger une aire de constructions architecturales contemporaines de haute qualité avec des vues à couper le souffle sur le centre historique et la rivière IJ 4 ».
En effet, dans un avenir proche, l’ensemble du quartier sera profondément modifié, puisque ce sont 200 000 m2 de bâtiments ultramodernes qui se dresseront au cœur même de la ville. La bibliothèque, déjà établie au nœud des communications, se situera alors au cœur d’un ensemble culturel urbain sans précédent.
Le projet ODE est un projet global destiné à mêler lieux de vie (logements), de travail (bureaux), de détente et de loisirs (bibliothèque, académie de musique) et de commerces.
Rien n’est laissé au hasard. Et si la bibliothèque est le premier bâtiment à sortir de terre (ou de l’eau pourrait-on dire), c’est bien parce qu’elle est un lieu public de première importance.
Vastes espaces ouverts à tous
Abritée dans un gigantesque bâtiment de 28 000 m2 et de 13 étages (contre 12 000 m2 et 6 étages auparavant), la bibliothèque centrale, conçue par l’architecte néerlandais Jo Coenen, offre 10 plateaux accessibles au public. C’est, à l’heure actuelle, l’une des plus grandes bibliothèques publiques d’Europe, dont l’objectif avoué est d’attirer deux millions de visiteurs par an.
Le bâtiment, conçu comme une véritable œuvre d’art 5, se signale d’emblée par une architecture résolument actuelle, où béton, verre et bois dominent. Ce dernier signale plus particulièrement, sur la façade extérieure, les étages réservés aux collections, et accentue l’effet d’écrin de la culture qu’est ce tout nouveau bâtiment. Toutefois, le caractère monumental de l’ensemble, largement accentué par l’esplanade piétonne, n’a rien d’écrasant. Au contraire, les quelques marches qui courent le long de la façade, loin de l’escalier monumental menant au temple de la culture, ménagent un large passage et forment de possibles gradins pour contempler la ville.
Mais c’est avant tout la conception intérieure qui fascine. Vastes espaces, fluidité, pôles thématiques, « places » particulières, lumière naturelle, panoramas… Tous ces éléments s’enchaînent et se combinent à travers les étages, entraînant le visiteur à la fois dans une découverte progressive des collections de la bibliothèque (panorama intérieur) et dans une découverte de la ville par le truchement des immenses baies vitrées (panorama extérieur).
Car c’est là un des points essentiels de cette architecture, l’ouverture sur l’extérieur qui s’accroît au fur et à mesure que l’on grimpe dans les étages, jusqu’à se terminer en une terrasse panoramique sur la ville où l’on peut prendre un repas au restaurant La Place 6.
Ouverte 7 jours sur 7, de 10 heures à 22 heures sans interruption, l’OBA ajoute à sa facilité d’accès géographique une large amplitude horaire.
Autrement dit, la bibliothèque est plus qu’une bibliothèque. Elle est un lieu de vie à part entière, un lieu que chacun utilise en fonction de ses besoins.
Des livres en moins, des services en plus ?
Les livres ne forment pas le cœur de la bibliothèque. En effet, les deux tiers de la collection sont rangés sur vingt-cinq kilomètres de rayonnages au sous-sol du bâtiment (niveau – 2). À terme, ces ouvrages seront empruntables comme ceux en libre accès. Il en résulte comme une impression de vide, qui contraste fortement avec le plein de nos travées françaises. Cette impression est d’autant plus surprenante que l’état des livres paraît moyen. En revanche, les collections multimédias sont largement développées, y compris sur des supports peu courants comme les Daisy-rooms 7. Dans la section multimédia, les étagères de DVD mesurent près de deux mètres et forment des cercles, dont l’intérieur sert de salle de projection.
Malgré la signalétique ultra-minimaliste 8, on identifie rapidement les espaces familiers que sont l’espace jeunesse, l’espace périodiques, l’espace voyages, etc. Le département jeunesse (0-12 ans) est organisé en sphères/atmosphères. Les collections sont présentées sur des rayonnages arrondis (sphères) et classées par thèmes (atmosphères). L’offre est multisupports et mêle fictions et documentaires.
Des étiquettes rouges signalent les livres pour les jeunes éprouvant des difficultés de lecture 9.
On y trouve en permanence une exposition d’œuvres originales. De plus, chaque jour, le Kinderlab (le laboratoire atelier) permet la réalisation de travaux manuels et de création, en collaboration avec des artistes. Ce laboratoire basé sur la psychologie et le travail manuel est directement inspiré de la théorie des sept intelligences définie par l’Américain Howard Gardner 10 et des travaux menés dans les écoles italiennes de Reggio Emilia (en Emilie-Romagne) par Malagucchi. Ces concepts ont abouti à la création de « la bibliothèque des 100 talents 11 », dont le Kinderlab est un exemple réussi.
Le petit théâtre (de 40 à 50 places) accueille, un à deux mercredis par mois, un groupe de mères américaines et anglaises qui viennent lire aux enfants des histoires en anglais 12. L’espace jeunesse offre également une section éducation pour les professeurs.
L’espace périodiques, d’une impressionnante ampleur, propose pour sa part une combinaison d’espaces multiples répartis sur plusieurs plateaux, à proximité du hall. Le nombre de titres accessibles est important (2 500 abonnements en cours), tous en libre accès et regroupés par thèmes. On y trouve des tables de travail, ainsi que des tables basses et fauteuils. Une petite cafétéria, La Place 13, offre café et sandwich que l’on peut déguster en lisant le journal.
Le reste des collections se répartit en sections (romans, musique, voyages…). Chaque section correspond à un niveau dans lequel est aménagé un espace de rencontre et de débat. Il offre de confortables canapés et une vue panoramique. Deux de ces espaces sont particulièrement étonnants : le NL-plein (« place néerlandaise ») et l’IHLIA-plein.
À Amsterdam, 15 000 personnes ont été recensées comme devant apprendre le néerlandais. C’est pourquoi la centrale propose une « place néerlandaise », dans laquelle on trouve un laboratoire de langue néerlandaise (livres, cédéroms d’exercices et ordinateurs) accessible gratuitement et sans abonnement. Le centre de documentation homosexuelle IHLIA dispose d’un espace dans la bibliothèque, l’IHLIA-plein. Cette association y propose une partie de ses collections réservée à la consultation 14 et y tient des permanences.
C’est donc la combinaison de ces espaces spacieux et confortables et l’offre intelligente de services qui rendent cette bibliothèque particulièrement attractive. En effet, bien plus qu’une simple bibliothèque, l’OBA se veut un centre d’infotainment 15 largement axé sur les nouvelles technologies. Le multimédia est omniprésent avec 600 ordinateurs pour le public (internet gratuit et Microsoft Office), 50 points de bureautique (postes de travail multimédias) et 110 terminaux de consultation de l’Opac.
Outre les 1 000 places assises, la bibliothèque offre également des salles de réunions, des caissons avec ordinateur à réserver pour les travaux de groupes, ainsi qu’un amphithéâtre de 270 places. Toutes ces infrastructures ont été pensées en fonction des besoins du public et en lien avec l’université qui manque de place.
L’amphithéâtre accueille de nombreuses animations (conférences, accueil de compagnies de théâtre, projection d’un film par mois en partenariat avec le Festival international du film documentaire d’Amsterdam...), et également des spectacles organisés par des personnalités/VIP pour fêter leur anniversaire. Parmi ces animations, « l’Open podium 16 », les « soirées débutants » et « soirées “jeunes écrivains” 17 » sont particulièrement innovantes.
Front-office / Back-office
À Amsterdam, comme dans de nombreuses bibliothèques du pays, l’organisation du travail repose sur la répartition du personnel en deux catégories. Le Front-office, chargé de la réalisation des projets développés par le Back-office, s’occupe du service public, de l’accueil, de l’information sur les collections et des acquisitions.
Le personnel de l’accueil est constitué de non-bibliothécaires 18 chargés de l’inscription des adhérents, ainsi que de l’équipement et du classement des collections. Le personnel animation-information sur les collections est constitué de bibliothécaires 19 chargés des renseignements auprès du public, des acquisitions et des animations. Le temps de travail hebdomadaire du Front-office s’effectue entièrement dans les espaces publics (y compris le travail interne) 20.
Comme dans presque toutes les bibliothèques des Pays-Bas, Amsterdam privilégie les automates de prêt. Il n’y a donc pas de banque de prêt. En revanche, le personnel peut être sollicité aux points d’accueil et de renseignements de chaque étage. Il lui est recommandé de déambuler dans les espaces à la rencontre et au service des usagers plutôt que de rester assis aux points d’accueil.
Le Back-office 21 s’occupe du développement de projets et de la politique documentaire. À Amsterdam, cette catégorie de personnel dispose d’une plate-forme de bureaux partagés.
* Le site : www.oba.nl
- (retour)↑ www.oosterdokseiland.nl
- (retour)↑ Musée des sciences et techniques pour les jeunes.
- (retour)↑ Le projet est d’attirer les compagnies nationales et internationales : bureaux pour sièges sociaux, proximité de l’aéroport de Schiphol (à seulement vingt minutes de train), haute qualité des services fournis (hôtels, commerces, loisirs)...
- (retour)↑ www.oosterdokseiland.nl
- (retour)↑ L’art est présent partout y compris dans les toilettes.
- (retour)↑ « La Place » est une chaîne de restauration néerlandaise. Le nom est français car l’idée de gastronomie reste très française aux Pays-Bas.
- (retour)↑ Sorte de CD audio, livre lu, qui permet le réglage de la vitesse et propose le rappel de l’endroit où on s’est arrêté (jusqu’à 40 titres).
- (retour)↑ La signalétique est quasi inexistante. Elle a été pensée par un cabinet de créateurs suivant les directives de l’architecte qui a interdit formellement d’ajouter quelque information que ce soit et menace de procès la moindre intervention en ce sens.
- (retour)↑ L’idée vient de la bibliothèque municipale de Reims : étiquettes « Fâché avec la lecture ».
- (retour)↑ www.newhorizons.org/strategies/mi/front_mi.htm
- (retour)↑ La bibliothèque des 100 talents est un concept élaboré avec et par des enfants pour l’aménagement et la conception d’une bibliothèque pour la jeunesse. www.adbdp.asso.fr/spip.php?article438
- (retour)↑ C’est à la demande de mères anglaises et américaines que cette opération a pu être réalisée. Cela existe depuis plusieurs années et est dû à la présence d’une communauté anglo-saxonne importante.
- (retour)↑ Version restauration rapide du restaurant du dernier étage.
- (retour)↑ Pour le prêt, il est nécessaire de se rendre au siège de l’association.
- (retour)↑ Anglicisme mêlant les termes information et entertainment (divertissement).
- (retour)↑ Scène ouverte de 10 min par personne, animée par un présentateur.
- (retour)↑ Présentation sur scène des premiers écrits et premières publications.
- (retour)↑ Équivalent des catégories C.
- (retour)↑ Équivalent des catégories B.
- (retour)↑ La durée hebdomadaire légale de travail aux Pays-Bas est de 36 heures. À La bibliothèque d’Amsterdam, le personnel alterne une semaine de 32 heures et une semaine de 40 heures avec des horaires de 9 h à 18 h et 10 h à 18 h 45, auxquels s’ajoutent deux horaires de nuit/semaine (13 h 15 à 22 h).
- (retour)↑ Équivalent des catégories A.