Les outils du web 2.0 en bibliothèque

Vivian Thérèse Mathiot

Le 25 juin dernier à l’institut universitaire de technologie de Dijon se sont tenues deux tables rondes organisées par Bibliest * (centre de formation aux carrières des bibliothèques) sur les outils du web 2.0 en bibliothèque.

Histoire et définitions

Le terme web 2.0 fut inventé par Tim O’Reilly en 2004. Si le web représente un ensemble de services accessibles par internet dès 1990, il s’est récemment enrichi de nombreuses autres fonctionnalités permettant aux usagers d’apporter leurs contributions : blog, tag (étiquette décrivant le contenu d’un objet), wiki (système de gestion de contenu dont les pages sont construites par des visiteurs autorisés), mashup (agrégation d’éléments provenant de sources différentes sur une même page), fil RSS (système de diffusion des mises à jour d’un site)… Le concept de « bibliothèque 2.0 » (Library 2.0) fut inventé en 2005 par Michael Casey (blog LibraryCrunch) : la bibliothèque 2.0 est fondée principalement sur des attitudes d’ouverture sur le public. Frédéric Bidegain, ingénieur informatique au SCD de l’université de Bourgogne, s’est attaché à expliquer comment fonctionnent ces nouveaux outils, tandis que Françoise Prouvoyeur (université de Paris-V) a évoqué le passage du web 1.0 au web 2.0 en insistant sur la nécessité de s’appuyer sur la maturité des services du web 1.0 en bibliothèque (ex. le Sudoc). Pour elle, les apports du web 2.0 sont surtout sociaux.

Applications du web 2.0 pour les professionnels des bibliothèques

Thomas Chaimbault (Enssib) préconise un large emploi des fonctions web 2.0 pour mettre à profit l’intelligence collective. Les outils du web 2.0 sont des moyens de remplir nos objectifs et nos missions. La nouveauté c’est que l’usager devient un acteur dans la gestion des contenus par rapport aux collections (par ex. avec les tags) et aux services (par ex. avec les fils RSS). L’utilisation du web 2.0 repose sur la confiance et une attitude d’ouverture. D’ores et déjà il permet : d’enrichir les données, de valoriser les services, d’informer par fils RSS (sommaires de revues par exemple), d’informer sur l’actualité des bibliothèques et sur les manifestations professionnelles, de former les usagers et les professionnels et enfin de partager les ressources.

David Liziard, fondateur de Bibliopedia, a raconté la naissance de ce wiki et montré l’intérêt du travail collaboratif en ligne pour les bibliothécaires. Les contributeurs à Bibliopedia sont identifiés et, suivant le principe des wikis, peuvent modifier le contenu. Mieux que biblio.fr, Bibliopedia permet d’insérer du contenu « réactionnel », de consulter des articles et des comptes rendus, des listes (sites, blogs, tutoriels…) et des liens pour accéder à un grand nombre de sources.

Des questions qui se posent

Cécile Elwalid, documentaliste, s’interroge sur le rôle de médiateur des bibliothécaires (qui ne sont pas des informaticiens !). Trier l’information reste au cœur de nos métiers touchés par ces évolutions technologiques. Puisque le statut de l’usager a changé, qu’il est devenu aussi producteur, il faut garder à l’esprit qu’au départ, le web vise des buts commerciaux, ce qui n’est pas notre cas. La culture n’est pas une marchandise comme une autre. Donc devons-nous récupérer le côté « merchandising » ? Dans le contexte de la mondialisation, les enjeux économiques ne doivent pas être oubliés. Google est une entreprise. Quid de la pluralité ? (Il y a d’autres moteurs de recherche, et des métamoteurs). Quid de l’espionnage ou de la surveillance des usagers ? Le bibliothécaire doit pouvoir informer les usagers sur ces points.

Pascal Leray, bibliothécaire territorial, demande ce que change internet à la question culturelle aujourd’hui. À quoi ressemblera la culture de demain ? D’accord avec cette idée que le web 2.0 propose un espace d’échanges prodigieux en nous permettant de renouer le contact avec un certain public tout en modifiant l’organisation de notre travail, il propose une grille de lecture d’un site au moyen de cinq critères : le caractère documentaire, l’originalité, le caractère littéraire pérenne, la qualité des ressources documentaires proposées et le caractère interactif.

Pour ce qui est du droit, Xavier Polidoro, juriste, indique qu’avec le web 2.0, les risques d’enfreindre la loi (propriété intellectuelle et droit d’auteur) sont démultipliés. Entre autres conseils et précautions, il souligne qu’au regard de la loi, la bibliothèque (son autorité de tutelle) est responsable de tout ce qui est écrit sur son site y compris les apports des usagers (tags, forums…). D’où la nécessité d’une « modération », qui plus est rapide. Portons une attention particulière aux hyperliens qui peuvent intégrer des pages protégées par le droit d’auteur et sachons utiliser les guillemets quand nous citons. Les premières de couverture sont protégées par le droit d’auteur et leur reproduction soumise à autorisation. Enfin il est toujours utile de consulter le site Legifrance et de faire preuve de patience : le législateur ne peut pas répondre sur le champ aux besoins d’adaptation de la loi à in-ternet.

Pas de quoi paniquer, conclut Katell Gueguen (modératrice du Tour de Toile du BBF), le web 2.0 n’est pas compliqué à s’approprier car il s’appuie sur des structures intuitives. Les outils du web 2.0 génèrent un cercle vertueux où les propositions des bibliothèques engendreront une participation de plus en plus active des usagers. Les professionnels doivent veiller à la qualité des informations et des contenus insérés. Pour Thomas Chaimbault, le professionnel est plus que jamais un médiateur, et un médiateur averti. Tout en restant attentif à la sécurité par rapport à sa tutelle, son rôle est de proposer des services innovants et attractifs ; le web 2.0 le permet par son accessibilité accrue, pour les usagers comme pour les professionnels.