Éditorial

Yves Alix

Est-il abusif de considérer qu’en bibliothèque, tout usager est un chercheur potentiel ? Certes, il faut se garder de mettre sur un même plan les services documentaires à rendre, par exemple, à un doctorant, et la réponse à la demande ponctuelle d’information formulée par le lecteur d’une bibliothèque de quartier. Mais, dans les deux cas, ce qui doit déterminer la démarche des bibliothécaires, n’est-ce pas l’adaptation de la réponse à la question plutôt que la qualité ou les titres du demandeur ? « Il est légitime de ne pas répondre à tout, il est plus délicat de ne pas répondre à tous. » Cette remarque de David Benoist, dans l’une des contributions de ce dossier, est une manière de nous rappeler aux valeurs d’égalité du service public. Dans tous les cas, la qualité du service est fortement tributaire des outils employés. Or, à tous les niveaux, ceux-ci évoluent à une vitesse spectaculaire.

Le plus utilisé ? Un moteur de recherche devenu l’universel sésame de la connaissance : Google. Son omniprésence consacre la place d’internet dans la démarche de recherche, de la plus élémentaire à la plus sophistiquée ; sa domination remet aussi en cause les hiérarchies traditionnelles. Mais l’arbre cache un peu la forêt. Il est bien d’autres outils pour chercher, forer, trier, classer dans la connaissance. Le web 2.0 permet à l’usager une autonomie qui est à la fois une promesse de liberté et un piège pour la maîtrise du savoir. Aux bibliothécaires de relever le défi, en intégrant sans tarder ces avancées à leur proposition raisonnée de services. Livres électroniques, services en ligne, référence virtuelle, archives ouvertes, blogs, wikis, catalogues de nouvelle génération : autant de moyens de rendre un service plus adapté et plus réactif à la multiplicité des demandes. À la revendication de l’autonomie du chercheur peut répondre l’offre de collaboration de la bibliothèque, conçue et mise en œuvre par la communauté professionnelle. Les bibliothèques de l’Enseignement supérieur, fortes de cette culture coopérative, montrent déjà la voie avec l’archivage électronique des thèses, les protocoles d’archives ouvertes, et l’intégration dans les environnements numériques de travail.

À l’heure de la « désintermédiation », comment penser la place du bibliothécaire médiateur ? Le débat du BBF – que chacun est invité à nourrir, par exemple sur le site de la revue – veut relancer la réflexion, car cette question traverse toujours l’actualité des bibliothèques, qu’il s’agisse de former des lecteurs, de réduire la fracture numérique ou d’offrir à tous des voies d’accès à la connaissance. Les rapports récents sur l’avenir du livre et de la lecture, que Thierry Ermakoff analyse pour le BBF dans ce numéro, ne posent-ils pas d’ailleurs la question de la médiation des bibliothèques dans la défense du livre demain ?

Il faudrait, plus qu’une revue, une ou des journées d’étude pour traiter à fond tous ces sujets. Les conseils prodigués par Yves Desrichard seront plus qu’utiles à tous ceux qui voudraient en organiser. Ne cherchez pas plus loin : l’outil le plus neuf est ici.