La vidéo à la demande
Quels espoirs, quelles craintes pour les bibliothèques ?
Marie-Hélène Cazalet
Le 29 mai dernier, une rencontre s’est tenue au Centre Pompidou à l’initiative de l’association Images en bibliothèque : « La vidéo à la demande [VOD : Video On Demand] : quels espoirs, quelles craintes, pour les bibliothèques ? ». Son président, Emmanuel Aziza, après avoir signalé qu’une convention entre la Bibliothèque publique d’information et Images en bibliothèque avait été signée en avril 2007, posa d’emblée la question du rôle que les bibliothèques peuvent jouer dans la VOD.
Quelques précisions sur la VOD
Corysande Bonnin, chargée de mission pour la VOD au Centre national de la cinématographie, donne une définition claire : la VOD est le moyen d’accès, via internet, à des fichiers vidéo payants ou gratuits (payés par la publicité sur internet). Ces sites internet peuvent être consultés soit sur un écran d’ordinateur, soit sur un écran de télévision par un câble de raccordement, grâce à l’IPTV (télévision par internet), l’ADSL, et une set-up box (livebox, freebox…), sur les chaînes ADSL où il est possible de louer un film dont le coût est imputé sur la facture de l’abonnement.
Les fichiers sont proposés en téléchargement temporaire (1 mois ou autre durée) ou illimité (à vie). Aujourd’hui, la VOD est exclusivement proposée en location, de nombreuses protections sont activées pour rendre la copie impossible.
Plusieurs acteurs travaillent dans ce domaine mais n’ont pas les mêmes objectifs : les chaînes de télévision (contenus de la chaîne et hors contenu), les producteurs, les magasins spécialisés (Virgin, Fnac…), les éditeurs de vidéo « physiques » et loueurs (Éditions Montparnasse, Gloria…), de nouveaux acteurs (Vodeo…) et les fournisseurs d’accès internet.
Les tarifs de DVD physiques s’étendent de 9,99 à 20 €. Pour la VOD, ils sont de 5 € pour un film de nouveauté, 1 à 4 € pour un autre film, 1 à 2,5 € pour un film documentaire, et 0,50 € pour un dessin animé. Il s’agit là de location à l’acte. Des « packs » en test (SVOD) proposent un abonnement à des programmes (Vodeo pour 7,99 € par mois). La gratuité ne s’applique qu’à la catch up TV, où les programmes des chaînes de télévision sont disponibles pendant 7 jours, ou bien à la diffusion de programmes comprenant de la publicité, des clips en particulier.
Les statistiques sur la VOD sont difficiles à obtenir, pourtant des données générales se dessinent. La VOD par IPTV, passant par une « box », montre que la population ayant le haut débit gère une majorité des téléchargements VOD. La catch up TV marche bien. Fin mars, 1 612 films de cinéma ont été achetés, 44 % de films français, 34 % de films américains. Les pratiques montrent que les nouveautés sont les plus demandées. La consommation de VOD a doublé depuis octobre 2006, mais ce sont encore des petites pratiques. La France est le pays le plus consommateur de VOD en Europe. La VOD est un micro-marché en émergence.
VOD et collections en bibliothèque
Pour Yves Alix, rédacteur en chef du BBF, les interrogations sont multiples quant à la constitution de collections immatérielles via internet et à leur pérennisation. Les documents physiques sont remplacés par un accès à leur contenu, les bibliothécaires peuvent donc proposer des accès aux images aux usagers sous deux formes : à la bibliothèque et de chez eux, avec une offre spécifique. La consultation sur place semble cohérente mais l’incertitude sur la nature de l’offre et sur la désintermédiation demeure.
Il faut s’interroger sur le contexte économique et juridique, le contenu de l’offre et sa pérennité, ainsi que sur la difficulté de cette offre à exister, à se faire atteindre et voir.
La bibliothèque doit se positionner en termes de contenu, en offre complémentaire, alternative. Sera-t-elle capable de proposer une offre pérenne en numérisant certains documents, lesquels et comment, deviendra-t-elle un distributeur de documents tous en ligne ? Se pose également la question de la constitution des corpus, dans quels types de partenariat avec les producteurs et les fournisseurs ? Quel avenir pour une collection si tout est mis en ligne ?
La bibliothèque peut favoriser l’accès par son site (ou portail) gratuitement ou en offre de service, ou devenir l’éditeur et mettre en ligne une offre spécifique, exclusive pour les lecteurs.
Elle doit donc travailler une palette de services, sans sacrifier ni le service sur place, ni les supports (offre de niche), ni ses choix antérieurs, ce qui lui permettra de prendre toute sa place dans la VOD.
Panorama de l’offre existante et des modalités d’accès
Agnès Lanoë présenta la production d’Arte. L’offre VOD (accessible par Carel) contient aujourd’hui 900 programmes, qui reprennent uniquement ce qui a été diffusé sur Arte. La convention entre Arte et la bibliothèque municipale à vocation régionale de Troyes fut présentée. Deux modèles de convention sont possibles : la médiathèque peut ouvrir un compte et prépayer une somme forfaitaire (1 500 à 2 000 €) pour que ses abonnés aient accès à l’ensemble des programmes (avec une définition de quotas) via son site, ou payer pour un certain nombre de programmes et de licences qu’elle sélectionne.
Sophie Voisin présenta les activités de Vodeo, première plateforme de VOD, qui propose reportages et magazines avec des contenus de « niche », hors divertissement, des produits culturels et pédagogiques : 3 200 films en ligne, qui ne sortent pas en DVD. 97 % des produits en ligne ont déjà été achetés. L’achat se fait à l’acte (avec un login et un password), facile pour l’usager, avec un accompagnement technique. L’accès peut se faire par TV/ADSL, ou bien par sept top-box qui permettent de télécharger les programmes Vodeo. Une offre spécifique est proposée aux bibliothèques.
Catherine Blangonnet présenta ensuite l’offre spécifique de films documentaires de la BPI. En 2006, cette offre de 1 500 films (dont 700 ont été numérisés) est disponible gratuitement. Les notices en format Unimarc sont à disposition et de la meilleure qualité possible.
Louis Burle, directeur de la BMVR de Troyes souhaite, quant à lui, réfléchir en termes de service public, d’accompagnement, de collections et de services dématérialisés et de catalogues enrichis, pour constituer de véritables « communautés virtuelles » autour des collections dématérialisées. Sa parole libre témoigne de son engagement dans ce domaine qui dépasse les limites de la VOD pour aller vers une offre de service de collections dématérialisées globales sur tous les supports.