Qui a besoin des bibliothèques à l'heure de Google ?

Émilie Barthet

Amélie Church

Véronique Catanèse-Palanché

Alex Byrne, président de l’Ifla, sur l’invitation conjointe des élèves conservateurs et de l’Enssib, a tenu le 18 avril une conférence en anglais devant un auditoire nombreux. Le titre en était volontairement provocateur : « Qui a besoin des bibliothèques à l’heure de Google * ? ».

Le futur des bibliothèques à l’ère de Google

Dans un premier temps,  Alex Byrne a fait part de son point de vue sur le futur des bibliothèques à l’ère de Google, sur le développement considérable des ressources sur internet et le phénomène de la montée des réseaux sociaux grâce aux nouvelles technologies. Il a débuté son propos en affirmant que les bibliothèques n’étaient pas dépassées. Il a pourtant souhaité revenir sur la question que nombre de professionnels des bibliothèques se voient poser : mais pourquoi utiliser des bibliothèques puisqu’on a Google ? Au cours d’un exposé de deux heures et au travers de son expérience en tant que directeur de l’université de technologie de Sydney et d’exemples de bibliothèques à travers le monde, il a répondu à cette question, bien loin d’être simplement rhétorique.

Il a réaffirmé le rôle social des bibliothèques qui apportent l’information là où elle n’est pas, dans les campagnes, dans les petites villes. De plus, contrairement à l’accès à internet, elles sont souvent d’accès gratuit. Malgré l’émergence de l’extravagante quantité d’information sur le web, l’accès à l’information scientifique est coûteux et ne peut être rendu accessible que par le biais d’institutions, sans compter les fluctuations des informations qui les rendent difficilement localisables par chacun. Cet aspect contribue à définir un des nouveaux rôles fondamentaux des bibliothèques : l’Information Literacy, la formation à la maîtrise de l’information.

Cependant la concurrence est rude avec des outils d’accès libre et gratuit, créés par des usagers, comme Flickr ou YouTube. Ces nouveaux services contraignent les bibliothèques à proposer de plus en plus de nouveaux services pour conquérir de plus en plus d’usagers. Les bibliothèques doivent se poser la question de l’utilisation de ces nouveaux outils car le filtrage et la conservation du flot informationnel sont des enjeux des bibliothèques. Les outils comme Google ne sont pas neutres dans la mesure où ils font remonter des informations commerciales et fonctionnent pour ainsi dire comme un censeur. De même, l’accès aux images dépend également de l’indexation qui en est faite. Alex Byrne, invitant les bibliothécaires et les usagers à être vigilants envers ces outils, n’en constate pas moins la richesse.

Selon lui, la véritable révolution informationnelle réside dans la création de contenu par les usagers où un autocontrôle de la qualité de l’information est mis en place et où la validation est assurée par la communauté. De plus, les nouvelles technologies ont permis de créer un nouveau paradigme d’accès à l’information : rassembler des informations disparates, créer de l’interaction, un dynamisme. Ces technologies invitent les bibliothèques à répondre aux nouvelles attentes des usagers pétris par ces nouveaux usages. Pour être en adéquation avec ces besoins, la bibliothèque doit y répondre de manière immédiate, dynamique, interactive, permanente, prendre en compte les compétences informationnelles des usagers et leur proposer de nouveaux outils. Alex Byrne assure qu’il faut « procurer aux gens ce qu’ils veulent quand ils veulent », car les usagers veulent être au cœur de leur recherche d’information. Ces mutations amènent les bibliothèques à se positionner autrement. En proposant de nouvelles structures, des espaces virtuels et réels, en tirant parti de nouvelles technologies (comme la numérisation des collections). Mais les bibliothèques doivent, au-delà des technologies, changer d’attitude.

Collaboration internationale et Sommet mondial sur la société de l’information

La seconde partie de son exposé a porté sur le rôle important que joue l’Ifla, fédération internationale des associations de bibliothèques et de bibliothécaires, dans la collaboration internationale. Il a fait une présentation de l’Ifla organisée autour des trois piliers de cette organisation : la société, ses membres, la profession. L’Ifla compte 1 700 membres issus de 150 pays et représente 48 sections regroupées en 8 divisions. Alex Byrne a également rappelé le rôle de l’Ifla dans la diffusion de l’Information Literacy.

Dans une dernière partie, il a évoqué l’impact du Sommet mondial sur la société de l’information. Dans un contexte où les bibliothèques peuvent être prises pour cibles, le WSIS (World Summit of the Information Society) est une déclaration de principes pour faire reconnaître la place des bibliothèques comme vecteur de diffusion et de création de la connaissance et du multiculturalisme. Ce sommet s’insère dans les réflexions menées par l’Unesco. L’information et la communication et leurs infrastructures sont fondamentales pour l’émergence des pays. L’Information Literacy est cruciale dans des pays où les bibliothèques sont parfois les seuls espaces de liberté dans un contexte politique difficile. Elles favorisent la liberté de pensée et d’expression et donnent accès à l’information. Certains pays ont besoin d’espaces « saufs », à l’abri des conflits, où les populations peuvent apprendre et s’informer dans un climat de sécurité.

Il a enfin conclu sur les bibliothèques comme lieux de changements, à la fois pour profiter des nouvelles technologies et pour répondre aux nouvelles attentes du public (clients en anglais).

À une question de la salle, « Que faire à notre niveau, en tant que bibliothécaires, pour éviter la déconsidération des bibliothèques ? », Alex Byrne a répondu en exhortant à l’engagement dans des associations professionnelles, à un soutien auprès des collègues en vue de partager les compétences et les expériences. Enfin et plus largement à agir. Une deuxième question demandait : « Que faire contre Google ? » Alex Byrne a de nouveau souligné l’importance de développer l’Information Literacy. La question suivante traitait de l’avancée la plus importante au Sommet de Tunis en 2005. Ce sommet a affirmé qu’internet ne devait pas être entre les mains du seul gouvernement, que les pays riches devaient aider les pays pauvres pour leur donner accès à internet.