Bibliothèques et formation

Congrès de Biblioteche oggi, Milan, 2007

Sylvie Chevillotte

J’ai eu la chance d’être invitée, les 15 et 16 mars derniers, à la douzième édition du congrès italien organisé par la revue Biblioteche oggi 1, qui réunit chaque printemps à Milan des bibliothécaires de tous types de bibliothèques et de toutes régions. Initié par Massimo Bellotti, rédacteur en chef de la revue, ce congrès rencontre un succès grandissant puisqu’il réunissait 600 participants environ à ses débuts et qu’il comptait cette année 2 000 inscrits.

Il se déroule dans l’enceinte du Palazzo delle Stelline, un ancien couvent transformé par la suite en orphelinat et aujourd’hui centre des congrès, ce qui fournit un cadre de travail enchanteur. Le congrès regroupe également une exposition professionnelle importante et très fréquentée 2.

Outre les séances plénières, un certain nombre de sessions parallèles, en lien avec la thématique du congrès sont proposées au public 3.

À noter, une initiative intéressante – quoique contraignante pour les orateurs – la distribution de l’ensemble des communications en séance plénière à la fin de la séance (cela ne dispense a priori donc pas d’y assister). Les textes sont ensuite retravaillés et édités par Editrice Bibliografica, une maison d’édition spécialisée dans le domaine des bibliothèques l’année suivante. L’édition 2007 présente ainsi les actes du Congrès 2006 sur « La biblioteca su misura » : vers une personnalisation des services en bibliothèque.

Le congrès, cette année, revêtait une tonalité particulière car Milan étant la ville organisatrice du congrès de l’Ifla en 2009, plusieurs membres de cette association y ont été invités, notamment sa présidente élue, Claudia Lux, et le congrès a été l’occasion de sensibiliser les bibliothécaires italiens à cet événement.

Des éclairages stimulants et variés

Bibliothèques et formation, le sujet a été traité sous des angles différents. Il est à noter que l’organisation des séances plénières est immuable et bien rodée.

Le contenu était à la fois stimulant et varié. Le premier matin a été consacré à une présentation générale et graduelle du sujet : d’un exposé sur les bibliothèques dans la société de la connaissance et leur évolution par Claudia Lux, en passant par un tableau général et comparatif de l’Information Literacy par moi-même, pour conclure par un rappel des méthodes et théories d’enseignement par Anna Maria Tammaro, enseignante à l’université de Parme.

L’après-midi apportait un éclairage différent, avec une étude de l'Information Literacy dans les programmes des écoles américaines en sciences de l’information et des bibliothèques (Terry Weech, Urbana Champaign, États-Unis), un arrêt sur des définitions (apprentissage, enseignement, formation, alphabétisme, alphabétisation, etc.), les sentiments et inquiétudes que peuvent engendrer les bibliothèques chez les usagers ou encore le rôle du coach dans la formation…

Le second jour, la table ronde (tavola rotonda) organisée par le master international sur les sciences de l’information et des bibliothèques de Parme et Northcumbria, Grande-Bretagne, dans le cadre des sessions parallèles, était passionnante.

La formation des professionnels à l’Information Literacy

Le thème choisi de table ronde–discussion était celui de la formation des professionnels des bibliothèques, sur le sujet de l’Information Literacy. Quelles compétences doivent-ils acquérir ? Quel programme et quel type de programme leur proposer ? Le panel des invités était international puisqu’il réunissait un Américain, une Estonienne, deux Néerlandais, une Galloise, une Allemande et une Française, avec une présentation italo-anglaise.

La discussion se référait en partie aux préconisations et conclusions d’une publication faite en 2006 par l’École royale de Copenhague à l’issue d’un travail à distance puis en conférence plénière d’un groupe de représentants de différentes écoles en sciences de l’information et bibliothèques européennes 4. Les écoles ont déterminé 12 thèmes différents à enseigner aux futurs professionnels et, pour chaque thème, les compétences à acquérir.

SirjeVirkus, de l’université de Tallinn, a exposé les principales conclusions et questions soulevées par le groupe sur l’Information Literacy qu’elle coordonnait. Les brèves présentations qui ont suivi ont traité pêle-mêle des enseignements dispensés sur l’Information Literacy, de leur forme, contenus, objectifs ; plus largement de la place et donc de la formation des bibliothécaires y compris les bibliothécaires scolaires – oubliés dans certains pays – dans un monde en évolution.

Une question importante aujourd’hui est celle de la bibliothèque comme lieu de production éditoriale. Petra Hauke, de l’université Humboldt à Berlin a présenté un séminaire très original qu’elle anime, durant lequel les étudiants éditent un ouvrage. Leur travail suit toutes les étapes d’un travail éditorial : définition d’un sujet, contact des auteurs, suivi, correction des épreuves, et s’achève avec l’édition papier, en ligne et en Open Access. Il s’agit d’une démarche de pédagogie active où les étudiants apprennent réellement ce qu’est l’édition.

Les questions des participants ont été très diverses, allant de questions très pratiques : « Nous offrons des formations depuis des années, le personnel est convaincu de bien faire mais moi qui coordonne, je sais que nous pourrions faire beaucoup mieux, comment lui en faire prendre conscience ? » à : « Notre offre de formation est diluée, nous avons tout essayé mais personne ne vient », en passant par : « Les bibliothécaires sont-ils des enseignants ? Ne prennent-ils pas la place des enseignants ? », ou encore : « Comment évaluer les étudiants ? À partir des objectifs que se fixe le bibliothécaire ou l’enseignant ou à partir de leur niveau du début ? », pour conclure par la question : « Une formation peut-elle changer des comportements ? ».

Bref, une table ronde vivante, soulevant plus de questions qu’elle n’a apporté de réponses.

En conclusion, un congrès riche, très bien organisé tant d’un point de vue intellectuel que matériel et qui donne envie d’en savoir plus sur nos voisines, les bibliothèques italiennes, leurs projets et les défis auxquels elles sont confrontées.