Du blog au wiki

nouveaux outils, nouvelles ressources pour les bibliothécaires

Thomas Chaimbault

Après avoir dédié les interventions de la journée à la mémoire de Pierre-Yves Duchemin récemment décédé, Yves Alix rappela le thème de la séance en citant Gautier Poupeau : « Les blogs et les wikis remettent en cause les modalités de publication et de validation dans une société de l’information déjà transformée par l’apparition du web. La prise en compte de ces changements permet de mieux appréhender les apports de ces nouveaux types de publications et de comprendre leur ancrage dans le paysage du web 1. »

La première intervention de cette table ronde organisée par le BBF le 26 mars 2007 fut celle de Gautier Poupeau, qui revint sur une typologie et sur le fonctionnement des nouveaux outils du web. Wikis et blogs font ainsi partie de ce qu’on appelle le web 2.0, un terme inventé par Tim O’Reilly désignant une marque d’appropriation des outils web par les utilisateurs mais résultant de dix années d’évolution des outils et de convergence des différentes technologies.

Le premier wiki est inventé par Ward Cunningham en 1995. Son nom vient d’un mot hawaïen « wiki wiki » signifiant « rapide » et « informel » et désigne un site où tout le monde peut participer et modifier le contenu des pages ; mais le nom désigne également l’outil qui déploie ce type de site (comme MediaWiki, par exemple, à l’origine de Wikipédia) et le nom donné à la syntaxe utilisée sur ces sites. Un wiki, par sa construction dynamique de l’information, permet au site de proposer une information toujours fraîche. Il est l’outil idéal pour un travail collaboratif de type encyclopédique, documentaire ou portant sur la gestion des connaissances. En bibliothèque, un wiki peut être utile en tant que ressource proposée aux lecteurs (et la bibliothèque doit jouer là son rôle de validateur et de formateur à l’information) ; il permet aussi d’agréger de la documentation professionnelle ; et, enfin, d’intégrer les lecteurs en tant que communauté.

Réception dans la communauté professionnelle

Le second intervenant était Philippe Allard, formateur en Belgique, venu parler de la réception des blogs et des wikis dans la communauté professionnelle, à travers une enquête menée pour la revue professionnelle Lectures. Pour les professionnels de la communauté française de Belgique, les notions de web 2.0 et de bibliothèques 2.0 apparaissent vides de sens. Il existe une forte méconnaissance des notions et une absence de pratiques des outils.

Ainsi, l’outil wiki est-il occulté par le phénomène Wikipédia qui n’est pas sans susciter certaines méfiances notamment au niveau des questions de validation de l’information. De même, il vient rarement à l’idée des professionnels qu’ils peuvent devenir producteurs de contenus. Ainsi, les professionnels n’interviennent-ils pas sur le wiki BiblioTIC 2 qui recense des cours sur l’informatique des bibliothèques ; ils préfèrent répondre par courrier électronique.

Les blogs ne sont pas plus utilisés et il n’existe pas de biblioblogueurs belges à la connaissance de Philippe Allard 3. Un seul blog de bibliothèque a été recensé, qui présente les activités de l’établissement et des réactions de lecteurs. Ce manque d’implication est-il dû au poids de la tutelle, à la peur de la responsabilité nouvelle qu’engendrent les commentaires, et au côté chronophage du blogging ? Cette absence de pratique est d’autant plus désolante que le blog peut être un formidable outil de promotion et de communication et que l’effort n’en sera pas forcément plus important, les contenus existant déjà sous une autre forme (comme les coups de cœur par exemple).

Bibliopédia

David Liziard, le dernier intervenant, est à l’origine de Bibliopédia 4, un wiki professionnel créé en avril 2006 afin, au départ, de compiler des retours d’expériences (synthèses de biblio-fr, mémoires de l’Enssib), permettant de rebondir sur la liste de diffusion biblio-fr, sur Biblioforum et pouvant être alimenté par les bibliothécaires veilleurs, auteurs de sites personnels et de blogs.

Il ne s’agit pas d’un projet encyclopédique : on y parle de tout sans être exhaustif. Bibliopédia propose deux types de contenus : des listes de références (qui appellent plus facilement une participation de la part des lecteurs) et des articles rédigés sur des sujets précis. Des projets de rédaction collaborative peuvent être lancés mais il faut que ces derniers soient bien définis. Deux projets ont ainsi été lancés portant l’un sur les comptes-rendus du congrès de l’ABF et l’autre sur les archives ouvertes, initié par des élèves conservateurs.

Le wiki est important en ce qu’il permet des interventions ouvertes : un wikiste doit écrire des articles complétables et modifiables.  Aux États-Unis, les wikis sont utilisés par les professionnels (LISWiki 5, LibSuccess 6…) en tant que portail de ressources pour les usagers, comme intranet public. Ce furent d’abord des personnes qui avaient des compétences informatiques qui travaillèrent sur les wikis. Puis il y eut des initiatives personnelles (exemple : Wikipédia) d’individus à l’aise avec les notions d’identités en ligne, reprises ensuite par les institutions : ainsi l’American Library Association 7 offre-t-elle des hébergements de plateformes de blogs. Dans cet ordre d’idée, il pourrait être intéressant que l’Enssib crée à son tour un wiki.

Selon Philippe Allard, en effet, tout part des individus : déjà doit-on la création du web à des bénévoles et des militants. Et c’est sans compter sur une certaine « pression » du public pour obtenir de l’information en ligne.

Au moment des questions et du débat avec le public, Gautier Poupeau a précisé que la frontière entre journalistes et internautes devenait moins nette : blogs et wikis remettent en cause l’autorité du journaliste. Dès lors, on a besoin de plus en plus de professionnels de l’information pour aider à faire comprendre le modèle de validation a posteriori. Il y a dans ce cadre beaucoup de formations à faire.