Naissance d’une bibliothèque
Mars 1928 Paul Rivet prend la tête du musée d’Ethnographie du Trocadéro qui vient d’être rattaché au Muséum d’histoire naturelle.
Mai 1928, l’exposition « Les Arts anciens de l’Amérique », organisée par Georges-Henri Rivière, remporte un immense succès auprès des amateurs, scientifiques, artistes et collectionneurs.
Paul Rivet, éminent professeur d’anthropologie, souhaite remettre en état, moderniser et populariser un musée laissé à l’abandon. Il propose alors à Georges-Henri Rivière, ami des grands collectionneurs parisiens, proche des artistes d’avant-garde et organisateur d’une exposition qu’il a admirée, de le seconder dans ses projets de rénovation.
Été 1928, le vieux musée d’Ethnographie du Trocadéro (MET) commence sa métamorphose grâce à ce nouveau tandem.
Dès les débuts de son nouveau projet, Paul Rivet souhaite valoriser les richesses de la bibliothèque et mettre à la disposition des scientifiques des outils de recherche modernes.
« La belle bibliothèque du Trocadéro qui constitue un instrument de travail unique en France devra simultanément être inventoriée et remise en ordre. […] La bibliothèque du musée très riche va être remise en état grâce à la collaboration d’un bibliothécaire bénévole. […] Monsieur Rivet pense qu’il faudrait grouper dans un seul bâtiment les collections du Trocadéro, le laboratoire d’anthropologie du Muséum, l’institut d’ethnologie de l’Université de Paris et toutes les sociétés qui s’occupent des races humaines, avec juxtaposition des bibliothèques de tous ces organismes dont la réunion ferait un ensemble incomparable 1 »
Les archives révèlent que la modernisation et l’enrichissement de la bibliothèque sont dus à l’argent versé par les membres de la Société des amis du musée du Trocadéro. Les rapports d’activité du musée entre 1929 et 1937 indiquent que les bibliothécaires qualifiés de « personnel libre » sont toujours rétribués par des subventions privées et que les acquisitions d’ouvrages sont souvent dues aux dons financiers de particuliers.
Le 1er janvier 1929, c’est à Yvonne Oddon, bibliothécaire professionnelle, qu’on propose de remettre en état la bibliothèque du MET. Avec l’aide d’une adjointe et de nombreux stagiaires, elle commence le catalogage des collections.
« La bibliothèque a été dotée d’une bibliothécaire spécialiste, ancienne élève de l’école des bibliothécaires, qui a entrepris et sensiblement avancé le catalogue dactylographié sur fiches (système de la Library of Congress) : catalogue méthodique et catalogue alphabétique par auteurs et sujets. Un catalogue des doubles est également entrepris. […] Un don généreux a été fait par M. Pierre David-Weill qui mettra chaque année à la disposition de la Direction une somme importante pour achats de livres 2. »
Yvonne Oddon s’occupe également d’aménager un espace de travail pour les chercheurs. « Inauguration de la bibliothèque du musée d’Ethnographie (19 juin 1931). Mr Mario Roustan, ministre de l’Instruction publique et des Beaux-arts, a inauguré la nouvelle bibliothèque du MET au milieu d’un grand concours de personnalités scientifiques, administratives, artistiques et mondaines. […]
Bibliothèque : Elle est désormais installée de la manière la plus moderne et la plus pratique : rayonnages métalliques, 10 tables de lecteurs, meubles à cartes, réserves grillagées, dispositifs spéciaux pour les in-folio, etc. […] Elle abrite environ 8 000 volumes et peut encore en recevoir 6 000. Une vaste extension est prévue dans le couloir des bureaux (D12). Son fonds, s’il est encore loin d’être mis à jour, s’est enrichi (acquisitions massives des bibliothèques Delafosse, Bel, de Zeltner, échanges dus au Bulletin, très précieux dépôts du musée Guimet, achats, dons). Dépenses d’environ 200 000 frs entièrement dues à l’aide privée. Ouverte à tous les travailleurs 3. »
Après cette première ouverture au public, la fondation Rockefeller accorde à Yvonne Oddon une bourse pour faire un voyage d’étude aux États-Unis en 1934-1935. La mise en pra-tique des connaissances acquises lors de son séjour lui permet de participer pleinement à la transformation du MET qui devient le musée de l’Homme en 1937.
« Mlle Oddon, notre bibliothécaire, a séjourné aux États-Unis du 1er novembre 1934 au 1er août 1935. […] Mlle Oddon s’est efforcée, dans cette étude méthodique, de trouver une solution aux problèmes que posent le fonctionnement et le développement de la bibliothèque du musée d’Ethnographie. Problèmes divers et complexes, tant en ce qui concerne son aménagement que son organisation intérieure : classification des ouvrages, brochures, cartes, photos, etc. : incorporation de nouveaux fonds acquis par le musée ; fonctionnement d’un service régulier d’échanges internationaux, etc.
Mlle Oddon a trouvé auprès de ses collègues américains une bienveillance et une compréhension qui lui ont permis, non seulement de réunir une importante documentation technique et bibliographique, mais encore de s’assurer, pour l’avenir, une précieuse collaboration. Divers échanges de bulletins et revues ont été négociés avec un grand nombre de bibliothèques. Plusieurs d’entre elles ont promis l’envoi régulier de séries, en cours de publication ou ont adressé au musée des ouvrages de tout premier ordre, qui ont permis de combler d’importantes lacunes dans les collections que possède la bibliothèque 4. »
Si la salle de lecture ouvre partiellement le 1er juillet 1938, l’installation définitive de la bibliothèque dans les nouveaux locaux se fait l’été 1939. Grâce au travail d’Yvonne Oddon, de son adjointe Mlle Allègre et de nombreux bénévoles, Rivet voit ouvrir, comme il le souhaitait dix ans auparavant, une bibliothèque moderne et cohérente pour les chercheurs et ouverte à tous : « Au quatrième étage du Pavillon, la salle de lecture sera accessible au moyen d’un ascenseur partant du vestibule d’honneur. Une “chaîne” de bureaux permettra aux bibliothécaires d’accomplir leur tâche avec méthode. Grâce à des magasins dont la capacité dépasse 200 000 volumes, plusieurs bibliothèques, jusqu’ici dispersées, pourront être réunies : Laboratoire d’anthropologie de l’Université de Paris, Institut français d’anthropologie, Société préhistorique française, Société des Américanistes, Société des Africanistes 5. »