Administration et bibliothèques

par Raymond Bérard

Yves Desrichard

Paris : Éditions du Cercle de la librairie, 2006. – 400 p. ; 24 cm. – (Bibliothèques)
ISBN 978-2-7654-0934-2 : 42 €

Marie-Thérèse Jarrige et Jean Péchenart ont publié en 1996 la 2e édition de ce titre devenu un classique *. C’est dire si une nouvelle édition était attendue depuis longtemps : malgré ses qualités, les nombreuses réformes administra-tives intervenues depuis cette date l’avaient en effet rendu caduc sur bien des points. La filiation entre l’édition rédigée par Yves Desrichard et les précédentes est flagrante : clarté de l’exposé, précision du plan, index et sommaire détaillé font de cet ouvrage un outil où la recherche d’une information précise est rapide et aisée : sont ici regroupées sous une forme pratique et ordonnée les principales dispositions législatives et réglementaires qui régissent les bibliothèques françaises.

La facture de l’ouvrage est classique, allant du général au particulier : un rappel du cadre juridique et institutionnel (français et européen), suivi par une présentation des administrations centrales (qui inclut un panorama des principales bibliothèques, de leur statut et de leur organisation), par des notions essentielles sur les fonctions publiques et le personnel et enfin par un volet budgétaire.

La difficulté à laquelle est confronté l’auteur d’un tel ouvrage (partagée par les auteurs des deux éditions successives), c’est de définir où commence l’administration des bibliothèques. Il est certes impossible de comprendre le fonctionnement des bibliothèques sans les situer dans leur contexte institutionnel et sans rappeler les principes fondamentaux de l’organisation politique de notre pays qui fondent leur action dans la société française. Mais était-il vraiment nécessaire de consacrer 70 pages à l’organisation du droit français et européen ? d’expliquer la constitution de 1958, le fonctionnement de la Commission européenne, de la Cour de justice des communautés européennes ? Beaucoup d’informations contenues dans cette première partie sont indispensables, telles la différence entre un décret et une circulaire, les compétences respectives d’un préfet, d’un conseil général, d’une région, etc. Mais les notions institutionnelles très générales ne sont-elles pas des pré-requis relevant plutôt d’un bon manuel d’instruction civique ?

De même, dans le chapitre sur les personnels, certains développements ne seront pas d’une utilité flagrante pour les professionnels des bibliothèques : c’est le cas notamment des trop longues explications sur les pensions civiles de retraite, la sécurité sociale des fonctionnaires et les différents types de prestations (de soutien familial, de parent isolé, d’accueil du jeune enfant, de présence parentale, d’éducation d’enfant handicapé…) ou encore sur les congés de formation professionnelle.

Par contre, on pourra regretter de ne pas avoir davantage de précisions sur les services interétablissements de coopération documentaire alors qu’après des années de repli, cette formule connaît un retour en grâce à la faveur des regroupements universitaires ; sur les personnels Itarf (ingénieurs, techniciens, administratifs de recherche et formation), dont rien n’est dit sur le mode de recrutement, très différent de celui des personnels des bibliothèques ; sur les contrats quadriennaux qui régissent depuis de nombreuses années les relations contractuelles entre les universités (et donc leurs SCD) et l’État et qui ne sont pas mentionnés ; sur la dotation normée qui détermine une part significative des ressources des bibliothèques universitaires et son mode de calcul ; sur l’évaluation des personnels qui constitue la grande innovation en matière de gestion des ressources humaines de la fonction publique d’État ; sur le budget des SCD où la confusion est entretenue entre la véritable révolution introduite dans le pilotage budgétaire des universités par Nabuco (Nouvelle approche budgétaire et comptable) et le logiciel du même nom, effectivement perfectible : il aurait fallu entrer dans un minimum de détail (définition d’un centre de responsabilités, d’une destination) ; sur le régime indemnitaire des personnels de bibliothèque, notamment des conservateurs et conservateurs généraux, décrit de façon lacunaire ; sur le statut des moniteurs étudiants qui jouent un rôle important dans l’extension des horaires d’ouverture des BU ; sur la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg dont la prestigieuse histoire et le statut si particulier – la difficile adaptation à la réalité administrative française d’une institution allemande – eussent mérité quelques lignes supplémentaires.

On relèvera encore quelques erreurs factuelles : ainsi, l’introduction du chapitre 4 (bibliothèques et archives) semble se trouver là par erreur et concerne vraisemblablement le chapitre 6 (les personnels) ; sur Couperin : l’idée d’un statut de groupement d’intérêt public (GIP) a été abandonnée. Quant aux ressources humaines du consortium, elles ne reposent pas seulement sur le bénévolat puisque trois postes y ont été affectés par le Ministère.

Ces quelques lacunes et erreurs n’enlèvent rien au grand mérite de cet ouvrage qui constitue un outil très pratique pour trouver rapidement des informations fiables sur l’administration des bibliothèques, notamment sur les statuts des personnels, présentés de façon très détaillée. Sa volonté d’exhaustivité en fera un instrument très utile pour la préparation aux concours même si on peut regretter qu’il soit trop détaillé sur le cadre administratif général et pas assez sur celui des bibliothèques.

Yves Desrichard s’est attaché à mettre à jour tous les textes récents dont certains étaient encore en cours de discussion lors de sa rédaction, comme ceux sur la réforme de la formation dans la fonction publique territoriale ou sur la fusion de certains corps. Car c’est un des handicaps de ce type d’ouvrage à l’ambition si vaste : si riche en informations qu’il est exposé à une rapide péremption.