Culture en prison : où en est-on ?
Actes des rencontres nationales
Fédération interrégionale du livre et de la lecture
ISBN 2-915327-21-1 : 22 €
Où en sommes-nous de l’action culturelle en milieu pénitentiaire, vingt ans après le colloque de Reims ? Cette question a été au centre du débat qui a réuni quelque 400 personnes pendant deux journées dans le centre dramatique national Drôme Ardèche lors de rencontres nationales organisées conjointement par les ministères de la Culture et de la Communication et de la Justice. Le livre, accompagné d’un DVD, édité par la Fill (Fédération interrégionale du livre et de la lecture) retrace dans leur intégralité l’importance et la vivacité des propos échangés.
Deux conférences, onze ateliers regroupés en quatre thèmes : « Architecture, espaces et territoires » ; « Les publics » ; « Les acteurs » ; « Le projet culturel », ont abordé les différentes problématiques liées à l’action culturelle en prison. La population carcérale est mouvante, la durée des peines, pour 30 % des détenus est inférieure à un an, et les situations individuelles sont fortement contrastées.
L’implantation d’un établissement pénitentiaire dans ou en dehors de la ville n’est pas anodine et infléchit la démarche d’action culturelle conduite en direction des détenus. Inscrite dans le paysage urbain, la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône devient un lieu d’expérimentation, les actions « dedans » ayant un lien avec les événements « dehors ». À Villeneuve-sur-Lot, il existe un lien historique entre la prison et la ville : le service culturel a pris l’habitude de tenir compte du centre de détention dans sa programmation. Il est vrai que la volonté politique est, dans ce cas, déterminante.
Les espaces culturels, à l’intérieur de la prison, sont liés à l’architecture des lieux, aux réalités et inflexions des politiques pénitentiaires en la matière. L’un des espaces le mieux aménagé est sans doute la bibliothèque : des collections suffisantes en nombre *, un accès libre permettant au détenu de fureter comme dans toute bibliothèque et un système de gestion souvent informatisé. Restent cependant les questions de la professionnalisation et de la formation des bibliothécaires. La disparition au sein des spip (services pénitentiaires d’insertion et de probation) des agents de justice a fait reculer le partenariat, la médiation, voire le fonctionnement régulier des bibliothèques. L’espace bibliothèque est identifié comme le socle des activités culturelles de la prison, et bien des initiatives viennent justement de ce lieu. Le partenariat avec les bibliothèques publiques n’est pas satisfaisant, puisqu’il n’existe aucun cadre contraignant et que des actions en direction des établissements pénitentiaires ne reposent que sur la bonne volonté des collectivités territoriales.
La question de la pertinence de l’action culturelle en milieu pénitentiaire est souvent posée. C’est en fait celle d’un rapport au monde renouvelé et non plus contraint, d’une perception autre qu’une simple réponse à la survie fonctionnelle. Inscrire l’action culturelle comme un droit reste un enjeu majeur de son développement et du sens qu’elle prend en détention.
Mais l’action culturelle et la participation à des ateliers d’expression artistique (musique, théâtre, etc.) peuvent entrer dans un processus de formation professionnelle et faire l’objet de validation des acquis (loi du 17 janvier 2002), ce qui motive d’autant plus les personnes incarcérées.
À la question « pourquoi intervenir en milieu pénitentiaire ? », les artistes répondent en parlant d’engagement personnel, de conviction, les structures culturelles de démarches s’inscrivant dans les chartes de mission de service public. Au-delà des motivations personnelles ou structurelles, les moyens, d’une région à l’autre, font apparaître des disparités. Les projets doivent être discutés et construits très en amont par les partenaires. La place et la liberté de l’artiste doivent se comprendre comme essence même de la réussite de l’action. D’où des processus contractuels exigeants et aussi rigoureux et précis que possible.
La valorisation et la diffusion des actions culturelles en milieu pénitentiaire sont soumises au droit (droit à l’image, droit à la propriété intellectuelle). L’anonymat n’est pas imposé, mais pour toute exposition, projection, édition, doit-on ou peut-on préciser que l’œuvre artistique a été réalisée en prison ?
La méconnaissance des expériences artistiques, d’un établissement à l’autre, est évidente. Ces journées de réflexion ont prouvé la nécessité d’une mutualisation des expériences interétablissements pour une meilleure valorisation, d’une création d’un réseau interne et partenarial pour tendre vers une même politique culturelle. Le ministère de la Culture et de la Communication pourrait ouvrir une fenêtre internet afin de permettre aux intervenants d’échanger leurs expériences.