Vers les sociétés du savoir
Paris : Unesco, 2005. – 237 p. ; 28 cm. – (Ouvrages de référence de l’Unesco).
ISBN 92-3-204000-X : 25 €
L’ignorance est-elle une fatalité ? Et une organisation mondiale telle que l’Unesco peut-elle prétendre inverser le rapport de force entre d’une part un Nord riche de contenus et de technologies d’information, et d’autre part un Sud démuni des outils les plus nécessaires, comme l’éducation ?
Vaste sujet, traité dans ce rapport qui donne à voir en dix chapitres un monde meilleur de la culture, fondé sur l’accès au savoir et à la connaissance.
Voire. Cette vision d’une thébaïde mondiale multiculturelle et « savante » est moins convaincante que la description précise des carences des systèmes actuels et des enchaînements de cause à effets, lesquels génèrent effectivement des inégalités fortes.
Les idées-forces assemblées dans une bonne démonstration de ce qu’on peut imaginer être aujourd’hui une société de l’information permettent de dérouler un argumentaire qui nous amène – du coup – à réviser deux de nos certitudes :
- la fracture est moins numérique que cognitive, et ce constat entraîne (devrait entraîner) de profondes modifications dans les stratégies de développement social ;
- la démarche capitalistique autour du savoir (et surtout de ses sources) crée un déséquilibre grave qui prive les plus pauvres de savoirs vitaux : médicaux ou agronomiques par exemple.
Le déroulement des dix chapitres suit donc un enchaînement intellectuellement séduisant. Sont explorés avec pertinence tous les champs liés à la connaissance et au savoir : éducation, enseignement, recherche, puis les rapports entre société et savoirs. Cette approche assez encyclopédique permet de camper le paysage mondial avec précision et notamment l’évolution de nos sociétés d’échange, au détriment des pays les moins favorisés économiquement.
Mais y a-t-il une ou plusieurs constructions possibles de la société du savoir ?
Le modèle proposé ici s’appuie fondamentalement sur l’enclenchement d’un cycle vertueux (voire idéal) basé sur l’éducation, pour atteindre une sorte de « success-knowledge society ».
Il faut reconnaître au rapport cette qualité de donner à voir la totalité de la problématique liée à l’accès au savoir et à la connaissance. Cette vision globaliste peut gêner – à juste titre – les tenants de l’action réaliste et des « petits efforts » qui fondent bien souvent les démarches d’accompagnement sur l’efficacité.
Ce qui appelle un paradoxe : les technologies de l’information se répandent aussi rapidement -qu’elles diffusent leurs contenus, mais seraient impuissantes à participer à l’avènement de cette nouvelle société. On a déjà entendu ce discours pour d’autres causes universelles (la santé par exemple).
Passer d’un bon rapport (un beau discours) à un plan d’action n’a rien d’une sinécure, et on peut être à juste titre effrayé par le vertigineux effort demandé à la communauté internationale. Mais combattre l’ignorance avec les idées héritées du siècle des Lumières ne s’apparente-t-il pas à une quête vraiment occidentale, occultant les spécificités de continents entiers, autant sinon plus culturels que les nôtres ?
À noter : l’excellent travail réalisé sur les encadrés qui constituent autant de fenêtres sur le monde, ses pratiques, ses angoisses ; voir notamment le créatif indicateur de développement du savoir, mis au point par le ministère de l’Éducation, de la Culture, du Sport, des Sciences et des technologies du Japon (déjà tout un programme), sous la forme d’un… pot de fleurs…