Abonnements et abonnements électroniques
État des lieux et bonnes pratiques
Odile Grandet
Le 16 novembre 2006, sept organisations 1 œuvrant dans le domaine de la diffusion des savoirs organisaient en partenariat une journée intitulée « Abonnements et abonnements électroniques : état des lieux et bonnes pratiques ». Un an après la publication du vade-mecum 2, cette journée recevait la mission de faire le point sur la mise en pratique des recommandations.
D’emblée les questions pertinentes sont posées :
- du côté des bibliothèques, le problème inévitable du coût et de sa croissance ; l’absence de propriété tangible, et l’absence de choix au sein des catalogues ou bouquets ;
- du côté des agences, des appels d’offres jugés irréalistes et incompréhensibles ;
- du côté des éditeurs présents, l’électronique semble vécue comme une question de survie. Dans certains secteurs, les éditeurs n’hésitent pas à penser les archives en termes de « nouvel Eldorado ».
Aux questions posées je lierais celle soulevée par l’ultime intervenant, qui est celle de l’usage. Pour quoi ? Pour qui ? Pour quoi faire ? Cette interrogation qui n’était pas à l’ordre du jour en tant que telle ne peut être esquivée et aurait peut-être mérité une approche plus complète.
Les résultats des enquêtes diffusés à l’occasion de cette journée sont bien évidemment intéressants, même s’ils ne dressent que des paysages provisoires (« Panorama du marché des revues électroniques », par Patrick Fenouil, Lavoisier, Sniel) 3 ou des listes de vœux : des archives pérennes, la sélection des titres, une aide technique, etc. (« Les attentes des clients : états des lieux et bonnes pratiques », par Caroline Lopez, BnF, ADBS) 4.
Bibliothèques européennes
De façon très subjective, je m’attarderai sur deux contributions de cette journée.
L’intervention de Frédéric Blin (Sous-Direction des bibliothèques et de l’information scientifique) dresse un état des lieux de la mise à disposition des ressources électroniques dans les bibliothèques européennes 5. Outre l’intérêt que présente toujours l’information sur des modalités « exotiques », on trouve ici des pistes pour réfléchir. Ainsi, il existe en Europe des pays dans lesquels l’acquisition des ressources électroniques est traitée au niveau national : si l’exemple de l’Islande est forcément atypique, ceux de l’Allemagne (Elektronische Zeitschiftenbibliotek) et de la Grande-Bretagne (Suncat, Serials Union Catalogue) montrent qu’il existe en Europe des gouvernements qui se soucient de diffusion de documentation électronique : ces exemples proches s’appuient sur une structuration nationale du paysage documentaire (Bibliothèque nationale et bibliothèques spécialisées par disciplines, par exemple).
La nécessité d’une prise en compte politique, au-delà de l’outil que représente un consortium, est une des leçons de ce panorama.
Trois mois plus tard, lors de la traditionnelle réunion annuelle des directeurs de bibliothèques universitaires, l’intérêt d’un traitement national des acquisitions de documentation électronique parcourra l’assemblée en une série d’allers-retours finalement ponctués par une promesse d’étude…
Je ne puis que recommander de parcourir la liste des sites signalés par Frédéric Blin à l’issue de son intervention, pour se faire une opinion sur la question : question qui risque de devenir sujet d’actualité et qui présente l’intérêt de résoudre ou détourner nombre de questions posées durant la journée, à l’exception, bien sûr, de celle de l’usage.
Indicateurs d’usage
La deuxième intervention sur laquelle je souhaiterais m’attarder est celle de Sabine Barral, à laquelle le ministère a confié une mission sur les indicateurs d’usage des ressources électroniques 6. On ne peut que se réjouir de l’existence d’une telle mission. Si l’enquête menée durant l’été 2006 auprès des établissements souligne l’intérêt de ceux-ci pour les statistiques, elle met aussi en lumière le fait que les statistiques fournies par les éditeurs ou agrégateurs sont hétérogènes, opaques et ne correspondent pas forcément aux besoins des établissements. C’est une nécessité de standard qui se fait jour à travers en particulier la demande d’homogénéité.
Le système Counter (Counting Online Usage of Networked Electronic Resources) 7 mis en place dans un certain nombre d’établissements, à défaut de prévenir l’ensemble des défauts listés ci-dessus, est présenté comme un socle possible pour la construction de standards et l’élaboration de codes de bonnes pratiques. Mission en cours… dont nous attendrons avec impatience les résultats « définitifs ».
Drôle de journée d’étude au final : la mission confiée, faire le point sur les recommandations de bonnes pratiques, a été peu abordée, ou de façon décalée. Mais les enquêtes sont venues nourrir la réflexion et les questions abordées dans les deux interventions commentées ci-dessus ont refermé le cercle : eu égard à la place prise par la documentation électronique, c’est le lieu même de la négociation qui doit être repensé.
On pourrait presque penser qu’il ne restera bientôt plus aux bibliothécaires et éditeurs qu’à sélectionner des titres et mesurer des usages !