Images en bibliothèques

Bilan et perspectives à l’heure du numérique

Emmanuel Aziza

L’association Images en bibliothèques, créée en 1989, a pour vocation de valoriser les collections cinématographiques et audiovisuelles, d’œuvrer pour la reconnaissance d’un savoir-faire collectif et d’animer le réseau des « bibliothécaires de l’image ». Elle propose des formations (privilégiant la connaissance du documentaire), favorise la diffusion de l’information professionnelle et établit chaque année, avec la BPI, une sélection de films documentaires. Depuis 2000, elle coordonne le Mois du film documentaire, manifestation d’ampleur nationale. Bien que soutenue, l’association dispose de moyens modestes face aux enjeux du numérique, notamment ceux liés à l’offre de contenu et à l’action culturelle.

The association “Images en bibliothèques” (Pictures in Libraries), created in 1989, has as its vocation to enhance film and audiovisual collections in libra-ries, to work for the recognition of collective knowledge and to vitalize the network of “picture librarians”. It offers training (privileging knowledge of documentary films), encourages the diffusion of professional information, and establishes every year, with the BPI, a selection of documentary films. Since 2000, it coordinates the Month of the Documentary Film, an event of national importance. Although the association receives support, its means are modest faced with the gamble of digitization, notably those linked to the offer of content and cultural activity.

Die 1989 gegründete Vereinigung für Bilder in Bibliotheken hat zum Ziel Film- und audiovisuelle Sammlungen aufzuwerten, sich für die Anerkennung eines gemeinsamen Know-how einzusetzen und ein Netz von „Bild-Bibliothekaren“ zu errichten. Sie schlägt Weiterbildungskurse vor (die Dokumentationskenntnisse begünstigen), unterstützt die Verbreitung von Fachliteratur und stellt alljährlich, gemeinsam mit der BPI, eine Auswahl von Dokumentarfilmen vor. Seit 2000 koordiniert sie den „Monat des Dokumentarfilms“, eine Veranstaltung mit nationalem Charakter. Obwohl von der öffentlichen Hand unterstützt verfügt die Vereinigung nur über bescheidene Mittel um den digitalen Herausforderungen zu begegnen, besonders in Bezug auf das Angebot von Inhalten und auf kulturelle Aktionen.

La asociación Imágenes en biblioteca, creada en 1989, tiene por vocación valorizar las colecciones cinematográficas y audiovisuales, obrar por el reconocimento de un saber-hacer colectivo y animar la red de « bibliotecarios de la imagen ». Esta propone formaciones (privilegiando el conocimiento del documental), favorece la difusión de la información profesional y establece cada año, con la BPI, una selección de películas documentales. Desde el año 2000, ésta coordina el Mes de la película documental, manifestación de dimensión nacional. Aunque goza de apoyos, la asociación dispone de medios modestos frente a los retos de lo digital, sobretodo de aquellos ligados a la oferta y a la acción cultural.

L’association Images en bibliothèques 1 compte aujourd’hui 480 adhérents, principalement des établissements culturels dépendant de collectivités ou des structures associatives, mais également des bibliothèques universitaires. Elle a une triple vocation : valoriser les collections cinématographiques et audiovisuelles, œuvrer pour la reconnaissance d’un savoir-faire collectif et d’une identité professionnelle, animer le réseau des « bibliothécaires de l’image ».

Elle encourage la réflexion sur la communication des œuvres, facilite les échanges interprofessionnels et le partage de l’information, et dispense des formations au plus près des besoins en compétences.

En coordonnant la mise en œuvre d’une action d’ampleur nationale, le Mois du film documentaire, l’association a élargi son horizon. Elle s’inscrit dorénavant dans une dynamique de partenariat avec d’autres acteurs de la culture et de l’éducation. Attentive aux mutations technologiques et juridiques et à leur impact sur les pratiques et les usages, Images en bibliothèques apporte aux vidéothécaires les éléments de réflexion et d’anticipation indispensables à l’évolution de leur métier.

Le bureau d’Images en bibliothèques

Président : Emmanuel Aziza, directeur de la médiathèque d’Issy-les-Moulineaux

Vice-présidente : Danielle Chantereau, déléguée générale de l’ABF

Trésorier : Georges Heck, délégué général de Vidéo les Beaux jours

Trésorière adjointe : Martine Dondeyne, déléguée générale d’Heure exquise !

Secrétaire : Marie-Hélène Désestré, bibliothèque municipale de Lyon

Secrétaire-adjoint : Jean-Luc Du Val, médiathèque de Lhomme

    La formation des « bibliothécaires de l’image »

    Le renforcement de la place de l’image animée dans les bibliothèques-médiathèques, aussi bien dans leurs collections que dans leurs animations, passe notamment par une reconnaissance du métier de vidéothécaire et donc par des formations spécialisées. S’appuyant sur un fort réseau d’adhérents en bibliothèques municipales, départementales et universitaires, Images en bibliothèques développe une offre de formations associant des spécialistes du monde du cinéma et de l’audiovisuel à des intervenants ayant une solide expérience de terrain, chargés de gérer et de valoriser les collections. Outre les stages organisés directement par l’association ou en collaboration avec d’autres organismes, majoritairement le Centre national de la fonction publique territoriale, Images en bibliothèques peut également monter des formations sur mesure pour les bibliothèques et les institutions qui en font la demande.

    Le programme de stages s’appuie sur une démarche engagée depuis 1998 : en consolidant notamment des thématiques telles que la création et la gestion des fonds audiovisuels, l’animation, le jeune public, la relation musique et image, le cinéma d’animation ou encore la valorisation des collections ; et bien sûr, en favorisant la connaissance du cinéma documentaire, que les bibliothèques ont plus particulièrement vocation à défendre compte tenu de sa faible diffusion en salles. Des stages sont ainsi organisés durant des festivals prestigieux : Cinéma du réel à la Bibliothèque publique d’information, Festival international du documentaire à Marseille, États généraux du documentaire à Lussas. Une meilleure appréhension des œuvres, des publics, des pratiques : telle est notre ambition pour les « bibliothécaires de l’image », qui doivent faire face aujourd’hui à une demande toujours croissante des usagers en DVD, tout en demeurant plus que jamais offensifs et exigeants dans leur offre culturelle, afin de susciter la rencontre entre le public et les œuvres.

    La diffusion de l’information professionnelle

    L’assemblée générale de l’association est traditionnellement partagée entre l’activité associative et une demi-journée de débat sur une thématique importante. Ce temps fort est désormais complété par des journées d’étude plus approfondies dans leur approche. En 2005, une journée sur le droit de projection de films a rassemblé plus d’une centaine de participants.

    En complément de la presse professionnelle et de la liste de discussion biblio.fr, Images en bibliothèque a développé deux outils de diffusion d’information. La liste de discussion videothecaires@imagenbib.com permet un dialogue entre tous les adhérents sur des préoccupations quotidiennes : recherches de films, réparations, montage d’une programmation, questions de droits, etc. En outre, La lettre d’Images en bibliothèques, bulletin de liaison des adhérents de l’association, paraît quatre fois par an sous forme d’un dossier complet sur différents sujets 2.

    Commission de sélection de films documentaires

    La Commission de sélection du catalogue national de films documentaires pour les bibliothèques publiques de la BPI 3, qui regroupe une trentaine de vidéothécaires, est animée par Images en bibliothèques dans le cadre de son partenariat avec la BPI (qui vient d’être formalisé et précisé par la signature d’une convention). Son objectif est de repérer, dans la production récente, les films qui, par leur qualité et leur intérêt, sont susceptibles d’être intégrés aux collections permanentes des bibliothèques avec des droits de prêt, de consultation et de projection publique. Trois cents films en moyenne sont ainsi évalués chaque année, pour une centaine sélectionnée. Images en bibliothèques assure notamment la circulation des copies auprès des membres de la commission et d’un cercle plus large de visionneurs, qui donnent un premier avis sur chaque film ; la gestion des fiches de visionnement partagées ; le secrétariat de la commission ; la prospection de nouveaux participants bénévoles.

    Le Mois du film documentaire

    Compte tenu du développement du cinéma documentaire depuis les années 1990 et parallèlement à celui des collections des bibliothèques, il fallait mieux faire connaître la diversité de leurs fonds et leur travail de proximité. En outre, la reconnaissance du film documentaire en tant qu’œuvre cinématographique demande des projections dans des lieux adaptés, salles de cinéma mais aussi établissements culturels et éducatifs suffisamment équipés. IMAGECette situation est à l’origine de l’idée du Mois du film documentaire/IMAGE, dont la première édition a eu lieu en avril 2000. La manifestation a tout de suite pris un rythme annuel et, dès 2001, le mois de novembre a été retenu comme la période la plus propice.

    Illustration
    Affiche du Mois du film documentaire 2006. Claude Grétillat/Contexte

    Les objectifs de l’opération sont de rassembler autour d’un événement national les structures (bibliothèques-médiathèques, salles de cinéma, centres culturels français à l’étranger, associations, prisons, hôpitaux, écoles d’art, de musique, d’architecture, collèges et lycées, etc.) qui diffusent les films documentaires, afin de favoriser la découverte d’œuvres de qualité portées par des auteurs et la rencontre entre les réalisateurs et le public. Nombreux sont les participants qui estiment que le Mois du film documentaire a des répercussions positives sur leurs fonds documentaires, comme l’augmentation des prêts, un intérêt développé de la part des emprunteurs, des demandes de projections régulières.

    Cette manifestation réunit près de 500 lieux participants, qui proposent des rétrospectives, des hommages, des discussions et des débats autour de thématiques multiples, reflet de la diversité du genre documentaire. Elle donne lieu à un bilan publié sous forme de brochure, complété par des exemples de programmation sur le site Internet de l’association, qui constitue pour les organisateurs une aide précieuse en vue de préparer l’édition suivante et de valoriser leur action auprès des décideurs.

    Afin de faire participer davantage le public des scolaires, collégiens et lycéens, au Mois du film documentaire, Images en bibliothèques a lancé en 2004 le projet « Rencontre avec le cinéma documentaire », grâce au soutien de la Délégation au développement et aux affaires internationales du ministère de la Culture et de la Communication. L’objectif est de permettre aux collégiens et lycéens de découvrir et apprécier le cinéma documentaire, grâce à des projections et actions de sensibilisation menées conjointement par les enseignants et les vidéothécaires, à travers les collections de films de la médiathèque. En amont, des formations mixtes bibliothécaires/enseignants, associant au besoin les responsables culturels, voire les élus, permettent de souligner les aspects essentiels des œuvres et de préparer la rencontre du réalisateur avec le jeune public.

    Quelles perspectives pour demain ?

    Sans vouloir verser dans le plaidoyer pro domo, Images en bibliothèques n’a pas à rougir de son travail très diversifié ni de son bilan souvent méconnu. Cependant, face aux enjeux actuels, l’association est inégalement armée.

    L’offre de contenus et le numérique

    Les formations d’Images en bibliothèques comportent un volet important sur la création et la gestion de collection, et donc sur le support DVD. Si celui-ci a encore un avenir relatif, sa disparition est programmée à plus ou moins long terme. Mais les contours de cette révolution sont encore trop flous, et entre-temps, les médiathèques continuent à ouvrir ou à développer une offre de services qui correspond à une forte demande du public – le prêt de DVD résistant mieux que celui du CD. En termes de développement et d’aménagement culturel du territoire, il serait dommageable de vouloir interrompre ce processus en attente de solutions alternatives encore lointaines.

    Au-delà de légitimes questionnements des professionnels sur le positionnement de la bibliothèque par rapport à la vidéo à la demande (VOD) et sur la dématérialisation du contact avec l’usager, l’expérimentation de la médiathèque de l’agglomération troyenne avec Arte ouvre des perspectives passionnantes. Mais elle se fonde sur des tarifs qui sont loin d’être avantageux – alors qu’ils émanent d’une chaîne de télévision publique – et elle témoigne de l’âpreté des pourparlers à venir avec les fournisseurs de VOD, publics ou privés, afin de mettre en place une offre généraliste pour les usagers des bibliothèques, accessible directement de chez eux via Internet après inscription selon des conditions définies par chaque collectivité de tutelle. Images en bibliothèques n’entend pas se substituer à la négociation coordonnée par le consortium Carel (Consortium pour l’acquisition de ressources électroniques en ligne) 4 sous l’égide de la BPI, mais participer à la réflexion, en créant par exemple un groupe de travail avec les principaux fournisseurs des bibliothèques, qui préparent déjà chacun de leur côté une offre de VOD. Nos objectifs sont les suivants :

    • faire prendre conscience aux fournisseurs des réalités économiques, qui ne permettent pas aux bibliothèques d’amplifier leur budget d’acquisition consacré à l’image animée, alors même qu’elles devront faire face pendant une période indéterminée – mais qui pourra être assez longue – à la coexistence de deux modalités d’offres : l’une physique et sur place, l’autre numérique et à distance ;
    • plaider pour le maintien d’une diversité de l’offre de contenus en bibliothèques ou via les bibliothèques, du film d’animation de qualité au cinéma documentaire, en passant par le spectacle filmé, la série télévisée et le film de fiction (cinéma d’auteur comme grand public), afin que les bibliothèques-médiathèques ne soient pas considérées comme trop élitistes et puissent continuer à faire découvrir à leurs usagers d’autres œuvres à côté de celles qui vont les attirer plus facilement.

    L’action culturelle

    L’action culturelle – principalement autour des projections – est l’axe fort de nos formations comme de nos actions, en particulier par l’intermédiaire du Mois du film documentaire. Malgré la perspective des bouleversements numériques, on peut penser que l’animation autour du cinéma va demeurer une activité forte des bibliothèques, du fait de leur rôle plus général de passeur de contenus culturels. En matière d’images animées, ce rôle de passeur doit impérativement et constamment se positionner dans une offre pléthorique et un marché en mutation, où la télévision va continuer à occuper une position dominante, et où l’édition de DVD comme la VOD vont avoir tendance à écarter les contenus les plus à la marge ou les moins immédiatement vendeurs. En outre, cette mission doit intégrer la grande diversité des publics, et leur capacité à assimiler des quantités exponentielles d’images, sans forcément avoir toutes les clés pour les analyser.

    Images en bibliothèques travaille actuellement sur plusieurs objectifs :

    • à la demande du Centre national de la cinématographie (CNC), participer à la rédaction collective d’une charte de bonne conduite pour les bibliothèques, afin de limiter au maximum toute « concurrence » entre cinémas et lecture publique ;
    • élargir le cercle des visionneurs de la Commission de sélection du catalogue national BPI, afin que les besoins des bibliothèques et de leurs publics soient encore mieux pris en compte dans toutes les thématiques documentaires ;
    • renforcer et accroître les coordinations régionales du Mois du film documentaire, car elles sont les clés essentielles du développement de la manifestation nationale ;
    • dans le prolongement, rendre plus visible les programmations dans la presse régionale (écrite ou audiovisuelle), qui apparaît comme le meilleur relais auprès du plus large public.

    Des moyens suffisants pour ses objectifs ?

    Depuis sa création en 1989, Images en bibliothèques est fortement soutenue par le ministère de la Culture et de la Communication : en premier lieu par la Direction du livre et de la lecture pour l’ensemble des actions, rejointe en 2000 par le CNC pour le soutien au Mois du film documentaire puis par la Délégation au développement et aux affaires internationales (DDAI) pour l’opération « Rencontres avec le cinéma documentaire » à destination des lycéens. Parallèlement, ses actions de formation tendent à l’autofinancement et ses ressources propres (adhésions, mécénat) se développent, une stratégie de recherche de mécénat s’élabore.

    Néanmoins, son équipe permanente n’est composée que de trois personnes, dont une à mi-temps pour le suivi des formations. Même en ajoutant la participation bénévole des membres de l’association, ses moyens tant humains que financiers demeurent donc limités par rapport à l’ampleur de la tâche, comme pour d’autres organisations professionnelles.

    Il nous reste donc à espérer que son champ d’action pourra continuer à s’étendre et qu’elle pourra convaincre davantage de partenaires de son bien-fondé et de son dynamisme passionné et militant.

    Un contexte de plus en plus interassociatif

    Malgré ces incertitudes d’ordre matériel, la dynamique interassociative nous apporte aujourd’hui un regain d’optimisme, car nous savons que nous ne serons pas seuls face aux évolutions juridiques et techniques. L’interassociation Archives Bibliothèques Documentation (IABD) a montré l’efficacité d’une action collective pour défendre les intérêts du service public dans le cadre de la loi Dadvsi, en particulier avec les exceptions relatives à la conservation et la communication sur place. Nul doute que la sauvegarde des films – notamment documentaires – deviendra de plus en plus une préoccupation générale, au-delà des seules institutions spécialisées, d’autant que nombre de contenus édités sur VHS n’ont pas été repris en DVD ni numérisés, d’où un risque d’appauvrissement important des collections des bibliothèques publiques. Par ailleurs, Images en bibliothèques recherchera davantage à l’avenir à s’informer sur les expériences étrangères, par exemple par le biais de l’Ifla.

    Janvier 2007