Droit, œuvres d’art et musées

protection et valorisation des collections

par Noëlle Balley

Marie Cornu

Nathalie Mallet-Poujol

Nouvelle éd. revue et augmentée. – Paris : CNRS éditions, 2006. – 601 p. ; 24 cm. – (CNRS Droit).
ISBN 2-271-056374-4 : 39 €

Le statut juridique de l’œuvre d’art est complexe. Il touche à de nombreuses branches du droit – droit administratif, propriété intellectuelle, droit privé, droit des contrats, droit du patrimoine, droit fiscal… – et transcende la distinction traditionnelle entre droit privé et droit public. Depuis la première édition de cet ouvrage, parue en 2001, plusieurs textes importants sont venus modifier ce cadre juridique : la loi sur les musées de France, celle sur l’archéologie préventive, les textes sur le mécénat, la décentralisation culturelle, l’adaptation en droit français des directives européennes sur le droit d’auteur, la parution du Code du patrimoine. Faute de toute compétence juridique, et faisant volontiers confiance à l’immense savoir des auteurs, nous nous contenterons de quelques observations naïves.

La lecture de ce livre imposant, écrit par des juristes pour des juristes, demande un minimum de culture juridique… et une certaine motivation. Il répondra davantage aux questions des praticiens du droit qui veulent comprendre les pratiques des musées et faire le point sur une jurisprudence souvent contradictoire, qu’à celles du conservateur désireux de trouver des informations juridiques de premier niveau accessibles à un non spécialiste. Ainsi, par exemple, les nombreux développements consacrés à la nature des divers contrats relèvent d’un questionnement étranger à la plupart des gestionnaires de la culture.

Administrer, acquérir et protéger

Le plan s’articule en quatre parties disproportionnées. Une première partie, « Administrer », traite de la mission de service public des musées, tant publics que privés, et examine les différents statuts juridiques des établissements gérant des œuvres d’art.

La seconde partie, très longue puisqu’elle couvre près de la moitié de l’ouvrage, est intitulée « Conserver ». Elle aurait avantageusement pu être divisée en deux parties, « Acquérir » et « Protéger ». Elle examine en effet successivement les questions relatives au mode d’entrée des œuvres dans les collections publiques (aux développements attendus sur les libéralités, la préemption et la dation, s’ajoutent deux longs chapitres sur des sujets moins familiers aux bibliothécaires : les contrats de commande d’œuvre d’art et la question de l’authenticité de l’œuvre en vente publique), puis des modes de protection des œuvres : classement au titre des monuments historiques ou des trésors nationaux, attribution du label « musée de France », inventaire et récolement, lutte contre le trafic d’œuvres d’art. On regrette l’absence de toute allusion aux conventions internationales visant à la protection du patrimoine en temps de guerre ou en cas de sinistre. Elle traite enfin de leur restauration. Sont ici envisagées les questions de respect de l’intégrité de l’œuvre et du droit patrimonial de l’auteur, mais aussi du statut des restaurateurs et de la nature des contrats de restauration.

Exposer, valoriser

La troisième partie, « Exposer », est la plus déroutante pour le profane. Elle commence très étrangement par un long développement sur la propriété intellectuelle attachée aux travaux de recherche des conservateurs. Elle examine ensuite, de manière plus attendue, les contrats de prêt, la protection des collections muséales, les questions liées à la sortie du territoire national, avant de revenir au droit d’auteur, appliqué cette fois à l’exposition en tant qu’œuvre de l’esprit.

Enfin, la quatrième partie, « Valoriser », propose, sur les partenariats entre les institutions culturelles publiques et les éditeurs privés, le droit de l’édition traditionnelle et de l’édition électronique, un exposé très complet et très utile … que la loi Dadvsi (relative aux droits d’auteur et droits voisins dans la société de l’information), votée fort peu de temps après la parution du livre, a malheureusement en partie périmé.

Des bibliothèques peu présentes

Déséquilibré, ce plan apparaît aussi comme très confus, et amène à de nombreuses redites, qui sont souvent de simples « copiés-collés » de paragraphes antérieurs. L’index placé en fin de volume n’aidera pas vraiment le profane à se repérer : on y chercherait en vain les rubriques « vol », « recel », « trafic » ou « vandalisme », et il faut des réflexes bien aiguisés pour aller chercher le paragraphe consacré au trafic de biens culturels sous la rubrique « convention Unidroits »… La table des matières très détaillée, en fin de volume, rend donc de grands services.

On regrettera évidemment le peu de place laissé aux bibliothèques dans cet ouvrage, qui, collant au Code du patrimoine, traite prioritairement des œuvres conservées dans les musées, des monuments historiques, de l’archéologie préventive, et accessoirement des archives, mais n’accorde aux bibliothèques qu’une portion plus que congrue : 15 paragraphes sur 1 125 ! On y chercherait en vain une analyse du décret du 9 novembre 1988 relatif au contrôle technique de l’État sur les fonds patrimoniaux des bibliothèques, une réflexion sur la propriété des collections patrimoniales des bibliothèques universitaires, ou une analyse de l’inaliénabilité de collections publiques destinées au prêt et au retraitement ; à peine y trouve-t-on une brève allusion au dépôt légal.

Si le conservateur de musée trouvera dans cet ouvrage un instrument de travail indispensable, son collègue des bibliothèques y piochera des informations utiles, mais pourra se contenter de consultations ponctuelles.