Métiers, formations, statuts
Où en est-on ?
Florence Leleu
La journée d’étude de Médiadix du 18 octobre rassemblait une soixantaine de bibliothécaires de tous horizons autour de ces trois notions qui, à l’heure des directives sur la notation et sur l’évaluation des personnels de la filière des bibliothèques, agitent notre profession.
Fonction publique territoriale
D’emblée la question de la formation « métier » au sein de la formation initiale, est posée par Jean-Pierre Zanetti, membre du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT). La frontière entre la formation initiale et la formation continue tend à s’estomper.
S’appuyant sur le rapport Becuwe du 7 juillet 2004 relatif à la réforme de la formation professionnelle dans l’ensemble de la fonction publique territoriale (FPT), il n’hésite pas à scinder la notion de formation initiale : d’une part, la formation dite d’« intégration », plutôt de courte durée, à suivre dès la prise de fonction, pour une bonne appréhension des règles de la FPT, et ce quelle que soit la filière, et d’autre part la formation dite de « professionnalisation » liée au poste occupé et aux missions exercées, de durée variable, à effectuer lors de la prise de poste et au cours des changements de fonctions. Exit la formation d’adaptation à l’emploi au profit d’une formation étalée sur toute la carrière de l’agent.
Entre autres éléments intéressants dans le projet de loi concernant la FPT : l’idée d’un livret individuel de formation prenant en compte l’expérience professionnelle pour les concours internes. Plus attendue, l’évocation de l’organisation des concours propres à la FPT insiste sur la nécessité d’une réforme (plusieurs scénarios sont détaillés), qui clarifierait l’organisation en réseau des centres de gestion et son partage de missions avec le CNFPT. Les questions fusent sur les passerelles État/collectivités locales.
Formation des cadres de bibliothèques
En écho, l’intervention de Jean-Paul Metzger, directeur des études à l’Enssib, présente les réflexions et réformes en cours à l’École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques. « Partenariat » en est le maître-mot : avec l’ENS (École nationale supérieure), avec des écoles européennes, avec un réseau mieux structuré de bibliothèques plus impliquées dans la formation… Mais c’est surtout dans la création de modules communs au DCB (diplôme de conservateur de bibliothèque) et à de nouveaux masters que consiste la réforme : en tout douze modules communs tels que les politiques publiques, l’organisation des savoirs, l’accès aux savoirs, le traitement de l’information, l’offre de services, l’histoire du livre et des bibliothèques,… auxquels s’ajoutent des modules plus professionnels (pilotage stratégique, réinformatisation,…) et optionnels (administration des universités, administration territoriale, gestion des centres patrimoniaux) pour le DCB, l’idée étant de faciliter l’obtention du master aux cadres des bibliothèques qui devraient alors s’organiser pour suivre après leur prise de poste les modules des deux derniers semestres…
L’autre nouveauté porte sur la structuration de l’offre de formation continue, plus réduite et plus ciblée, avec des stages de trois à six jours mais aussi des cycles de douze à quinze jours qui permettraient d’obtenir, en cours d’activité, des « crédits » en vue de la validation d’un master. Là encore la frontière entre formation continue et initiale tend à s’estomper, allant jusqu’à proposer des modules de formation initiale en formation continue…
Quoi qu’il en soit, l’objectif affiché par tous reste de pouvoir peu ou prou faciliter et développer les mobilités entre fonctions publiques, y compris sur le plan européen, de repérer les transversalités des métiers et de pouvoir comparer les cadres d’emploi des fonctions publiques à l’aide de référentiels métiers.
Ville de Paris
Jean-Claude Utard (bibliothèques de la Ville de Paris), après avoir décrit, à travers la création des corps d’assistant de bibliothèque (AB), de bibliothécaire adjoint spécialisé (BAS) et de magasinier en chef jusqu’alors inexistants à la Ville de Paris et le reclassement des corps d’AAB (adjoint administratif des bibliothèques) et de BA (bibliothécaire adjoint) via des concours réservés, le processus de réduction par la Ville de Paris des disparités de statut de ses agents avec la fonction publique d’État, s’est attaché à confronter les notions métier/statut à partir du référentiel des métiers de la Ville de Paris. Démarche associative démarrée au printemps 2005 avec la société Kynos, nourrie d’interviews et du travail de groupes transverses, elle a abouti à l’élaboration de fiches « métier ». Ainsi les métiers des bibliothèques se retrouvent pour la plupart dans la famille « lecture publique et patrimoniale ». Y sont décrites les activités principales et secondaires, les outils de travail et les moyens techniques, les spécialisations, les conditions d’exercice, les compétences et savoir-faire, les facteurs d’évolution et les conditions d’accès et niveaux de diplôme. À la restitution des fiches fin 2005, c’est sur l’articulation métier/statut qu’est apparu le blocage…
Pensant éviter l’écueil, le répertoire interministériel des métiers de l’État (Rime), présenté par Bernard -Valentini, maître de conférences en sociologie à l’université Paris X, avait pour objectifs immédiats d’identifier avec précision les 230 emplois permettant à l’État d’assurer ses missions, de les valoriser, de favoriser la bonne allocation des ressources humaines et de permettre aux agents de passer d’un ministère à l’autre… in fine, d’effectuer un repérage précis des besoins en recrutement de l’État.
Réflexion transversale
La réflexion, transversale, associait des représentants des différents ministères et des représentants syndicaux. Elle excluait la notion de corps et de grade (donc de statut) pour ne retenir que le « domaine fonctionnel » (et par là les métiers), listant les emplois qui concourraient à la même fonction, l’objectif n’étant pas d’étudier systématiquement tous les postes de travail mais d’élaborer un outil de référence.
Le résultat fut la mise en lumière d’emplois tenus par peu d’agent (exemple : expert en risques majeurs et sécurité civile) et absence quasi complète du métier de bibliothécaire.
Centrée pour sa part sur l’univers des bibliothèques de la fonction publique d’État, Ghyslaine Duong-Vinh, membre de l’Observatoire des métiers et des compétences et directrice du SCD de Rennes I, distingue simplement les deux outils utilisés : Bibliofil’ 1 et Referens 2.
Avec des objectifs initiaux différents (Bibliofil’ pour une bonne gestion prévisionnelle des emplois et des compétences par la DGRH, Direction générale des ressources humaines, et une aide à l’évaluation via l’élaboration de fiches de poste par les responsables de bibliothèque ; Referens comme outil de recrutement, associant le statut des agents et les profils de formation initiale au poste dans la filière ITRF : ingénieurs, personnels techniques et administratifs de recherche et de formation), les deux référentiels se complètent.
Les groupes de travail élaborant Bibliofil’ réaffirment l’existence d’une filière bibliothèque distincte, dont les missions sont statutaires et les modalités de recrutement et d’évolution des carrières connues. Triple constat d’une forte identité professionnelle, d’une polyvalence dans tous les corps et de la nécessité d’avancer à l’aide d’une approche fonctionnelle (pour évacuer la question des corps et des grades). Huit emplois-types sont ainsi dégagés.
Pour Referens, créé en 1999, la nécessité de gérer de manière fine tant au sein de la DGRH qu’au sein des établissements, les emplois et les compétences (vagues de départ à la retraite, Loi organique relative aux lois de finances, dispositif d’évaluation) impose une remise à jour. Pour les agents des filières ITRF, ITA (ingénieurs, techniciens, administratifs) et ASU (administration scolaire et universitaire), la rédaction des fiches d’emplois-types devrait être terminée fin 2006. Là encore, la comparaison des corps des ITRF et des bibliothèques doit pouvoir être facilitée.
En conclusion, une journée sans débat houleux, malgré l’inquiétude latente du public quant aux finalités réellement poursuivies.