Les médiathèques des comités d’entreprise

Partenaires du réseau institutionnel de la lecture publique

Hélène Grognet

Le lundi 2 octobre 2006, a eu lieu à Châtellerault (Vienne) une journée d’étude organisée par l’Association des bibliothécaires français (ABF) Poitou-Charentes-Limousin : « Les médiathèques des comités d’entreprise partenaires du réseau institutionnel de la lecture publique ».

La matinée a été consacrée à la présentation de trois bibliothèques de comités d’entreprise (BCE) : Aker Yards (ex-Chantiers de l’Atlantique à Saint-Nazaire), Air France Industrie à Toulouse, et SNCF-Espace CE régional à Bordeaux. On note pour les dernières années, comme dans le réseau de lecture publique, une évolution vers la diversification des supports, vers une gamme variée d’animations… et des problèmes tout aussi récurrents : le manque de place faute de désherbage régulier, l’articulation entre travail interne et disponibilité pour le public…

L’après-midi a permis d’entendre des représentants de confédérations syndicales, lors d’une table ronde animée par Philippe Pineau, vice-président de l’ABF *. Ont pu ainsi s’exprimer autour de trois axes (le sens culturel et social des BCE ; la mise en œuvre des moyens d’existence des BCE ; l’engagement coopératif entre BCE et bibliothèques des collectivités locales) la CGT et la CFDT.

Différences et points communs

Pour coopérer, il faut d’abord se connaître, et apprécier les différences et les points communs. Les BCE répondent à une conviction politique : le travail donne du sens à la vie de chacun, l’émancipation du travailleur passe par la culture dans l’entreprise, c’est elle qui lui permet d’atteindre sa pleine dimension d’être social.

Autres différences pointées : les personnels des BCE sont en CDI (contrat à durée indéterminée), ils sont souvent porteurs d’une militance affirmée, la rotation est rapide, avec une périodicité courte dans les prises de décisions, alors que les bibliothèques de lecture publique sont dans la permanence, avec des élus présents plusieurs années, et des personnels statutaires. Portrait évidemment à nuancer : au-delà de la prise de position idéologique, les BCE rencontrent des difficultés et des interrogations qui sont bien les mêmes qu’en lecture publique. La fragilité induite par les baisses d’effectifs de salariés et la réduction des budgets ? Mais n’est-ce pas la même situation quand une collectivité perd la taxe professionnelle suite au départ d’une entreprise ? La BCE comme lieu privilégié d’écoute, de dialogue, d’échange d’information au-delà des contenus proposés ? Mais c’est aussi ce que revendiquent et constatent les petites et moyennes bibliothèques du réseau de lecture publique. La BCE comme bibliothèque de proximité, favorisant l’accessibilité à la lecture, à la découverte ? Mais que sont d’autres les bibliothèques des quartiers ou en milieu rural ? Les élus des comités d’entreprise ne sont pas toujours convaincus eux-mêmes de l’importance de la bibliothèque dans l’entreprise? Je laisse au lecteur le soin d’apprécier à quel point certains élus de collectivités peuvent être indifférents au sort de leur bibliothèque…

Quant aux interrogations, elles sont aussi partagées : autour des publics qui ne viennent pas à la bibliothèque, autour de l’adaptation au contexte. Si, en bibliothèque municipale, les questions se nouent autour de l’évolution des technologies et des industries culturelles, des modifications dans les pratiques culturelles, des évolutions démographiques, dans les BCE, elles s’articulent aussi autour de l’évolution du monde du travail : quelle place celui-ci a-t-il maintenant dans les représentations, comment tenir compte des prestataires, des intérimaires, de la place numérique grandissante des techniciens… ?

Vers un partenariat ?

A priori, rien ne s’oppose à des partenariats entre BCE et bibliothèques de lecture publique, partenariats bien compris entre des acteurs qui reconnaissent leurs spécificités mais s’entendent sur des objectifs communs. Après avoir rappelé qu’en Poitou-Charentes-Limousin, aucun partenariat n’existait entre les bibliothèques de lecture publique et les 35 BCE existantes, Philippe Pineau a rappelé les positions de l’ABF. Pour la lecture publique, l’intérêt du partenariat est d’arriver à toucher un public qui travaille, souvent peu présent dans les bibliothèques municipales, un public pour qui la BCE se situe dans un temps global travail/loisir, d’où un élargissement du réseau. Pour les BCE, il s’agit de rompre l’isolement, de préserver des espaces non marchands, de s’inscrire dans une permanence au lieu d’être soumises aux mouvements des entreprises.

La journée s’est terminée par une visite de la médiathèque Jean-Baptiste Clément du CE Thales Avionics de Châtellerault : preuve que les portes s’ouvrent…