Le programme national des médiathèques de proximité, les « Ruches »
Christophe Séné
Plus de 400 « Ruches », médiathèques de proximité en milieu rural ou péri-urbain, ont été construites depuis le début de programme en 2003. Leurs caractéristiques communes sont la qualité architecturale, une offre de services élargie (« bibliothèques hybrides »), et la mise en œuvre de nombreux partenariats institutionnels.
Over 400 “Beehives”, multi-media neighbourhood libraries have been built in rural or semi-rural areas since the launch of the programme in 2003. Their common characteristic is in the quality of their architecture, their enlarged services offer (hybrid libraries), and the setting up of numerous institutional partnerships.
Über 400 „Bienenkörbe“, Bibliotheken im Nahbereich, sowohl auf dem Land als auch in Stadtrandgebieten, wurden seit dem Beginn des Programms im Jahr 2003 errichtet. Ihre gemeinsamen Merkmale sind architektonische Qualität, eine Vielfalt von Dienstleistungen („hybride Bibliotheken“) und die Schaffung von zahlreichen institutionellen Partnerschaften.
Más de 400 “Colmenas”, mediatecas de cercanía en el medio rural o periurbano, han sido construidas desde el inicio del programa en el año 2003. Sus características comunes son la calidad arquitectural, una oferrta de servicios ampliada (“bibliotecas híbridas”), y la ejecución de numerosas asociaciones institucionales.
Engagé au premier trimestre 2003, le programme national de développement des médiathèques de proximité en milieu rural et dans les quartiers urbains périphériques, les « Ruches », occupe aujourd’hui un rôle de première importance dans l’aménagement culturel du pays et participe à la qualité de vie dans les territoires.
Une nouvelle génération de bibliothèques
Le programme-cadre élaboré par la Direction du livre et de la lecture ambitionne de promouvoir une nouvelle génération de bibliothèques d’une surface avoisinant les 500 m2, dans les territoires souvent dépourvus d’équipements culturels. Ce document préconise que les Ruches, bibliothèques nées de la volonté d’une collectivité maître d’ouvrage, conçues par un cabinet de programmation, des architectes et des bibliothécaires, s’insèrent dans les politiques culturelles de lecture publique tant intercommunales que départementales.
Les Ruches déclinent la notion d’accessibilité, à la fois du bâtiment à tous les publics, y compris handicapés, et des collections à tous types d’utilisateurs. Elles proposent des collections multimédias et des services en liaison avec les nouvelles technologies. Elles se distinguent par la présence, avec le soutien de l’État, de professionnels nombreux de la filière culturelle de la fonction publique territoriale qui assurent la médiation entre les collections, les services et le public.
Qualité architecturale
Ce programme volontairement présenté comme un cadre et non comme un modèle aux collectivités locales a généré depuis 2003 plus de 400 réalisations fort différentes les unes des autres mais qui toutes proposent, à partir des orientations indiquées, une image des bibliothèques en zone rurale et périurbaine.
La qualité architecturale est au rendez-vous du fait de la nécessité de l’élaboration d’un programme, du souci de lisibilité du bâtiment, de la qualité des aménagements et de la fonctionnalité des espaces. Elle s’exprime aussi bien dans la réhabilitation d’un ancien presbytère à La Chapelle-des-Marais, Loire-Atlantique (architecte Joël Gimbert, 2005) que dans la construction neuve d’un bâtiment ouvert sur la verdure à Saint-Seurin-sur-l’Isle, Gironde (cabinet 45e Parallèle, 2004). L’audace et l’innovation architecturales, conformes à l’ambition initiale du programme, constituent bien un des traits marquants des réalisations.
La recommandation visant à privilégier à hauteur de 42 % de la surface totale du bâtiment les espaces d’accueil et de services s’est traduite par la présence de salles d’exposition et d’espaces destinés aux tout-petits, mais aussi d’antennes administratives, touristiques ou sociales puisque nombre de Ruches sont intégrées à des bâtiments multiservices regroupant outre la bibliothèque, l’école de musique, une antenne de l’ANPE, l’office de tourisme…
Les espaces de prêt et de consultation des collections (46 % des surfaces dans le programme-cadre) s’enrichissent, à côté des rayonnages traditionnels de livres, de salles entièrement dédiées au son et à l’image avec bornes d’écoute et écrans de consultation ; des Espaces Publics Numériques, des cyber bases offrent accès à Internet et à des formations de tous types.
En outre, les Ruches développent une large gamme de services : portage de documents à domicile, organisation de manifestations littéraires ou culturelles (salon du livre, festival de cinéma…).
Bibliothèques hybrides
Les Ruches peuvent de ce fait être considérées comme des bibliothèques hybrides où se côtoient les activités et les publics de plusieurs champs disciplinaires, reflétant une conception de la bibliothèque élargie à de multiples services publics.
Les collectivités rurales se sont plus volontiers saisies du programme-cadre : près de 80 % des Ruches sont implantées dans les zones non urbaines au sens de l’INSEE (voir l’exemple de la Ruche de Meuzac). Les 20 % de Ruches appartenant aux territoires urbains ont été construites dans des villes de moins de 10 000 habitants (voir l’exemple de la Ruche de Languidic) ou dans les communes périurbaines des agglomérations moyennes.
Ce type de lieux multiservices se trouve en adéquation avec les attentes de la population : proximité physique des services, convivialité de l’architecture et de l’aménagement intérieur, large gamme d’activités parfois personnalisées…
Collaboration institutionnelle
Le programme des Ruches doit son développement dynamique à la collaboration de nombreux acteurs institutionnels.
Depuis 2003, le ministère de la Culture et de la Communication apporte aux Ruches des aides grâce aux crédits du concours particulier de la dotation générale de décentralisation pour les bibliothèques municipales et les bibliothèques départementales de prêt, auxquels se sont adjointes des mesures spécifiques permettant un appui dégressif à l’emploi ainsi que la constitution initiale des collections sur support numérique. Ces crédits permettent principalement de financer selon les régions à hauteur de 30 à 40 % de la dépense subventionnable, la construction, l’équipement informatique et mobilier de la bibliothèque. Chaque dossier est traité en Drac (direction régionale des affaires culturelles) et peut bénéficier de l’appui technique des conseillers pour le livre et la lecture.
Le ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire, via la Direction interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires, apporte de manière ponctuelle son appui et a permis notamment, entre 2004 et 2005, de soutenir spécifiquement des projets liés aux TIC (technologies de l’information et de la communication) dans près d’une cinquantaine de Ruches.
Les conseils généraux et leurs bibliothèques départementales de prêt participent activement au projet sous forme d’aides à l’investissement (construction, constitution des collections), de prêts de documents et de conseils. Les Ruches font notamment l’objet de conventions entre l’État et les départements, comme en Corrèze pour ne citer qu’un exemple, et s’inscrivent pleinement dans les plans départementaux de développement de la lecture.
À bien des égards, le programme-cadre des Ruches atteint ses ambitions : les élus locaux se saisissent de la construction d’une nouvelle bibliothèque comme d’une opportunité pour offrir des services étendus à la population et rendre les centres bourgs plus attractifs. L’architecture extérieure et intérieure des bâtiments, les collections papier et multimédia, les services multiples orientés vers différents types de publics ont pour objectif de proposer aux habitants des zones rurales et périurbaines un accès à la culture et aux TIC équivalent à celui dont disposent les habitants des zones urbaines.