Organiser, gérer, évaluer son activité

Journée d'information Afnor/CG46 du 8 juin 2006

David Faurio

Gildas Illien

La journée d’information Afnor (Association française de normalisation)/CG46 1 consacrée au records management et à l’évaluation et ses outils dans les bibliothèques a réuni à la Bibliothèque nationale de France environ 170 professionnels du monde des bibliothèques et des archives, mais aussi des consultants et des records managers.

Deux normes essentielles à la gestion documentaire

Deux normes relatives au records management et aux indicateurs de performance des bibliothèques y ont été présentées. Elles constituent des outils essentiels pour permettre aux bibliothèques et aux centres de documentation, comme aux autres organismes documentaires, d’atteindre leurs objectifs de qualité et de résultat.

Le records management vise à améliorer les activités et leur gestion par un contrôle permanent des documents et des données qui sont utiles à toutes les étapes de leur production, de leur conservation et de leur diffusion. Les indicateurs de performance aident à mesurer l’efficacité et l’efficience des services et des processus au regard des objectifs fixés et des moyens mis en œuvre. L’application de ces normes contribue ainsi à renforcer les responsabilités à chaque étape des procédures fonctionnelles, favorise la prise de décision, le pilotage par les dirigeants et la communication avec les utilisateurs.

Le records management : de la théorie à la pratique

Les interventions de la matinée ont présenté le records management dans sa conception et dans sa pratique. Les principes de la norme ISO 15 489 ont d’abord été rappelés par David Faurio, ainsi que les travaux conduits au niveau national par la commission de normalisation no 11 de l’Afnor 2. Ont été également présentés les travaux en cours au niveau international (sous-comité n° 11 de l’ISO), sur la conservation électronique, les métadonnées, l’accès, et la révision de la norme.

L’intérêt de sa mise en application a été illustré par deux exemples : celui du service des archives du Commissariat à l’énergie atomique, représenté par Delphine Fournier, et celui de la Bibliothèque nationale de France, représentée par Catherine Dhérent, chef de la mission pour la gestion de la production documentaire et des archives de la BnF. Chacune a présenté les outils mis en place, les difficultés rencontrées et les apports d’une norme qui permet d’étendre les pratiques de l’archivage à des domaines jusqu’alors réservés à la gestion documentaire ou à la qualité.

Deux interventions ont complété ces retours d’expérience : celle d’Aline Lobut-Mader (Lobut consultant), qui a exposé les risques encourus à ignorer le records management, et celle d’Olivier Solan (Direction des archives de France), qui a tracé les grandes lignes du programme gouvernemental sur l’archivage électronique, à travers un projet de norme.

Actualité de l’évaluation en bibliothèque

Les présentations de l’après-midi ont permis de faire le point sur l’évolution récente des normes et des pratiques d’évaluation des bibliothèques. Depuis la publication, en 1998, de la première édition de la norme ISO 11 620 Information et documentation ; indicateurs de performance des bibliothèques, les bibliothèques ont continué de se transformer et une culture professionnelle de l’évaluation s’est progressivement, quoique diversement, propagée. La démarche, généraliste et évolutive, proposée par la commission de normalisation CG46/CN 8 et présentée par son président Pierre Carbone vise ainsi à accompagner la modernisation des bibliothèques d’une actualisation régulière de l’appareil normatif afin que les outils proposés répondent aux préoccupations nouvelles, notamment dans le domaine de la documentation électronique. L’exposé des représentants des administrations centrales (Alain Colas pour la Sous-direction des bibliothèques et de l’information scientifique, Denis Cordazzo pour la Direction du livre et de la lecture) a cependant illustré la difficulté qui persiste à encourager et à fédérer ce type de démarche à l’échelle nationale. La BnF (Jean-Pierre Cendron) a de son côté présenté un exemple abouti mais difficilement transposable de sa propre démarche d’évaluation à travers l’action de sa Délégation à la stratégie.

Les initiatives nouvelles

Les rédacteurs de la nouvelle édition de la norme ISO 11 620 ont essayé de la mettre à jour en prenant en compte les besoins et les limites pointés par les professionnels ces dernières années. Afin de proposer un cadre d’analyse plus proche des situations de gestion, de négociation et d’arbitrage auxquelles sont confrontés les décideurs, la nouvelle édition de la norme propose d’abord une approche par familles d’indicateurs 3 et non plus par services ou activités de la bibliothèque. Elle offre ensuite de nouveaux outils pour mesurer les services électroniques et leur utilisation, qui constituent désormais un enjeu capital tant au niveau budgétaire que documentaire. Beaucoup des indicateurs proposés semblent malheureusement déjà dépassés compte tenu des rythmes différés de la production normative d’un côté, et du développement de l’offre comme des usages électroniques de l’autre (systèmes d’information documentaires, numérisation, e-learning, nouveaux services en ligne des bibliothèques…). Les outils de gestion et d’administration qu’offrent ces nouvelles applications constituent néanmoins une opportunité indéniable pour agréger des données plus nombreuses et plus fiables des usages électroniques.

Les limites

Outre l’électronique, il reste un grand nombre de choses que l’on ne sait pas bien compter dans les bibliothèques et qui appellent à un renouveau des études qualitatives : l’humain, la médiation, la formation et tous les usages autres que les transactions documentaires dénombrables nécessitent un renouvellement des pratiques d’observation, pour lesquelles les outils et les méthodes font trop souvent défaut.

Du point de vue des gestionnaires, et face à la multiplication des possibilités de mesure, réussir la démarche d’évaluation implique de n’utiliser que les indicateurs pertinents, qui peuvent être différents d’un établissement à l’autre. Cela n’est possible que si cette démarche a fait l’objet d’une appropriation bien comprise par les équipes des bibliothèques. Un équilibre reste donc à trouver entre la nécessaire collecte des statistiques au niveau national et l’encouragement de pratiques locales qui ne soient pas imposées mais qui répondent aux besoins effectifs de pilotage des bibliothèques.

Autant de perspectives qui appellent un effort de méthode et d’ingéniosité en matière d’interprétation – et pas uniquement de mesure.

  1. (retour)↑  Toutes les diapositives des présentations de la Journée :
    http://www.bnf.fr/pages/zNavigat/frame/infopro.htm
    Pour en savoir plus sur le record management :
    http://www.records-management.fr
    Le terme records management peut se traduire par « gestion des documents » (Canada) ou « management de l’archive ». Cependant, aucune traduction française ne fait l’objet d’un consensus pour l’instant (Ndlr).
  2. (retour)↑  Publication prochaine d’un guide français Afnor : 15 489 : la norme expliquée ; publication avant fin 2006 de la traduction française d’ISO 23 081 : Métadonnées pour le records management.
  3. (retour)↑  Quatre familles d’indicateurs ont été retenues dans cette nouvelle édition : ressources, accès, infrastructures ; utilisation ; efficience ; potentialités et développements.