Rencontres 2006 des professionnels de l'information scientifique et technique (IST)
Corinne Verry-Jolivet
Les deux thèmes de ces journées, organisées du 19 au 21 juin 2006 à Nancy, par l’Institut national de l’information scientifique et technique (Inist, rattaché au CNRS), en collaboration avec les principaux organismes de recherche français, ainsi qu’avec l’ADBS et le réseau des documentalistes du CNRS, portaient d’une part sur les archives institutionnelles et les archives ouvertes, d’autre part sur la veille stratégique, scientifique et documentaire.
Archives ouvertes
Sur la question des archives ouvertes, au cœur des préoccupations actuelles des organismes de recherche, plusieurs interventions très complémentaires ont permis de faire un état des lieux de la situation tant au plan national qu’au plan de chaque organisme. Débutant par une table ronde réunissant plusieurs représentants des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST), des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) et des universités, les débats ont éclairé le positionnement des établissements concernés sur des questions telles que la représentativité des recherches et des publications, évaluée par le taux de dépôt dans les bases, ou encore la motivation des chercheurs à déposer leurs articles et la question de l’obligation ou non de dépôt, enfin la validation scientifique des versions déposées et la place de la littérature grise. Certains organismes, comme le Cemagref, Institut de recherche pour l’ingénierie de l’agriculture et de l’environnement, sont assez avancés sur ces questions et pratiquent le dépôt obligatoire, d’autres, comme l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), ont un acquis dans la constitution des bases de publications et dans la collaboration avec les chercheurs, qui peuvent les aider à faire évoluer ces outils.
Dans la suite des interventions, Francis André, responsable de la prospective IST au CNRS, a exposé le projet Driver (Digital Repository Infrastructure Vision for Europe), projet européen de réservoir numérique multidisciplinaire, pouvant offrir des services de dépôt, d’archivage et de diffusion. Mais se pose la question du potentiel et des limites d’une approche commune (par exemple l’adoption de standards pour le libre accès) tout comme celle d’une fédération des réservoirs institutionnels existants ou d’une ressource nationale comme HAL (Hyper Article en Ligne) qui alimenterait une ressource européenne plus large.
Reprise par Franck Laloe, chargé de mission auprès du directeur du CNRS pour les archives ouvertes, la problématique d’une base nationale tourne autour des limites des archives institutionnelles, et amène à défendre en ce sens le projet HAL, compatible avec un « appui » institutionnel, et basé sur une structure de métadonnées qui puisse aller au-delà des standards habituels (en particulier pour ce qui concerne les mentions d’affiliation des auteurs). À noter qu’un accord inter-établissements sur les archives est en cours de signature avec le CNRS et l’ Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria), la conférence des présidents d’université (CPU), l’Inra et l’Inserm. Pour concrétiser l’évolution de la plate-forme HAL, Daniel Charnay, directeur du Centre pour la communication scientifique directe (CCSD) a expliqué comment, depuis 2001, HAL se construit à partir de la base PubliCNRS, quels contenus seront accessibles (pré et post-publications) et quelles seront les modalités de dépôt (niveau, format, validation, archivage à long terme). Les principales évolutions touchent aux normes d’interopérabilité, via OAI principalement, et aux interconnexions, avec ArXiv par exemple. Enfin, Jacques Ducloy, de l’Inist, argumentant sur la nécessaire réappropriation par la recherche de sa communication scientifique, a exposé le projet Artist (Appropriation par la recherche des technologies de l’IST) et les CRIS (Current Research Information System) en cours d’expérimentation dans le domaine de la biodiversité.
Veille stratégique, scientifique et documentaire
Concernant la veille, autre thème de ces journées, une série d’interventions et d’ateliers illustrant des expériences concrètes a permis de couvrir un domaine multiforme. De l’intelligence économique, fort bien présentée par Jérôme Nassar, représentant du haut responsable en charge de l’intelligence économique auprès du secrétaire général de la défense nationale, à la veille stratégique, la question en jeu est bien la maîtrise de l’information face aux nouveaux défis de l’environnement économique. Même si cet aspect est moins prégnant dans le domaine scientifique, il rejoint des préoccupations de la recherche dont les enjeux sont aussi bien le management et la qualité de l’information que les processus de décision, la surveillance des domaines émergents, l’expertise.
Ghislaine Chartron, responsable de la cellule veille à l’Institut national de la recherche pédagogique (INRP) de Lyon, a présenté la veille dans le contexte de la recherche en sciences humaines, et exposé de façon très didactique les points de jonction entre la veille documentaire et la veille scientifique. Elle a démontré la nécessité d’une transversalité dans le cadre d’une spécialisation accrue de l’activité scientifique, pour laquelle les documentalistes peuvent avoir un rôle actif et nouveau. La collaboration avec les chercheurs est sur ce point primordiale et représente une vraie valeur ajoutée. La question sous-jacente reste : faut-il créer une cellule de veille indépendante ou intégrer cette dernière à l’activité de recherche ?
Sur les produits de la veille, l’exposé de -Stéphanie -Guignard, de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), a montré l’intérêt d’un service de valorisation des connaissances rattaché à la direction de la recherche rassemblant tous les maillons de la gestion de l’information (mise en perspective, élaboration de synthèse, transformation d’une information « brute » en produit de valorisation…). À noter que ce type de structure mobilise un effectif relativement important et qualifié.
Dans un autre contexte, Marie-Colette Faure, de l’Inra, a rendu compte d’un dispositif de veille au sein du département Santé animale, dénommé Versa, et montré comment, en son sein, sont réunis les différents processus de veille (socio-économique, réglementaire, sanitaire…) pour une orientation des recherches et une aide à la décision.
La dernière partie de ces journées fut consacrée aux projets de veille à l’Inist, qui comporte à la fois des prestations (fixes ou ponctuelles) et une aide à l’analyse. La veille consiste à créer des outils de collecte, d’analyse et de diffusion. Le service lui-même comprend des documentalistes pour les recherches bibliographiques, une cellule de veille documentaire pour les profils, et débouche sur des produits tels que sites, bulletins ou synthèses.
En conclusion de ces rencontres, il ressort que, dans des contextes aussi variés, se dégage nettement une dimension commune, à savoir la nécessaire transversalité des activités d’IST dans le sens d’une collaboration accrue entre les acteurs de la recherche et les professionnels de l’information. Cela se vérifie en ce qui concerne les nouvelles modalités de publication, dans un contexte économique où l’édition traditionnelle change de visage, tout autant que dans le domaine scientifique où la compétitivité prime, et où l’expertise et le développement des produits documentaires sont une garantie d’excellence.