Bibliothécaires en prospective

par Marie-Noëlle Laroux

Jean-Pierre Durand

Monique Peyrière

Joyce Sebag

Paris : Ministère de la Culture et de la Communication, Département des études, de la prospective et des statistiques, 2006. – 197 p. ; 30 cm. – (Les Travaux du Deps).
ISBN 2-11-094283-5

Encore une étude * sur la crise d’identité et l’évolution du métier de bibliothécaire, direz-vous ! Sauf que cette fois, c’est une équipe de chercheurs spécialisés en sociologie du travail de l’université d’Évry-Val-d’Essonne qui ont cherché à évaluer les effets du changement sur la profession tout en observant les mouvements de résistance.

Quel est l’avenir des bibliothécaires ?

Depuis 1981 et les lois de décentralisation, avec l’arrivée de nouveaux publics et surtout des technologies de l’information et de la communication, quel est l’avenir des bibliothécaires ? Comment se sont-ils adaptés à cette nouvelle donne, particulièrement dans la fonction publique territoriale ? En six chapitres, les auteurs de cette étude essaient de dresser un panorama large, en partant d’une enquête de terrain dans neuf établissements et leurs annexes, complétée par une vingtaine d’entretiens d’experts aux profils très divers (inspecteurs, sociologues, etc.).

Le résultat donne un ouvrage fourmillant d’informations, aussi bien sur les écrits rédigés par les bibliothécaires eux-mêmes (la profession s’interroge beaucoup) que sur l’analyse du « cœur de métier ». Est-ce encore les collections ou le service au public qui motivent toutes les catégories professionnelles ? Chaque agent (contractuel compris) joue un rôle dans le fonctionnement d’une bibliothèque et ce faisant, impulse ou freine la dynamique. Face à la rationalisation du travail ou même l’externalisation de certaines tâches, les détenteurs de diplômes professionnels mettent en œuvre des pratiques défensives accompagnées d’une survalorisation du catalogage ou créent une « confrérie » des acquéreurs. Tout ceci sur fond de lutte symbolique pour préserver ses prérogatives face aux nouveaux arrivants largement diplômés.

Les transformations ne viennent pas seulement du travail mais surtout de l’évolution du public (multiplication par 2,5 du nombre de prêts). La profession ne peut rester insensible aux efforts des élus : multiplication du coût du personnel par 3 et des acquisitions par 5, construction de superbes bâtiments. D’ailleurs, les auteurs de cette enquête s’interrogent longuement sur la répartition des rôles entre l’élu, le manageur (ou le directeur de l’établissement) et la médiathèque (ensemble de services).

Quatre scénarios pour demain

L’une des thématiques régulièrement à la « une » de la profession occupe tout un chapitre : les concours, la formation et surtout l’organisation en catégories A, B, C : conflits identitaires, personnel sous-classé et promotions rares sont le lot de la plupart d’entre nous.

Pour y remédier, il est proposé de limiter les concours, de créer plusieurs listes d’aptitude à partir soit de diplômes professionnels, soit de diplômes de culture générale. Osera-t-on aller jusque-là ? C’est peut-être la solution pour éviter l’enfermement sur le métier ou sur le champ technique.

L’un des chapitres les plus innovants donne les perspectives d’évolution du métier à travers les services offerts, selon quatre scénarios : médiation sociale, hyper-consommation, fin des collections ou tout informationnel, numérique et décloisonnement. À chaque scénario, correspondra l’accroissement ou le déclin d’une catégorie d’agents. Mais il faut prévoir, à l’avenir, l’augmentation du nombre d’emplois peu qualifiés, l’arrivée de personnels hautement qualifiés comme des étudiants spécialisés, des « courtiers en information » (c’est déjà vrai dans les bibliothèques universitaires) et le développement de « bénévoles rémunérés partiellement » en milieu rural.

Fausses craintes ou futures réalités ?

Cet ouvrage trace des pistes passionnantes, parfois provocantes mais toujours bien argumentées.