Vie et miracles de saint Maur

par Pierre Guinard

Charlotte Denoël

avec la collab. de Patricia Stirnemann et Thierry Delcourt.
Paris : Réunion des musées nationaux ; Troyes : Médiathèque de l’agglomération troyenne, 2005. – 1 CD-ROM ; 12 cm.
19,95 €

Les Vies de saints forment un genre littéraire et artistique qui se développe entre le Xe et le XIIe siècle avec l’essor du culte des saints, grâce à l’influence bénédictine. Ces vies, souvent luxueusement décorées, sont contenues dans des manuscrits de petit format (libelli) et conservées, comme les reliques, dans les trésors des abbayes.

Cinq voies pour découvrir le manuscrit

C’est dans le scriptorium de celle de Saint-Maur-des-Fossés qu’est composé vers 1100 -1140 le manuscrit Vie et miracles de saint Maur aujourd’hui conservé à la médiathèque de l’agglomération troyenne (ms 2273), après être passé dans les collections des frères Pithou et du collège de l’Oratoire de Troyes. Le manuscrit de 128 feuillets est axé principalement sur les textes consacrés à saint Maur et rédigés par Odon de Glanfeuil au IXe siècle.

Maur, né vers 512 dans une riche famille romaine, entre au monastère du Mont-Cassin où il devient le disciple de Benoît de Nursie. Envoyé par celui-ci en mission en Gaule, il établit une communauté bénédictine en Anjou, sur les terres de Glanfeuil. Il y meurt en 584. Sa dépouille, précieusement conservée, accompagne les pérégrinations de la communauté à l’époque des invasions normandes, avant de se fixer au IXe siècle près de Paris dans l’abbaye qui prend, au Xe siècle, le nom de Saint-Maur-des-Fossés.

Comme il est d’usage dans ce type d’ouvrage, on trouve d’autres textes qui éclairent la vie du saint : ici par exemple une Vie de saint Benoît par Grégoire le Grand ou la Vie de saint Babolein, premier abbé de Saint-Maur. Au total, treize textes latins composent le manuscrit orné de 32 illustrations narratives dues à un seul enlumineur.

Le cédérom réalisé par la médiathèque de l’agglomération troyenne, avec des textes de Charlotte Denoël, conservateur au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France, présente clairement l’histoire et la structure du manuscrit. Une introduction brève, mais précise, remet le manuscrit dans son contexte. Le menu propose cinq voies pour découvrir le manuscrit : un sommaire qui donne accès aux treize parties ; des mosaïques qui proposent les pages de chaque partie sous forme d’imagettes cliquables ; un index avec 120 entrées environ ouvrant sur des images et leur commentaire ; une découverte animée qui permet de voir les pages se tourner automatiquement, ce qui présente un intérêt limité ; un fac-similé.

Cette dernière partie est la plus importante et les autres voies convergent d’ailleurs vers elle. Elle permet un feuilletage aisé (même s’il est obligatoire de passer les feuillets un par un sans possibilité de les sauter) et le lecteur se repère facilement grâce au titre courant et à l’indication précise du feuillet. Au début de chacune des parties et à chaque illustration, une icône donne l’accès à un commentaire, à la transcription et à la traduction des rubriques.

Quel public ?

À quel public s’adresse ce cédérom qui présente une version bilingue (français-anglais) bienvenue ? Un manuscrit médiéval, au-delà de son aspect spectaculaire et émouvant qui touche immédiatement, reste un document dont la compréhension du contenu exige des connaissances poussées. Le rendre accessible est un véritable défi.

Le spécialiste trouvera ici un accès au texte intégral, même si le format choisi pour afficher le fac-similé n’autorise pas toujours une lecture immédiate et nécessite le recours à un zoom à double niveau. L’édition ne compte pas d’apparat critique et les rares indications codicologiques fournies sont insuffisantes pour éviter d’avoir recours au document original.

Visiblement, le produit vise donc un plus large public, dont il est d’ailleurs difficile d’évaluer les contours. L’amateur de manuscrit sera séduit par la qualité des images et intéressé par les commentaires qui accompagnent principalement le texte d’Odon de Glanfeuil sur saint Maur, soit un tiers du manuscrit. Cependant, l’absence de transcription et de traduction de l’ensemble des textes le contraindra à faire défiler de nombreuses pages sans en comprendre le sens. S’il n’est pas latiniste et paléographe, il restera donc un spectateur admiratif, mais insatisfait.