Les logiciels libres
Quels usages pour les services de documentation ?
Jean-Pierre Lardy
L’ADBS Rhône-Alpes a organisé le 31 mars dernier une demi-journée consacrée aux logiciels libres et à leurs usages pour les services de documentation.
Qu’est-ce qu’un logiciel libre ?
Jean Bernon, directeur du service commun de la documentation de Lyon III, a commencé par définir la notion de logiciel libre. L’expression fait référence à quatre types de liberté pour l’utilisateur :
- celle d’exécuter le programme, pour tous les usages (liberté 0) ;
- celle d’étudier le fonctionnement du programme et de l’adapter à ses besoins (liberté 1). L’accès au code source est une condition requise ;
- celle de redistribuer des copies, donc d’aider son voisin (liberté 2) ;
- celle d’améliorer le programme et de publier ses améliorations, pour en faire profiter toute la communauté (liberté 3) : l’accès au code source est une condition requise.
Cela n’exclut pas une diffusion commerciale.
Pour illustrer le principe du logiciel libre face au logiciel propriétaire, Richard Stallman, le père du concept de logiciel libre, propose de le comparer à la recette de cuisine d’un gâteau :
- Selon le principe du libre : vous avez obtenu légalement cette recette par n’importe quel moyen (revue, bouche à oreille…). Vous avez le droit de la redistribuer à qui vous voulez et vous pouvez la modifier puis la redistribuer comme il vous plaît.
- Selon le principe du logiciel non libre ou propriétaire : vous n’avez pas accès à la recette mais uniquement au gâteau déjà fait. Vous ne pouvez manger le gâteau que dans une seule cuisine et personne d’autre que vous ne peut le manger. Quand bien même la recette serait fournie avec le gâteau, toute copie ou modification serait interdite.
Ce principe a été formalisé dans le cadre d’une licence dite GPL 1 (General Public License) GNU. La GPL est la licence de logiciel libre la plus utilisée mais il en existe beaucoup d’autres. On peut observer que le mouvement Open Access s’est développé dans le même état d’esprit.
Dans le cadre d’une informatisation, Jean Bernon préconise le pragmatisme. Il faut jouer sur la pluralité de -l’offre et ne pas hésiter à mixer le libre et le propriétaire si c’est ce qui correspond le mieux au cahier des charges. L’évaluation doit prendre en compte toutes les offres. Cependant il considère qu’il faut soutenir le logiciel libre car c’est un modèle d’esprit coopératif.
Quelles solutions pour les bibliothèques ?
Georges Braoudakis, consultant informaticien de la société Polydoc 2, a donné un panorama des solutions logicielles libres destinées aux bibliothèques. Après avoir noté une croissance de 30 % du libre ces dernières années (Livres Hebdo, 3 mars 2006), l’intervenant a indiqué que les logiciels « d’infrastructure », comme Linux, Apache, Mysql, et bureautiques, comme Firefox, Open Office, Yaz, sont les plus anciens, les plus nombreux et les plus utilisés. Au contraire, les logiciels « métiers » sont encore rares mais commencent à s’imposer dans le domaine des bibliothèques et de la documentation comme Koha, PMB, Greenstone, MoCCam.
Les logiciels documentaires propriétaires sont nombreux mais avec des prix trop élevés par rapport au service ; les solutions sont souvent rigides, difficiles à personnaliser. Ils posent parfois des problèmes lors des migrations d’un logiciel à l’autre. L’utilisateur est donc souvent lié au vendeur. Au contraire, les solutions libres offrent un contrôle sur l’application, respectent les normes et sont gratuites. Depuis 2004, le libre pénètre dans les bibliothèques. On observe un fort développement des sociétés de service utilisant du logiciel libre.
L’intervenant a abordé le problème de la difficulté à comparer les coûts. Le coût d’achat des logiciels propriétaires est élevé (licences, installation, paramétrage sont compris dans le prix) ; la formation et la maintenance sont incluses ou entraînent un surcoût. Dans le cas des logiciels libres, la licence est gratuite, mais installation, paramétrage, formation et maintenance sont à financer ou à faire soi-même, ce qui peut prendre du temps. Un logiciel libre n’est pas forcément moins cher ! Il peut y avoir de nombreux coûts cachés.
Les établissements pionniers qui ont adopté des solutions libres se sont confrontés rapidement aux besoins suivants : des développements spécifiques pour atteindre les fonctionnalités requises par le cahier de charges ; des prestations d’intégration avec le système d’information existant (exemple : intégration avec un annuaire LDAP) 3.
G. Braoudakis a présenté le portail FreeBiblio.info 4 qui répond au besoin de veille professionnelle sur les logiciels libres métiers. Il veut aussi améliorer un des points faibles du libre, à savoir la difficulté d’installation et une documentation limitée.
Quelques exemples
Au cours de la table ronde qui suivit, chacun présenta son institution et son activité dans le domaine du logiciel libre. Pierre-Yves Duchemin, conservateur à l’Enssib, a indiqué que l’école apporte des compétences informatiques au cursus des élèves. D’autre part, plusieurs réalisations de l’école reposent sur des logiciels et les normes internationales : le site du BBF est créé sur une chaîne d’édition libre de même que la bibliothèque numérique des travaux d’étudiants. Il est prévu d’installer Koha pour un usage en cours et TP.
Charles Tinivella, responsable du service documentation de la préfecture du Rhône, présenta l’utilisation réussie de PMB avec l’Opac. Ce choix réfléchi, après un test en local, a eu lieu pour des raisons de coût. L’utilisation du libre a changé la philosophie de l’équipe.
Sophie Fotiadi, responsable du service documentation de l’Institut d’études politiques de Lyon, a indiqué que le libre est utilisé à l’IEP depuis plus de dix ans, que ce soit pour les postes destinés aux étudiants (Linux, Fire-fox, Open Office) ou pour les développements de la documentation. En particulier, Cyberdoc repose sur PHP/mySQL, Spip est utilisé en intranet et Koha est en projet. Le passage aux nouveaux outils a été fait par des presta-taires extérieurs.
Virginie Bindel, chargée d’études documentaires au Centre d’études techniques de l’équipement Nord-Picardie, indiqua qu’une solution propriétaire avait été abandonnée car non satisfaisante.
Paul Poulain (Koha France) est revenu sur la philosophie du libre en insistant sur la liberté de choix qu’il procurait.
Il manquait cependant à cette réunion une présentation approfondie des logiciels, qui étaient souvent considérés comme connus par tout le monde.