Information

Besoins et usages

Christian Fleury

À l’heure de la démultiplication de l’offre d’information, notamment sur le web, et des bouleversements des usages, des questions se posent aux professionnels de l’information, aux responsables d’entreprises et d’organisations et aux chercheurs. Quel usage peuvent avoir l’utilisateur et l’institution de cette information, et quelle maîtrise est nécessaire ? À quel besoin identifié répond cette offre ? Faut-il revenir sur le postulat de l’existence d’un besoin d’information ? Pour tenter de répondre à ces interrogations, une rencontre entre chercheurs et professionnels en information et communication a été organisée le 17 mars 2006 à l’IUT Robert Schuman de Strasbourg 1.

La recherche d’information s’effectue dans différents contextes et comprend de multiples enjeux. Le besoin se définit par un sentiment subjectif ressenti par un sujet pour améliorer ses connaissances 2 ; en outre les motivations qui l’amènent à entamer une recherche sont de nature fort diverses selon le degré de familiarité avec le domaine et le niveau d’études du chercheur d’information.

Le processus de recherche d’information comprend plusieurs étapes (synthétisées notamment par Carol Kuhlthau). Au cours de la recherche, il arrive que l’usager repère par hasard des informations inattendues : on parle en ce cas de « sérendipité 3 ».

Si la pertinence d’une information est l’« adéquation entre le résultat de la recherche d’information et l’énoncé de la question posée », son évaluation fait intervenir différents paramètres liés à l’utilisateur : état de ses connaissances sur le sujet, savoir-faire.

Médecins et chercheurs

Dans le cadre de l’analyse diagnostique médicale, en l’occurrence le diagnostic génétique, André Reeber (faculté de médecine de Strasbourg) souligna l’importance de la circulation de l’information entre le clinicien, le laboratoire et le patient. Le diagnostic s’inscrit dans le cadre de règles de bioéthique. La demande d’information implique le respect des règles de confidentialité et de traçabilité de celle-ci. Ainsi le clinicien peut-il à juste titre se poser la question de savoir si le patient doit, dans certains cas, porter la responsabilité de faire connaître sa « maladie » à ses proches (prévention du risque de transmission de la maladie).

Odile Riondet (université de Haute-Alsace) se pencha sur la notion de besoin d’information dans les archives ouvertes du CNRS. Dans le domaine des sciences documentaires, le portail Archivesic 4 recueille l’information destinée aux usagers-chercheurs. La pratique de la « veille informationnelle » nécessite de cibler : celui qui a besoin de l’information ; ce à quoi se rapporte ce besoin ; quels seront les critères de sélection de l’information proposée, en particulier si le besoin se révèle plutôt « pointu ». Dans la pratique de recherche d’information, la consultation des premiers documents peut avoir une incidence sur la poursuite de la recherche qui s’affine au fur et à mesure 5.

Journalistes et entrepreneurs

Sans se focaliser outre mesure sur les enjeux de l’actualité journalistique qui fit l’objet de la communication de Véronique Cohu-Weill, journaliste multimédia aux Dernières nouvelles d’Alsace, il convient de noter l’apparition du podcasting qui vient relancer la dynamique de l’offre d’information. Les weblogs quant à eux proposent une autre approche de l’actualité (presse d’opinion ou plus ou moins spécialisée) : un groupe d’individus partage un savoir ou des opinions en mettant à disposition sur une page web des liens vers des ressources utiles. En ce cas également un code déontologique est de rigueur.

Le centre régional de veille stratégique de la chambre de commerce et d’industrie de Colmar encourage l’intelligence économique, souligna Anne Roffet-Fournier ; les dirigeants de PME (petites et moyennes entreprises) ont compris l’intérêt de mettre en œuvre une telle démarche dans leur entreprise. Savoir chercher l’information, la traiter et la diffuser n’est pas réservé aux seules grandes entreprises, ni à celles qui exportent. En permettant à tous les dirigeants une maîtrise renforcée de l’information, l’intelligence économique les aide à définir puis à conduire une stratégie.

La veille économique implique la personnalisation de l’information, c’est-à-dire l’adaptation d’un produit d’information ou d’un contenu informationnel aux besoins d’information d’un usager ; par conséquent, elle se mesure aussi en coûts.

Les jeunes et le besoin d’information

Dans son intervention, Michèle Archambault, professeur documentaliste, mit en doute la pertinence du critère d’âge dans la recherche de l’information.

L’école propose un environnement contrôlé en matière de recherche d’information : celle-ci s’effectue dans des espaces documentaires physiques et numériques. L’appropriation de l’information passe dorénavant par la maîtrise de l’outil informatique (brevet informatique et Internet, B2i).

La sélection de l’information doit répondre à des critères de pertinence, de fiabilité. Les recherches d’information sont encadrées ou personnelles. On remarquera que les jeunes sont familiers du nouvel environnement numérique, mais que la méthode de recherche ou de vérification de l’information leur fait défaut.

D’autre part, les nouveaux espaces numériques de savoirs encouragent le décloisonnement des connaissances. La mutualisation de l’information permet d’en rationaliser le traitement et l’accès ; la mutualisation des contenus informationnels contribue ainsi au partage des connaissances au sein d’un établissement ou d’une communauté d’intérêts.

Le Clemi (Centre de liaison de l’enseignement et des moyens d’information) assure la formation aux usages critiques des médias en proposant sur son site des fiches d’exploitation pédagogiques. On pourrait envisager une démarche d’appropriation ou de gestion de l’information à partir des pratiques de communication émergentes sur Internet (blogs, peer to peer…).

Hébergé par le Scérén (Services Culture Éditions Ressources pour l’Éducation nationale), le site Savoirscdi 6 propose une large réflexion sur les pratiques et les analyses méthodologiques documentaires dans les centres de documentation et d’information (CDI), à partir de projets pluridisciplinaires initiés au sein des établissements.

Née du projet de créer un espace de dialogue entre praticiens et chercheurs, cette première rencontre « Themat’IC » a permis l’échange de points de vue sur des problématiques communes.

  1. (retour)↑  Actes en ligne : http://infocom.u-strasbg.fr/~thematic/actes.html
  2. (retour)↑  « Le besoin d’information traduit l’état de connaissance dans lequel se trouve un usager lorsqu’il est confronté à l’exigence d’une information qui lui manque, d’une information qui lui est nécessaire pour poursuivre un travail. [Il est] issu d’une exigence de la vie sociale. », in : Dictionnaire de l’information, sous la dir. de Serge Cacaly, Armand Colin , 2004.
  3. (retour)↑  Anglicisme : « Don de faire par hasard des découvertes heureuses » (dictionnaire Le Robert & Collins) [Ndlr].
  4. (retour)↑  http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/
  5. (retour)↑  André Tricot nous a appris que plus une personne a des connaissances plus elle a conscience de ses manques, plus elle élargit son champ d’investigation et donc identifie son besoin d’information, en prend clairement conscience. Le capital culturel et le besoin d’information sont donc liés.
  6. (retour)↑  http://savoirscdi.cndp.fr/