La lecture à l’hôpital
état stationnaire, critique ou convalescent ?
Frédéric Duton
Villeurbanne : Presses de l’Enssib, 2005. – 114 p. ; 24 cm.
ISBN 2-910227-63-4 : 30 €
L’accueil des publics dits empêchés en bibliothèque est un sujet en devenir, qui fait l’objet de multiples interrogations, de projets, d’expériences diverses. Si on se soucie un peu mieux qu’avant des publics handicapés dans les bibliothèques « traditionnelles », on s’intéresse moins aux publics qui, de par leur situation, ne peuvent se rendre dans ces bibliothèques : c’est le cas des bibliothèques de prisons, c’est aussi le cas des bibliothèques d’hôpitaux.
Bibliothèques et publics empêchés
L’initiative de publier, aux Presses de l’École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques, un ouvrage consacré aux bibliothèques d’hôpitaux est donc bienvenue, et d’autant mieux venue que l’ouvrage de Frédéric Duton est issu d’un mémoire rédigé lors de son passage à l’Enssib : on ne peut qu’apprécier la valorisation, si rare, des travaux d’étudiants, dont certains méritent de sortir de l’anonymat relatif et injuste dans lequel ils sont tenus.
D’entrée, Frédéric Duton précise que l’appellation de « bibliothèque d’hôpital » est ambiguë, puisque recouvrant tout à la fois la bibliothèque de loisirs utilisée par le personnel, qui peut s’y déplacer, et par les patients auxquels, souvent, on apporte les documents. Les Anglo-saxons désignent eux sous le vocable de hospital libraries les bibliothèques scientifiques, qui ne sont pas le propos du livre.
L’historique rapide de ces bibliothèques permet de rappeler qu’elles remontent à 1634, mais que c’est l’entre-deux-guerres qui voit le développement parallèle du nombre de personnes hospitalisées et de bibliothèques souvent créées et gérées par des bénévoles. Pour autant, et jusqu’à nos jours, les résultats restent mitigés, malgré la signature en 1999 d’une convention spécifique entre le ministère de la Culture et le ministère de la Santé afin de favoriser le développement d’actions culturelles et artistiques dans les hôpitaux – convention dont les enquêtes réalisées par -Frédéric Suton viennent montrer qu’elle reste fort mal connue des principaux intéressés.
Cette situation contrastée vient aussi de ce que les bibliothèques d’hôpitaux ont du mal à cerner précisément leurs missions, partagées entre une mission culturelle et une mission sociale, les deux étant souvent et de toute façon peu reconnues par les instances dirigeantes des hôpitaux, au mieux indifférentes à la mise en place de telles structures au sein de leur établissement.
Une activité répandue
Pour autant, les données chiffrées manquent pour évaluer précisément l’activité de ces bibliothèques, la dernière enquête de relative ampleur datant de 1992. À sa mesure, Frédéric Duton a essayé de combler cette lacune, par enquête systématique auprès des directions régionales des affaires culturelles : il y constate une grande disparité entre les services (médecine générale, psychiatrie, pédiatrie, gériatrie), et une « activité répandue mais de qualité inégale ».
Les chiffres sont cependant trop peu significatifs pour qu’on puisse se risquer à des évaluations nationales sur le sujet. Incontestable cependant, la prépondérance des bénévoles, qui ne va pas sans inconvénient : manque de formation, résistance au changement, manque de reconnaissance au sein de l’hôpital, etc.
L’une des forces principales des bibliothèques d’hôpitaux est d’avoir mis au cœur de leur fonctionnement une organisation en réseau. En témoigne l’active Fédération nationale des associations de bibliothèques en établissements hospitaliers (Fnabeh), qui regroupe 254 bibliothèques, et propose son aide notamment à l’informatisation des fonds. En témoigne aussi la gestion associative des bibliothèques de l’Assistance publique–Hôpitaux de Marseille, que l’auteur présente de manière détaillée et celle, mieux connue, de l’Assistance publique–Hôpitaux de Paris, l’exemple le plus professionnalisé en la matière.
En conclusion, Frédéric Duton note que « les bibliothèques d’hôpitaux souffrent d’un sous-développement certain et d’un manque de reconnaissance flagrant ». Constat pour le moins pessimiste, à peine nuancé par le souhait que les autres types de bibliothèques, relativement mieux dotés, et notamment les bibliothèques publiques, s’intéressent au public « captif » des hôpitaux de France pour favoriser le développement de ces bibliothèques.
Signalons enfin le prix excessif d’un ouvrage qui ne comprend, pour ce qui est de sa partie rédactionnelle, que 73 pages.