Numériser et valoriser en région le patrimoine écrit et graphique
Vanessa Selbach
Les 22 et 23 septembre 2005, un colloque organisé par la Cobb (agence de coopération des bibliothèques et centres de documentation en Bretagne) et la FFCBmld (Fédération française pour la coopération des bibliothèques, des métiers du livre et la documentation) réunissait à Rennes des élus, des professionnels des archives, bibliothèques et musées, des universitaires, et des prestataires autour de la question de la numérisation et de la valorisation en région du patrimoine écrit et graphique 1.
L’ambition de ce colloque était vaste puisqu’il s’agissait d’effectuer un bilan des réalisations au niveau national dans ces divers types d’institutions, d’évoquer les normes techniques, juridiques, de partager les expériences à travers exposés et débats et de souligner les enjeux et perspectives de développement en termes de sélection des documents, rôle des différents acteurs, respect du droit d’auteur, évolution des usages, diversification des publics, pérennité des projets qui intéressent aujourd’hui les domaines juridiques, économiques et l’ensemble de la sphère politique.
L’intention des organisateurs était enfin de mettre en valeur le rôle majeur de l’échelon régional dans la réalisation des projets de numérisation, et la nécessité de renforcer les réseaux indispensables pour mutualiser les moyens humains et financiers.
Un état des lieux
La première journée a vu un état des lieux de la numérisation dans les bibliothèques, les services d’archives et les musées, dressé par les représentants du ministère de la Culture à partir du catalogue des fonds culturels numérisés qui sera inclus dans le portail européen -Michael 2, ouvert en 2007. Ce panorama a balayé les types de documents, nécessairement libres de droits, leurs spécificités ; leurs modes de diffusion, leurs usages ; les programmes de recherche et la réflexion sur les questions de conservation. On a constaté l’absence de réelle bibliothèque numérique, abordé la disparité des projets selon les régions et souligné, au-delà l’impulsion nationale, le rôle croissant de la région, fédératrice de projets dans le cadre de portails de ressources numériques locales, relais du Plan d’action pour le patrimoine écrit et partenaire d’établissements publics nationaux dans des programmes de coopération, tel celui de la numérisation des publications des sociétés savantes lancé par la Bibliothèque nationale de France.
Cet exposé a été illustré par les retours d’expérience de numérisation de la Bibliothèque interuniversitaire de médecine qui travaille en collaboration avec les chercheurs ; de l’exposition virtuelle La peinture nordique de 1400 à 1500, montée par l’association des conservateurs des musées du Nord-Pas-de-Calais, Musenor ; de la médiathèque de l’agglomération troyenne, pionnière dans la numérisation de ses fonds patrimoniaux mais qui s’interroge aujourd’hui sur l’impact auprès du public ; et des archives départementales des Yvelines qui offrent un accès sans cesse amélioré aux divers registres numérisés grâce à des techniques d’annotations automatiques ou collectives développées par l’Irisa (Institut de recherche en informatique et systèmes aléatoires) et l’Insa (Institut national des sciences appliquées) de Rennes.
En contrepoint, les contraintes juridiques liées au respect du droit d’auteur ont été rappelées par le service juridique de la BnF, et développées selon les projets concernés, en s’attardant particulièrement sur les réflexions et expérimentations en cours au sujet de la numérisation des documents qui ne sont pas encore tombés dans le domaine public. Les sociétés Arkhênum et AJLSM ont traité des contraintes techniques, résumant la démarche de préparation à l’opération de numérisation, les objectifs de valorisation et les outils aujourd’hui utilisés.
Les enjeux de la numérisation
Lors de la seconde journée, les élus ont fait chœur avec les professionnels et universitaires pour rappeler tous les aspects des enjeux de la numérisation : enjeu politique fort par son rôle dans la création de biens cultu-rels communs constitutifs de l’identité nationale ; enjeu social d’accessibilité élargie au savoir ; enjeu linguistique ; enjeu économique pour ne pas déstabiliser le monde de l’édition. Le rôle des institutions culturelles dans l’accès au savoir doit évoluer et intégrer les nouveaux usages des internautes et ces nouveaux producteurs de savoir qui forment des réseaux communautaires dynamiques.
La réflexion sur les publics et les usages des ressources numériques s’est poursuivie en interrogeant le degré d’accessibilité à partir d’une étude statistique du Credoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) et des réalisations de l’association Braillenet en faveur des publics empêchés, et grâce à une analyse de l’évolution des sites Internet de musées.
Des pistes méthodologiques pour garantir la richesse et la pérennité des réalisations de numérisation ont été proposées à travers l’exemple de deux projets régionaux fédérateurs de grande ampleur : le portail régional des musées de Haute-Normandie et le portail régional des ressources documentaires de Bretagne comprenant une bibliothèque numérique des bulletins des sociétés savantes de la région.
Enfin les cas des archives municipales de Rennes, du Conservatoire régional de la carte postale de Baud et de la bibliothèque municipale de Lyon ont permis de questionner l’efficacité des services aux usagers, qui, dans le premier exemple, semblaient correspondre aux besoins, tandis que, dans le dernier, l’offre s’est réorientée de la numérisation vers un service de questions-réponses plus pertinent.