Conte en bibliothèque

par Juliette Doury-Bonnet
sous la dir. d’Évelyne Cevin.
Paris : Éd. du Cercle de la librairie, 2005. – 267 p. ; 24 cm. – (Bibliothèques).
ISBN 2-7654-0896-3 : 42 €

Depuis les années 1980, la vogue du conte s’est affirmée. Des associations de conteurs se sont créées, à la suite de l’Âge d’or de France, des formations sont proposées par divers organismes… Paradoxalement, ce renouveau s’est fait grâce aux bibliothécaires et au livre. Il était temps de faire le point et de proposer un outil de travail aux professionnels.

C’est chose faite avec ce nouvel opus de la collection « Bibliothèques », dirigé par Évelyne Cevin, de la Joie par les livres, qui s’organise selon trois axes : un apport théorique (104 pages), le point de vue des bibliothécaires de « terrain » (70 pages) et un guide pratique (60 pages).

L’importance de l’illustration dans les livres de contes pour enfants est bien mise en valeur par un encart de 16 pages qui donne un aperçu de différents styles, de la tradition russe d’Ivan Bilibine à l’abstraction géométrique de Warja Lavater. Mais il fait surtout la part belle aux artistes d’aujourd’hui. Sont judicieusement juxtaposées sur des doubles pages les visions d’un même texte par plusieurs illustrateurs.

Qu’est-ce qu’un conte ?

La première partie, « Le conte populaire », replace le genre dans son contexte historique et littéraire grâce à la contribution de deux universitaires. Nicole Belmont présente le conte de tradition orale, sa typologie et les avatars de sa collecte. Jean Derive se penche sur le passage de l’oral à l’écrit, qu’il illustre en annexe par deux contes africains dans leurs versions populaire et littéraire. Muriel Bloch donne ensuite la vision personnelle d’une conteuse professionnelle qui s’est forgé son répertoire d’abord grâce à l’écrit, mais qui « continue de laisser traîner [ses] oreilles le plus possible ici ou là ».

Pourquoi raconter aux enfants ? Trois textes, parus entre 1956 et 1986, essaient de répondre à cette question. À travers eux, la parole est donnée aux précurseurs qui ont contribué à légitimer le genre du conte en particulier et la littérature enfantine en général : le folkloriste Paul Delarue, Marc Soriano, l’un des premiers universitaires à s’être intéressé à ces domaines, et le psychiatre et psychanalyste René Diatkine, cofondateur de l’association Acces (Actions culturelles contre les exclusions et les ségrégations).

Raconter en bibliothèque

La deuxième partie, rédigée par des « praticiennes », est consacrée au conte en bibliothèque. Geneviève Patte remonte aux sources du « racontage » en bibliothèque et aux pionniers anglo-saxons du XIXe siècle. Retraçant l’histoire des bibliothèques de jeunesse, elle fait partager son enthousiasme et sa longue expérience. Elle met l’accent sur les missions de la bibliothèque, conçue comme lieu de la « parole vive » et de la transmission.

Quelle politique d’acquisition mettre en œuvre ? Évelyne Cevin propose des pistes pour constituer un fonds de livres de contes, à l’usage des différents publics concernés : les enfants évidemment, mais aussi les bibliothécaires acquéreurs qui ont besoin d’ouvrages de référence et les apprentis conteurs qui veulent se constituer un répertoire. Elle donne quelques critères de choix, concernant les textes d’auteurs, les adaptations, les relectures, l’illustration, etc.

Comment valoriser les fonds ? Trois témoignages (bibliothèques municipales de Savigny-sur-Orge, Aulnay-sous-Bois, Bourges) se succèdent. Le classement des ouvrages est abordé en fin de chapitre. Il s’appuie sur l’expérience de la BM de Bagnolet et du centre de ressources de la Joie par les livres.

Que choisir ?

Un « petit guide pratique » propose tout d’abord deux bibliographies. Une sélection de « 100 livres de contes pour les jeunes » répertorie des contes publiés sous forme d’albums illustrés. Les titres disponibles en librairie côtoient les ouvrages épuisés, « à retrouver dans les bibliothèques », mais les dates d’édition ne sont pas mentionnées. Le classement à l’intérieur des rubriques semble aléatoire (peut-être géographique ?). Intéressant, le parti pris de proposer plusieurs versions marquantes (à divers titres : pour le texte, les illustrations, l’humour, etc.) des Trois petits cochons et du Petit chaperon rouge.

« Sources et ressources : recueils de contes à l’intention des adultes » recense des anthologies selon un classement géographique. Cette fois, les dates de parution sont précisées.

Enfin une partie « Ouvrages de référence » répertorie monographies, numéros spéciaux de revues et articles de périodiques. Pour aller plus loin, sont ensuite proposés des organismes spécialisés et des sites web.

L’ouvrage s’achève avec la confrontation bienvenue de plusieurs variantes du thème de Blanche-Neige.

Dans l’ensemble, ce manuel devrait bien répondre aux attentes pratiques des professionnels, alors que l’on continue à s’interroger sur la formation à la littérature de jeunesse. Il contribuera, si besoin en est encore, à sortir le genre du conte du « magasin des accessoires des bonnes vieilles choses du bon vieux temps » (Muriel Bloch au cours des journées d’étude de l’ADBDP sur l’action culturelle en bibliothèque en 2002).