Bibliofil' - Le référentiel de la filière bibliothèques
Laurence Tarin
L’élaboration d’un référentiel pour la filière bibliothèques a été voulue par le ministère de l’Éducation nationale. Cette démarche s’inscrit dans le cadre de la mise en place d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences qui implique une bonne connaissance des ressources humaines disponibles.
Des référentiels existaient déjà pour les deux autres filières regroupant du personnel non enseignant de l’Éducation nationale : le référentiel Omega pour les personnels administratifs, techniques et ouvriers de service (Atos) et Referens pour les personnels ingénieurs, techniques et administratifs de recherche et de formation (ITRF). Il en manquait donc un pour la troisième filière.
Des fiches de postes
La commande du ministère de l’Éducation nationale précisait qu’il s’agissait de :
- « Faciliter la mise en œuvre de la réforme de la notation et de l’évaluation (un référentiel peut en effet servir de base aux responsables hiérarchiques chargés de l’évaluation pour la rédaction des fiches de postes de leurs collaborateurs).
- Adapter l’offre de formation à l’évolution des métiers.
- Ouvrir la réflexion sur la validation des acquis de l’expérience. »
Il était également précisé que ce référentiel devrait concerner tous les services où peuvent être affectés des personnels de bibliothèque de la fonction publique d’État, c’est-à-dire pas seulement les bibliothèques des universités mais aussi la Bibliothèque nationale, la Bibliothèque publique d’information, les bibliothèques municipales classées, etc.
Contrairement à Referens qui est aussi utilisé pour le recrutement, sur le modèle de référentiels de métiers relevant du secteur privé, il était bien indiqué dès le départ que le référentiel de la filière bibliothèque servirait avant tout à l’établissement de fiches de poste et que le mode de recrutement par voie de concours « généralistes » n’était pas remis en cause 1.
C’est une logique fonctionnelle, centrée sur les activités réellement effectuées, plutôt qu’une approche statutaire qui a été adoptée. Cependant, la constitution même des groupes de travail chargés de rédiger les emplois types qui allaient constituer le référentiel reflétait la hiérarchie de la filière. En effet, trois groupes ont été mis en place, le premier travaillait sur « les emplois scientifiques et d’encadrement supérieur », le second sur « les emplois techniques et l’encadrement intermédiaire » et le troisième sur « les emplois de magasinage ». Il reste que le contexte statutaire est une réalité, même s’il est parfois contourné sur le terrain, et qu’il était impératif d’en tenir compte.
Emplois types
Finalement les travaux des différents groupes ont abouti à un référentiel composé de huit emplois types ce qui est relativement peu si on le compare à d’autres référentiels. Referens, pour la famille Documentation et bibliothéconomie (la partie de cette filière correspondant au métier de bibliothécaire), propose dix emplois types alors même que les personnels relevant de ces emplois sont moins nombreux que ceux de la filière bibliothèque. Le Premier recensement des métiers des bibliothèques, référentiel réalisé par Anne Kupiec il y a dix ans à la demande de la Direction de l’information scientifique et technique (DISTB) de l’époque, en comportait trente et un et celui de l’Association des documentalistes et des bibliothécaires spécialisés (ADBS) en comprend dix-neuf. Si la multiplication d’emplois types permet une description précise des différentes activités pouvant être exercées par un bibliothécaire, elle contribue aussi à donner une vision éclatée du métier et à en diluer le sens. Or, il semblait justement important de montrer à travers ce référentiel ce qui rassemble les différentes personnes exerçant cette profession.
Huit emplois types sont donc proposés par Bibliofil’ 2 :
- Directeur de bibliothèque ;
- Directeur de département ;
- Expert. Il s’agit d’un emploi requérant des compétences scientifiques particulières correspondant à des situations plutôt atypiques comme celle d’un spécialiste des manuscrits médiévaux à la BnF ou d’un professionnel des bibliothèques chargé de concevoir des formations ;
- Chargé de mission. Il s’agit d’un emploi correspondant à des missions transversales comme par exemple le suivi d’un programme de construction ou la mise en place des TIC dans un établissement ;
- Responsable documentaire. Il s’agit d’un emploi lié à la gestion d’une unité ou d’un fonds d’une bibliothèque ;
- Médiateur documentaire. Il convient de ne pas confondre cet emploi avec ceux que l’on désigne sous ce nom dans les bibliothèques de lecture publique mais de comprendre le terme dans son sens littéral : personne mettant l’offre documentaire à disposition du public ;
- Responsable d’une équipe d’agents des bibliothèques ;
- Agent des bibliothèques.
Chaque emploi type est bâti de façon classique avec mention de la mission principale, description des activités principales et des activités associées, description des compétences (connaissances générales et spécifiques ainsi que savoir-faire opérationnels) nécessaires à l’exercice des activités décrites.
Volontairement, aucune référence n’a été faite aux différents statuts, ces emplois types, ou, du moins, les fiches de postes qui s’en inspireront, pouvant, en fonction des situations locales, être occupés par des personnels relevant de statuts différents. Le phénomène de tuilage entre les différents corps est en effet relativement fréquent et s’exerce aussi bien dans le sens ascendant que descendant. L’utilisation de ce référentiel permettra certainement de le mettre en évidence.
Il convient de remarquer que ce référentiel apparaît dans un contexte particulier, celui bien sûr de la réforme de la notation, mais aussi celui du transfert des personnels ouvriers et de service (les OS de la filière Atos) du second degré aux collectivités territoriales. Enfin, gardons en mémoire que la conférence des présidents d’université, lors de son congrès de Poitiers en 2003, envisageait d’« homogénéiser les carrières au sein d’un ensemble de corps unique et simplifié ».
Si le recensement des activités relevant du métier de bibliothécaire et la description des compétences utiles pour l’exercer semblaient bien nécessaires à une période où tout évolue si vite (mais notre très vieux métier n’en est pas à sa première mutation), reste à savoir comment et dans quels buts ce référentiel sera utilisé.